MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

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n°330
 

       Je suis là, assis à ma table et prêt à écrire, mais les mots me font peur. Je m'efforce de rester calme, pourtant je me sens sur le point de céder à un tremblement nerveux. J'ai le dos tourné à ma fenêtre. Depuis mon entrée chez moi, j'évite d'y porter le regard. Je n'ose le diriger vers la fenêtre d'en face . Est-elle en train de m'y épier ?

        L'évènement est là, entre mes mains, comme un bloc sans faille. Il serait bon de trouver la moindre aspérité à laquelle accrocher une réfutation. Mais rien de tout cela ne peut être réfuté. Voyons les faits : cet après-midi, je me suis rendu à l'immeuble d'en face et j'ai interrogé la concierge.

 

Alain Dorémieux - Mondes interdits (1967) - (roman)

 

n°329
 

       Nous touchons ici au point essentiel du débat. Dans les cas où la reconnaissance est attentive, c'est-à-dire où les souvenirs-images rejoignent régulièrement la perception présente, est-ce la perception qui détermine mécaniquement l'apparition des souvenirs, ou sont-ce les souvenirs qui se portent spontanément au-devant de la perception ?

 

Henri Bergson - Matière et Mémoire - (1939) - (philosophie)

 

n°328
 

       Il y avait une fois un prince qui voulait épouser une princesse, mais une princesse véritable. Il fit donc le tour du monde pour en trouver une, et, à la vérité, les princesses ne manquaient pas ; mais il ne pouvait jamais s’assurer si c’étaient de véritables princesses ; toujours quelque chose en elles lui paraissait suspect. En conséquence, il revint bien affligé de n’avoir pas trouvé ce qu’il désirait.

        Un soir, il faisait un temps horrible, les éclairs se croisaient, le tonnerre grondait, la pluie tombait à torrent ; c’était épouvantable ! Quelqu’un frappa à la porte du château, et le vieux roi s’empressa d’ouvrir.

 

H.C. Andersen - La princesse sur un pois - (conte)

 

n°327
 

       Lorsqu'un esprit attentif et ouvert a parcouru, dans les manuels classiques, le cycle ordinaire des chapitres relatifs au premier et au second degré, il est rare qu'il n'éprouve ni étonnement, ni dépit du blocage brusque qui l'arrête au seuil même du troisième degré.

        Si les fonctions et équations cubiques constituent un champ clos réservé, pourquoi ne pas dire tout net qu'elles ne rentrent pas dans le cadre normal des mathématiques élémentaires ? Il est vrai, sans doute, que le troisième degré s'étend sur le triple domaine algébrique, géométrique et trigonométrique, de sorte que cette position à cheval  qui, du seul point de vue scientifique, n'est pas sans intérêt, explique la difficulté d'en introduire l'étude.

 

Le Docteur Devauchelle - Résolution des équations cubiques (1926) - (mathématiques)

 

n°326
 

        Il est bien des vices, Fuscinus, bien des vices déshonorants et capables de flétrir à jamais les plus heureux caractères, que les parents eux-mêmes enseignent et transmettent à leurs enfants. Si le père a la passion du jeu, son fils, portant encore la bulle, remue déjà le dé dans un petit cornet. Et cet autre, qu'espérer de lui, quand il aura appris d'un dissipateur à barbe grise, son maître en gourmandise, l'art de préparer les truffes et d'accommoder à la même sauce les champignons et les bec-figues ? A peine la septième année de cet enfant sera-t-elle écoulée, n'eût-il pas encore renouvelé toutes ses dents, missiez-vous à ses côtés cent précepteurs austères, il n'en soupirera pas moins après une table délicate, et ne consentira jamais à dégénérer de la cuisine paternelle.

 

Juvénal (1er/2éme s. ap.)  - Satire XIV 

 

n°325
 

       Au jour fixé, nous quittâmes la maison, et nous arrivâmes le soir à Malaucène, lieu situé au pied de la montagne, du côté du nord. Nous y restâmes une journée, et aujourd’hui enfin nous fîmes l’ascension avec nos deux domestiques, non sans de grandes difficultés, car cette montagne est une masse de terre rocheuse taillée à pic et presque inaccessible. Mais le poète a dit avec raison : un labeur opiniâtre vient à bout de tout. La longueur du jour, la douceur de l’air, la vigueur de l’âme, la force et la dextérité du corps, et d’autres circonstances nous favorisaient. Notre seul obstacle était dans la nature des lieux.

        Nous trouvâmes dans les gorges de la montagne un pâtre d’un âge avancé qui s’efforça par beaucoup de paroles de nous détourner de cette ascension. Il nous dit que cinquante ans auparavant, animé de la même ardeur juvénile, il avait monté jusqu’au sommet, mais qu’il n’avait rapporté de là que repentir et fatigue, ayant eu le corps et les vêtements déchirés par les pierres et les ronces. Il ajoutait que jamais, ni avant ni depuis, on n’avait ouï-dire que personne eût osé en faire autant.

 

Pétrarque (1304-1374) - L'ascension du Mont Ventoux - (nouvelle)

 

n°324
 

        Ceux qui savent s’observer eux-mêmes et qui gardent la mémoire de leurs impressions, ceux-là qui ont su, comme Hoffmann, construire leur baromètre spirituel, ont eu parfois à noter, dans l’observatoire de leur pensée, de belles saisons, d’heureuses journées, de délicieuses minutes. Il est des jours où l’homme s’éveille avec un génie jeune et vigoureux. Ses paupières à peine déchargées du sommeil qui les scellait, le monde extérieur s’offre à lui avec un relief puissant, une netteté de contours, une richesse de couleurs admirables. Le monde moral ouvre ses vastes perspectives, pleines de clartés nouvelles.

          L’homme gratifié de cette béatitude, malheureusement rare et passagère, se sent à la fois plus artiste et plus juste, plus noble, pour tout dire en un mot. Mais ce qu’il y a de plus singulier dans cet état exceptionnel de l’esprit et des sens, que je puis sans exagération appeler paradisiaque, si je le compare aux lourdes ténèbres de l’existence commune et journalière, c’est qu’il n’a été créé par aucune cause bien visible et facile à définir.

 

Charles Baudelaire (1821-1867) - Le goût de l'infini - (nouvelle)

 

n°323
 

        Pendant un jour, beaucoup d’hommes en chairs et en os avaient remué beaucoup d’hommes en livres.
        Ces derniers étaient tirés de leur coin où parfois, ils reposent en quiétude grande, montrant pour visage, leur dos où est leur nom.
         Puis ensuite, leurs corps ouverts sur un tapis, sous le souffle du jeune et du vieux, mal touchés de certaines mains, disséqués par des regards ; leurs corps demandaient merci aux heures qui sonnaient lentes.
         Enfin le moment qui devait les remettre en place arriva, et les hommes en chairs et en os dirent adieu aux hommes en livres.

 

Xavier Forneret (1809-1884) - Rien  - (nouvelle)

 

n°322
 

       Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Les Amours des bassins, les Naïades en groupe
Voient reluire au soleil en cristaux découpés
Les flots silencieux qui coulaient de leur coupe.
Les lauriers sont coupés, et le cerf aux abois
Tressaille au son du cor; nous n'irons plus au bois,
Où des enfants charmants riait la folle troupe
Sous les regards des lys aux pleurs du ciel trempés,
Voici l'herbe qu'on fauche et les lauriers qu'on coupe.
Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.

 

Théodore de Banville (1823-1891)- Nous n'irons plus aux bois - (poésie)

 

n°321
 

       Il ne faudrait pas tout de même conclure que de servir Yubelblat ça n'apprenait pas certaines choses.... Je parle du domaine scientifique, de la médecine appliquée, des arts sanitaires et de l'hygiène... Il connaissait, le petit sagouin, tous les secrets du métier. Il avait pas son pareil pour dépister l'entourloupe, pour percer les petits brouillards dans les recoins d'un rapport.

       Il aimait pas les fariboles, fallait qu'on lui ramène des chiffres... rudement positifs... de la substance contôlable, pas des petites suppositions... des conjectures aventureuses, des élégants subterfuges... des fins récits miragineux... ça ne passait pas... des chiffres d'abord ! et avant tout ! ... Les sources !... les recettes du budget :...avant les dépenses !... Des faits basés sur des " espèces " ... en dollars ... en livres si possible... Pas des " courants d'air " !

 

Louis-Ferdinand Céline - Bagatelles pour un massacre (1937) - (pamphlet)

 

n°320
 

      

       Un mercredi matin, Tim s’aperçoit qu’il n’a plus aucune chaussette propre dans son placard. Ses parents déjà partis au travail, il doit se débrouiller tout seul. Pas question de porter ses baskets neuves à même la peau ! Il saisit aussitôt masque et tuba et plonge dans son tas de linge sale à la recherche de chaussettes encore vivantes. Cinq couples sont remontés à la surface. Un peu raidies par la crasse, elles ont quand même conservé leur couleur d’origine. Tim se dirige vers le lave-linge et jette les dix chaussettes dans le tambour béant. Le programme court sera sûrement suffisant pour les remettre sur pied. C'est la première fois qu'il manipule tous ces boutons et ne connaît pas la malice dont sont capables ces machines redoutables.
        Vingt minutes de tourbillon plus tard, le cycle semble terminé. Notre héros surexcité plonge sa main fébrile dans la gueule humide de la bête. Et là : incroyable mais vrai, seules huit chaussettes sont retrouvées.

 

Pascale Dehoux - Disparition (2010) - (littérature jeunesse)

 

n°319
 

       Oh ! les cimes des pins grincent en se heurtant
Et l’on entend aussi se lamenter l’autan
Et du fleuve prochain à grand’voix triomphales
Les elfes rire au vent ou corner aux rafales
Attys Attys Attys charmant et débraillé
C’est ton nom qu’en la nuit les elfes ont raillé
Parce qu’un de tes pins s’abat au vent gothique
La forêt fuit au loin comme une armée antique
Dont les lances ô pins s’agitent au tournant
Les villages éteints méditent maintenant
Comme les vierges les vieillards et les poètes
Et ne s’éveilleront au pas de nul venant
Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaètes.

 

Guillaume Apollinaire (1880-1918) - Le vent nocturne - (poésie)

 

n°318
 

        Ah ! celle là pourra resservir. Je crois que ce sera la dernière fois par exemple. Allons, nettoie, lave, brosse, frotte, savonne. Qui l’eut dit il y a cinq ans lorsque j’étais au séminaire. Ah ! misérable créature, qu’as-tu fait de moi ! Pourquoi le Ciel a-t-il voulu que je rencontrasse cette maudite petite blanchisseuse qui repassait alors mes surplis, et, grâce à laquelle j’en suis réduit maintenant à repasser des capotes. Sale métier, va ! les femmes, jusqu’où nous font-elles tomber !... Je ne pourrai jamais détacher celle là. Il est vrai qu’elle est encore plus bas que moi. Ah ! Raphaële, elle vit là dedans, sans remords et sans regret du passé. Et je l’aime toujours pourtant... En voilà une que j’ai oubliée. J’ai des distractions aujourd’hui. Malheureux Crête de Coq ! Elles m’ont nommé Crête de Coq, les gueuses. S’appeler Crête de Coq, quand je devrais aujourd’hui m’appeler l’Abbé Lecoq ! Ah ! les femmes, les femmes !

 

Guy de Maupassant - A la feuille de rose, maison turque (1875) - (théâtre)

 

n°317
 

       "Et alors même que Crainquebille aurait crié : " Mort aux vaches ! " il resterait à savoir si ce mot a, dans sa bouche, le caractère d'un délit. Crainquebille est l'enfant naturel d'une marchande ambulante, perdue d'inconduite et de boisson, il est né alcoolique.  Vous le voyez ici abruti par soixante ans de misère. Messieurs, vous direz qu'il est irresponsable. "

          Maître Lemerle s'assit, et M. le président Bourriche lut entre ses dents un jugement qui condamnait Jérôme Crainquebille à quinze jours de prison et cinquante francs d'amende. Le tribunal avait fondé sa conviction sur le témoignage de l'agent Matra.

 

Anatole France - Crainquebille (1922) - (nouvelle)

 

n°316
 

       Si un escabeau, et cela serait bien préférable, ne peut être mis par la deuxième sorcière, c'est à dire dès maintenant la suivante de Lady Duncan, derrière Lady Duncan pour qu'elle y monte, Lady Duncan pourra faire quelques pas vers la droite où se trouvera un escabeau sur lequel elle monte, à reculons et progressivement, lentement,  dans toute sa majesté.

       La suivante portera la traîne de Lady Duncan, Lady Duncan toujours enveloppée dans cette sorte d'aura.

       Macbett se lèvera et se jettera de nouveau aux pieds de Lady Duncan. 

       (didascalies)

Eugène Ionesco - Macbett (1972) - (théâtre)

 

n°315
 

       Vous serez le " popotier " déclara le Colonel, s'adressant à Baraton, lieutenant de réserve rappelé à l'activité à l'occasion du remue-ménage européen.

         - Bien, mon colonel !  répondit Baraton avec déférence et discipline, mais l'âme pleine d'appréhensions. Etre popotier dans des conditions pareilles, c'est désespérant. Sans aucun ustensile de cuisine, sans pratique, sans recettes, peut-on essayer de nourrir ses semblables ?

        Le colonel vit-il la gravité du cas et le choc intérieur que procurait cette décision à son subordonné ? Cela est dans le domaine du possible... en tous cas il ajouta :

         - Provisoirement !

        Mais Baraton se méfiait des situations provisoires.

 

Georges Bonnamy - L'état-major s'en va-t-en guerre (1941) - (roman)

 

n°314
 

       Il était toujours sensible, tout d'abord, à l'effet de la pointe acérée de sa canne sur le vieux dallage en marbre du hall, de grands carrés noirs et blancs qui faisaient, se rappelait-il, l'admiration de son enfance, et avaient développé en lui, il s'en apercevait à présent, une conception précoce du style.

        Cet effet était le vague cliquetis à répercussions, comme d'une cloche lointaine suspendue qui sait où ? dans les profondeurs de la maison, du passé, de cet autre monde mystique qui eût pu fleurir pour lui s'il ne l'avait, pour le meilleur ou le pire, abandonné.

 

Henry James - Le coin plaisant (1908) - (nouvelle)

 

n°313
 

       Du cycle suivant, on ne connait qu'un petit nombre de sédiments. Qu'il faille en chercher la cause dans un phénomène postérieur  d'érosion ou qu'il y ait eu réellement peu de dépôts, cela est difficile à établir d'une façon positive. Par contre, les formations granitiques et les produits volcaniques revêtent une très grande importance.

        C'est au cours de ce cycle, en effet, que se formèrent les grandes masses des granites rapakivi. Ceux-ci sont caractérisés par de grands cristaux  de feldspath de forme arrondie, qui, en s'effritant, forment une bordure blanche. Des blocs, grands et petits, ont été transportés en grandes quantités lors de la période glaciaire.

 

Van der Vlerk / Kuenen - L'Histoire de la Terre (1961)

 

n°312
 

       Je conçois, à la rigueur, qu'un touriste ayant passé un siècle ou deux loin d'un pays ne soit pas autrement surpris de trouver, à son retour, des décombres et des ruines où il avait jadis contemplé de somptueux palais; mais tel n'était pas mon cas.

       Après une absence de cinq ou six mois, je ne fus pas peu stupéfait de rencontrer, à l'un des endroits de la côte qui m'étaient les plus familiers, un manoir en pleine décrépitude, un vieux manoir féodal que j'étais bien sûr de ne pas avoir rencontré l'année dernière, ni là ni ailleurs.

       Mon flair de détective  m'amena à penser  que ces ruines étaient factices  et de date probablement récente.

 

Alphonse Allais - A l'oeil (1921)

 

n°311
 

       Cependant, si l'Etat mamelouk devient progressivement la proie des faiblesses internes qui ont sapé le pouvoir des dynasties musulmanes successives, il conserve intactes les frontières que lui ont données Beibars et Qalaoum grâce à leurs victoires sur les Mongols et les Croisés.

        Cette stabilité relative ne signifie pas que le statu quo se soit généralisé dans tout l'Orient. Le centre de l'Asie apparaît toujours comme un réservoir inépuisable de peuples nomades dont les incursions peuvent se reproduire à tout moment.

 

René Kalisky - Le monde arabe (1968)

 

n°310
 

       Pauvre enfant pâle, pourquoi crier à tue-tête dans la rue ta chanson aiguë et insolente, qui se perd parmi les chats, seigneurs des toits ? Car elle ne traversera pas les volets des premiers étages, derrière lesquels tu ignores de lourds rideaux de soie incarnadine.

        Cependant, tu chantes fatalement, avec l'insistance tenace d'un petit homme qui s'en va seul par la vie et, ne comptant sur personne, travaille pour soi. As-tu jamais eu un père ? Tu n'as pas même une vieille qui te fasse oublier la faim en te battant quand tu rentres sans un sou.

 

Stéphane Mallarmé - Anecdotes ou Poèmes (1887)

 

n°309
 

       - Tiens, salaud ! Tiens, bandit ! (Elle le frappe) Tiens ! Tu leur as tout expliqué, hein ? Tout ! Aménophis IV, le poison des Borgia, la traite des blanches, hein ? Tout ! Mais ce que tu ne leur as pas dit, ce que tu as étouffé, c'est pourquoi je me suis rasé...pourquoi je me suis rasé la moitié de la tête...Adieu, crapule ! (Elle sort. On l'entend descendre à toutes jambes.) 

       - Partie ? Qu'elle aille au diable ! Enfin, c'est assez juste, pourquoi s'est-elle?... On ne le saura jamais.

 

Roger Vitrac - Le coup de Trafalgar (1934) - (théâtre)

 

n°308
 

       Le soir tombait ; Jacques hâta le pas ; il avait laissé derrière lui le hameau de Jutigny et, suivant l'interminable route qui mène de Bray-sur-Seine à Longueville, il cherchait, à sa gauche, le chemin qu'un paysan lui avait indiqué pour monter plus vite au château de Lourps.

        La chienne de vie ! murmura-t-il, en baissant la tête ; et désespérément  il songea au déplorable état de ses affaires. A Paris, sa fortune perdue par suite de l'irrémissible faillite d'un trop ingénieux banquier ; à l'horizon, de menaçantes files de lendemains noirs ; chez lui, une meute de créanciers, flairant la chute, aboyant à sa porte avec une telle rage qu'il avait dû s'enfuir.

 

J-K Huysmans - En rade (1887) - (roman)

 

n°307
 

       Il y avait une fois une petite femme rudement gentille et qui avait oublié d'être bête, je vous en fiche mon billet. Son mari, lui était laid comme un pou, et bête comme un cochon.

        Les sentiments que la petite femme nourrissait à l'égard de son mari n'auraient pas suffi (pour ce qui est de la température) à faire fondre seulement deux liards de beurre, cependant que lui se serait, pour sa petite femme, précipité dans ls flammes ou dans l'eau sur un signe d'icelle.

         Des faits de telle nature sont, d'ailleurs, fréquemment constatables en maint ménage contemporain.

 

Alphonse Allais (1854-1905) - A la une !  - (contes et nouvelles)

 

n°306
 

       Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte,
Sans songer seulement à demander sa route ;
Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi,
Faire un tiers du chemin jusqu'à près de midi ;
Voir sur sa tête alors s'amasser les nuages,
Dans un sable mouvant précipiter ses pas,
Courir, en essuyant orages sur orages,
Vers un but incertain où l'on n'arrive pas ;
Détrempé vers le soir, chercher une retraite,
Arriver haletant, se coucher, s'endormir :
On appelle cela naître, vivre et mourir.
La volonté de Dieu soit faite !

 

(Jean-Pierre Claris de) Florian (1755-1794) - Le voyageur - (fable)

 

n°305
 

       Quand un macrophage rencontre un lymphocyte, quand un fibroblaste rencontre une cellule mélanocytaire, on aimerait bien savoir pourquoi ils trouvent à échanger des informations. Mettre en avant les récepteurs de membrane, connaître que ce sont essentiellement des sucres, que l'acide sialique tient un grand rôle est important mais répond au " comment ? ". Se demander pourquoi ils le font, au nom de quelle force de vie, dépasse et dépassera sans doute toujours les capacités humaines, mais saisir les grandes " relations " qui conditionnent les rapports des entités vivantes entre elles reste du domaine du possible.

 

Pr Jean-Paul Escande - La deuxième cellule (1983)

 

n°304
 
     

          Quand le soleil, à midi, tombe d’aplomb, les ombres bleuissent, les herbes allumées dorment dans la chaleur, tandis qu’un frisson glacé passe sous les feuillages.

Et c’était là que le moulin du père Merlier égayait de son tic-tac un coin de verdures folles. La bâtisse, faite de plâtre et de planches, semblait vieille comme le monde. Elle trempait à moitié dans la Morelle, qui arrondit à cet endroit un clair bassin. Une écluse était ménagée, la chute tombait de quelques mètres sur la roue du moulin, qui craquait en tournant, avec la toux asthmatique d’une fidèle servante vieillie dans la maison. Quand on conseillait au père Merlier de la changer, il hochait la tête en disant qu’une jeune roue serait plus paresseuse et ne connaîtrait pas si bien le travail ; et il raccommodait l’ancienne avec tout ce qui lui tombait sous la main, des douves de tonneau, des ferrures rouillées, du zinc, du plomb. La roue en paraissait plus gaie, avec son profil devenu étrange, tout empanachée d’herbes et de mousses.

 

Emile Zola - L'attaque du moulin (1880) - (nouvelle)

 

n°303
 
          

          Aux portières le paysage déroulé lui précise dans le souvenir les heures de ce même voyage fait naguère avec elle. Son oncle était venu le chercher à l'Ecole militaire après les examens de sortie, et, durant ce voyage, elle lui était apparue ainsi qu'une âme extraordinaire, instruite en toutes les sciences et portant sur le monde des jugements inattendus.

– Oui, répond le commandant, des jugements inattendus. Elle a tout étudié, n'est-ce pas, recluse dans ce fort où l'attache la situation de son père... Il n'y a plus un mur, chez elle, qui ne soit tapissé de livres...

– Voici le centre de notre patrie, mon commandant, vous l'a-t-elle appris...

– Le coeur de notre république du Nord? Voyez, comme il monte, ce sol, vers le pâle firmament de brumes. Il recouvre, peu à peu, sur l'horizon les tours fumantes des distilleries et des forges.

 

Paul Adam - Le conte futur (1893) - (nouvelle)

 

n°302
 

       Il y a plusieurs catégories de gens : ceux qui se posent les questions, qui ne trouve pas de réponse et qui se résignent à ne savoir ni d'où ils sont venus ni où ils vont ; il y a ceux qui ne se posent aucune question, qui vivent bien, peut-être parce qu'ils ont inconsciemment la réponse ; il y a ceux qui se posent la question, qui ont trouvé, qui ont leur réponse ; enfin il y a ceux qui se posent la question et ne peuvent y répondre. Je fais partie de cette catégorie. A mon âge il est bien tard pour espérer de répondre. Que suis-je venu faire ici ? Je n'y comprends rien.

 

Eugène Ionesco - Journal en miettes (1967)

 

/n°301
 

       Je retournai dans le bureau de Mark Ambient, heureux d'avoir devant moi une heure de tranquillité pour examiner sa bibliothèque. Les fenêtres donnaient sur le jardin, et le calme ensoleillé, la douce lumière de l'été anglais avaient envahi la pièce, sans en avoir complètement chassé la riche atmosphère sombre et tamisée qui était inséparable de son charme et qui flottait autour des rayons pleins de livres dont les vieilles reliures de cuir exhalaient les effluves d'une culture rare, et aussi dans les espaces plus lumineux où médailles, estampes et miniatures ornaient les murs tapissés de tissus fanés.

 

Henry James - L'auteur de "Beltraffio" (1900) - (nouvelle)

 

n°300
 

       Non loin d'eux, la forêt s'anima soudain. Dans un bruit infernal en jaillirent des démons hurlants au visage peinturluré de blanc, de rouge et de vert et les petits s'enfuirent, terrorisés.

        Du coin de l'oeil, Ralph aperçut Porcinet qui courait. Deux assaillants se précipitèrent sur le feu et Ralph se prépara à se défendre, mais ils se contentèrent de saisir des branches à demi brûlées pour détaler sur la plage. Les trois autres, immobiles, observaient Ralph. Celui-ci reconnut Jack dans le plus grand des trois, complètement nu, à part sa ceinture et ses ramages de peinture.  

 

William Golding - Sa Majesté des Mouches (1956) - (roman)

 

n°299
 

       Cette histoire, bien qu'ayant certains caractères de vraisemblance empruntés à la réalité, doit, par des effets délicats et presque insensibles, dus en grande partie à la mise en scène et au "tempo" du jeu des acteurs (lenteur, ton de la voix, silences, intervalles prolongés) se détacher de la réalité et glisser peu à peu vers l'insolite et le rêve.

 

Jean Tardieu - La cité sans sommeil (1984) - (théâtre)

 

n°298
 

       Il vient de se produire un évènement qui devrait dissiper toute ambiance d'injustice ou de déraison et remettre à leur place les réalités qui dominent l'affaire. Nous voulons parler du dépouillement des Papiers d'Abetz. Pendant que nous travaillions à mettre en lumière les sept arguments fondamentaux de ce Mémoire, il est apparu un huitième filon qui dégageait un suprême fait nouveau des archives personnelles  de l'ambassadeur de l'Allemagne hitlérienne à Paris.

       Otto Abetz n'est pas un témoin ordinaire. Son témoignage est tout à fat exceptionnel. Ce personnage officiel est un partisan. Ce partisan est un militant passionné. Il est venu à Paris avant la déclaration de guerre, il y a commencé en pleine paix la longue intrigue  qui a recruté chez nous un parti de la trahison.

 

C.Maurras / M.Pujo - Au grand juge de France  (1949) -(Requête en révision d'un arrêt de Cour de Justice).

 

n°297
 

       Lorsque apparaît la tête humaine, nous remarquons que l'artiste inscrit le profil dans un triangle dont la pointe du nez forme le sommet et l'occiput la base. Ceci donne alors à la figure humaine l'aspect d'une tête d'iseau  (le front et le menton fuyant ayant disparu). Cela n'est pas dû à une maladresse de l'artiste.

         L'art est régi par les mêmes tendances ; aussi bien le sculpteur que le dessinateur ou le coroplaste obéissent aux mêmes règles, schématisant chaque partie caractéristique du corps dans une forme géométrique ou géométrisée.

 

Marguerite Rutten - Arts et styles du Moyen Orient (1950)

 

n°296
 

       La mathématique élémentaire des opérations sur valeurs mobilières constitue un autre facteur important de succès pour tous les types de placement, tout à fait indépendamment de l'art spécial des prévisions. Le fait d'être un bon prophète ne garantit pas automatiquement la réussite : encore faut-il être un opérateur scientifique.

        Nous avons déjà indiqué qu'aucun placeur ne peut sérieusement espérer avoir raison dans ses choix beaucoup plus souvent que sept fois sur dix, car les plans même les mieux conçus peuvent mal tourner. Malheureusement, personne ne peut connaître à l'avance quels seront les trois échecs que l'on est destiné à essuyer sur dix expériences.

 

L.L.B. Angas - Placements et spéculation en bourse (1968)

 

n°295
 

       Rappelons-nous que le behaviorisme s'intéresse au comportement global de l'enfant ou de l'homme. Une réponse partielle implique toujours une activité totale du corps. Lorsque nous disons qu'un être humain fait quelque chose, cela signifie qu'il réagit  avec un groupe musculaire  plutôt qu'avec un autre (par exemple lorsqu'il respire, dort, marche, court, pleure, rit, parle) ; mais chacune de ces réponses implique l'activité du corps entier.

        D'autre part, l'homme se présente d'abord comme un mammifère, un primate, un animal qui connait une vie embryonnaire de neuf mois, une longue enfance débile, une jeunesse lente qui réclame une aide constante.

 

Pierre Naville - La psychologie du comportement (1963)

 

n°294
 

      "Il m'est impossible, sans me déshonorer, de partir en abandonnant, même sur un territoire d'étendue réduite, tous ceux, Français, Tunisiens et étrangers, à qui je dois, au nom de la France, nation protectrice  en vertu des traités reconnus par toutes les nations, ma sollicitude et le soutien de mon autorité morale et spirituelle.

        Les Tunisiens, et à leur tête, son Altesse le bey, ne comprendraient certainement pas que le gouvernement français  ne soit plus représenté auprès d'eux, d'autant plus qu'ils m'ont accordé toute leur confiance."

 

Geo London - L'Amiral Esteva et le général Dentz devant la Haute Cour de Justice (1945)

 

n°293
 

       Naguère, je souffrais beaucoup de sembler drôle à tout le monde. Je ne faisais pas que « sembler drôle, je l’étais. J’avais été drôle depuis ma naissance et, dès l’âge de 7 ans, je savais que j’étais drôle. Plus j’ai appris à l’école, plus j’ai étudié à l’Université, plus j’ai été convaincu que j’étais drôle. Si bien que toutes les sciences que j’ai apprises n’avaient pour but, et n’ont eu pour résultat, que de me conforter dans cette idée que j’étais drôle.

         Il en était de même dans la vie courante que dans mes études. Chaque année, j’étais plus conscient de ma drôlerie, de ma bizarrerie à tous les points de vue. Tout le monde se moquait de moi, mais personne ne se doutait qu’il y avait un homme qui savait, mieux que n’importe qui, que j’étais drôle, et que cet homme c’était moi. Ce fut par ma faute, du reste, qu’on ne le sut pas. J’étais trop fier pour faire mes confidences à personne. 

 

Feodor Dostoïevski  - Le rêve d'un drôle d'homme (1877) - (nouvelle)

 

n°292
 

       Pourquoi les alpinistes s'encombrent-ils de cordes pour se lier les uns aux autres, alors que ces cordes pèsent lourd, se coincent, décrochent des pierres, abîment les mains et obligent à des manoeuvres longues et compliquées?

       Avant même de songer à devenir un brillant grimpeur, tout alpiniste conscient de ses responsabilités et de la valeur de l'existence devrait avoir à coeur d'être un parfait assureur. Les manoeuvres de corde en école d'escalade et durant l'ascension servent bien d'exercice mais ne sont pas probantes  et ce n'est qu'au moment du dévissage que peut-être appréciée la qualité de l'assurance. 

 

Bertrand Kempf - Guide pratique de la montagne (1962)

 

n°291
 

       En fait de tête, tout ce que le monstre possédait était une de ces cantines de Hesse, qui ressemblent à de vastes tabatières, avec un trou dans le milieu du couvercle. Cette cantine (surmontée d'un entonnoir à son sommet comme d'un chapeau de cavalier rabattu sur les yeux) était posée de champ sur le tonneau, le trou étant tourné de mon côté ; et, par ce trou qui semblait grimaçant et ridé comme la bouche d'une vieille fille très cérémonieuse, la créature émettait de certains bruits sourds et grondants qu'elle donnait évidemment pour un langage intelligible.

 

Edgar Poe - L'Ange du Bizarre (1844) - (Histoires grotesques et sérieuses)

 

n°290
 

       La démarche que vous m'aviez prescrite a été effectuée ce matin auprès du Secrétaire d'Etat des Affaires Etrangères. Après avoir lu le texte de vos instructions téléphonées, je les ai résumées à M. de Weizsäcker. J'ai indiqué au Secrétaire d'Etat qu'il devait comprendre avec quelle émotion profonde j'avais appris l'entrée des troupes allemandes en Moravie.

        Cette intervention militaire était contraire à l'accord de Münich comme à la déclaration du 6 décembre. En conséquence je devais réserver entièrement l'appréciation et l'attitude de mon Gouvernement et priais M. de Weizsäcker de m'éclairer sur les intentions exactes du Gouvernement allemand. 

 

Ministère des Affaires Etrangères - Le livre jaune français (1939) - (documents diplomatiques)

 

n°289
 

       La lecture d'une diagnose ou la détermination par les clés conduit, comme on dirait aujourd'hui, à un "portrait-robot" de l'individu, que l'on compare au sujet "appréhendé". Mais ce portrait, synthèse réalisée à partir d'éléments souvent incertains et forcément incomplets, ne saurait remplacer une photographie qui donne d'emblée l'allure générale et la résultante de l'ensemble des caractères.

        C'est la grande force de l'image comme celle de la Nature, de ne pas connaître de frontières  et si cette introduction fait l'objet d'une traduction destinée respectivement aux différentes éditions, nous avons rédigé une légende conventionnelle en quatre langues qui conduit à des abréviations que nous avons voulues simples, à la portée de tous.

 

Raymond Nardi - Atlas photographique des champignons (1966)

 

n°288
 

       En observant la baisse persistante du baromètre, le capitaine Mac Whirr pensa donc : "Il doit faire quelque part un sale temps peu ordinaire." Oui, c'est exactement ce qu'il pensa. Il avait l'expérience des sales temps moyens, le terme sale appliqué au temps n'impliquant qu'un malaise modéré pour le marin.

        Une autorité incontestable lui eût-elle annoncé que la fin du monde sera due à un trouble catastrophique de l'atmosphère, il aurait assimilé cette information à la simple idée de "sale temps" et pas à une autre, parce qu'il n'avait aucune expérience des cataclysmes, et que la foi n'implique pas nécessairement la compréhension.

 

Joseph Conrad - Typhon (1918) - (roman)

 

n°287
      

        Le jeu n'est pas un loisir futile. Révélons-le tout de go : le joueur le plus innocent fait, sans le savoir, plus que jouer. Un jeu n'est pas gratuit et improductif. Une oeuvre, au moins, est produite : le jeu lui-même. Son système de règles, avec ses principes et ses lois, est un système logique, à peine moins rigoureux qu'une théorie mathématique.

         Appelons donc le jeu une "structure ludique", pour élever fermement et définitivement le débat. Une structure ludique, donc, est une oeuvre d'art, au même titre qu'une structure mathématique, par sa pureté et son unité de construction.

   

Pierre Berloquin - Le livre des jeux (1970)

 

n°286
 

       Un jour d'octobre, comme le ciel verdissait, les monts dressés sur l'horizon virent le léopard, dédaigneux pour une fois des antilopes, des mustangs et des belles, hautaines et rapides girafes, ramper jusqu'à un buisson d'épines. toute la nuit et tout le jour suivant il se roula en rugissant.

         Au lever de la lune il s'était complètement écorché et sa peau, intacte, gisait à terre. Le léopard n'avait pas cessé de grandir durant ce temps. Au lever de la lune il atteignait le sommet des arbres les plus élevés, à minuit il décrochait de son ombre les étoiles.

 

Robert Desnos - La Liberté et l'Amour  (1927)

 

n°285
 

       L'Action Française déclenche contre Malvy une campagne violente. Le 27 juillet, Clémenceau à la tribune du Sénat, reproche à Malvy, ministre de l'Intérieur, de trahir les intérêts de la France. Le cabinet Ribot est blessé à mort. Il traîne quelque semaines à raison des engagements pris avec les Alliés pour des conférences.

        Le 31 août, Malvy donne sa démission, Ribot tente un replâtrage, mais est découragé par les difficultés du dosage exigé par les partis. Il se retire, laissant la place à Painlevé.

 

Henri Lémery - D'une République à l'autre(1894-1944)- (1964)

 

n°284
 

       Pour les marxistes, il n'existe pas de facteurs proprement culturels des phénomènes politiques. Les idéologies, les croyances, les représentations collectives, les institutions, les cultures, ne sont que le reflet des classes : elles se situent dans la superstructure de la société.

        Sans doute, la superstructure réagit sur la base : mais de façon secondaire et limitée. En Occident, au contraire, on donne une importance primordiale aux éléments culturels.

 

Maurice Duverger - Introduction à la politique (1964)

 

n°283
 

       Quand, aux premiers frissons de l'hiver la forêt se dénude, la terre se durcit, l'eau gèle, quand parfois la neige recouvre le tout de son craquant manteau, quoi de plus charitable que de placer dans votre jardin  des mangeoires pourvues de graisse et de graines.

        S'il est dans votre intention d'en tirer profit, et de faire quelques photos, vous devez placer cette corne d'abondance dès le début de l'hiver et régulièrement l'alimenter, même au cours des soudains et imprévisibles radoucissements. Vous installerez en même temps votre cachette, à la distance désirée ; ainsi fera-t-elle partie du décor. Vous verrez qu'ils viendront vite par dizaines se chamailler imprudemment sous votre oeil de verre.

 

Serge et Dominique Simon - Je pratique la chasse photographique (1978)

 

n°282
 

       Quand vous vous êtes assuré que le dos est bien sec, sortez le livre de la presse et posez-le à plat devant vous, le dos à votre droite. Choisissez parmi les restes du découpage des plats, une bande de carton de 5 à 6 centimètres environ de large et insérez-la, du côté de la tête, entre le plat et le corps de l'ouvrage, ceci surtout pour éviter que le couteau n'atteigne le plat de dessous à la fin du rognage.

        Saisissez ensuite le carton ou plat du dessous, soulevez-le comme pour ouvrir le livre, jusqu'à ce qu'il soit perpendiculaire et tirez-le vers le bas du livre jusqu'à ce qu'il soit descendu de la valeur d'une chasse (un demi- centimètre environ).

 

H.Bourdelon - Comment relier soi-même (1932)

 

n°281
 

       Un bon chien est indispensable pour chasser le perdreau. Tout d'abord pour le lever car, dès qu'il  est fatigué, il colle, préférant la fuite à pattes à l'envol : si le chien ne le bourre pas, il y a beaucoup de chance qu'il vous échappe. De même s'il est désailé, ce qui est fréquent.

         Quand vous abattez une pièce, repérez tout de suite où elle tombe et courez droit dessus. Si vous ne la retrouvez pas tout de suite, posez votre coiffure au sommet d'une betterave ou d'une touffe d'herbe et cherchez en tournant tout autour.

 

Emile Lejeune - Guide Marabout de la chasse (1968)

 

n°280
 

       Platon est mort il y a plus de vingt-trois siècles. Quel intérêt y a-t-il donc, pour nous qui sommes plongés dans les problèmes confus et complexes de la civilisation technicienne, problèmes dont l'étrange et constante nouveauté ne cesse de nous exalter et de nous accabler, à interroger un penseur si lointain, si évidemment vieilli ?

        En quoi nous parle-t-il encore ? Que peut-il nous dire, comment nous est-il possible de l'entendre et que retiendrons-nous de son discours ? La distance n'est-elle pas trop grande entre lui et nous pour qu'un message sensé, vivant, significatif puisse être transmis ?

 

François Châtelet - Platon (1965)

 

n°279
 

       Les statuts du F.M.I. attribuent à cette institution des activités fort nombreuses et variées. Il est tout d'abord chargé de faire respecter par les pays membres un certain nombre de principes découlant des accords de Bretton-Woods que l'on appelle souvent un "code de bonne conduite".

        La gestion de l'ordre monétaire ainsi établi oblige le Fonds à accorder son assistance financière aux pays membres pour éviter que les difficultés de balance des paiements ne conduisent certains d'entre eux à recourir à des pratiques interdites.

 

Jacques Petit-Roulet - Le système monétaire international (1971)

 

n°278
 

       O la femme ! Quel être perfide ! C'est maintenant seulement que j'ai compris ce qu'était la femme. Personne n'a jamais su jusqu'ici de qui elle était amoureuse : c'est moi le premier qui l'ai découvert. La femme est amoureuse du diable. Je ne plaisante pas.

        Voyez-la qui, de l'une des premières loges, pointe ses jumelles. Vous croyez qu'elle regarde ce gros bonhomme couvert de décorations ? Pas du tout : elle regarde le diable qui se tient derrière son dos. Le volà qui s'est caché dans les plis de son frac. Le voilà qui fait signe du doigt à la femme. Et elle l'épousera ; je vous assure qu'elle l'épousera.

 

Gogol - Le journal d'un fou (1835) - (nouvelle)

 

n°277
 

       En janvier 1943, le S.O.I. se transforma en "Milice française". Par une loi publiée au Journal Officiel du 31 janvier 1943, la Milice était créée en ces termes : "La milice française, qui groupe des Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social, économique, intellectuel et moral de la france, est reconnue d'utilité publique. Ses statuts, annexés à la présente loi, sont approuvés.

        Le chef du gouvernement est le chef de la Milice française. La Milice française est administrée et dirigée par un secrétaire général nommé par le chef du gouvernement. Le secrétaire général représente la Milice française vis à vis des tiers.". Darnand s'est expliqué sur cette transformation : "En 1943, je me rendais compte, petit à petit, qu'on ne savait vraiment plus ce qu'on voulait dans les conseils du Maréchal. Tout devenait flou."

 

André Brissaud - La dernière année de Vichy (1965)

 

n°276
 

       C'étaient des costumes de jeunes gens d'il y a longtemps, des redingotes à hauts cols de velours, de fins gilets très ouverts, d'interminables cravates blanches et des souliers vernis du début de ce siècle. Il n'osait rien toucher du bout du doigt, mais après s'être nettoyé en frissonnant, il endossa sur sa blouse d'écolier un des grands manteaux dont il releva le col plissé, remplaça ses souliers ferrés par de fins escarpins vernis et se prépara à descendre nu-tête.

         Il arriva, sans rencontrer personne, au bas d'un escalier de bois, dans un recoin de cour obscur. L'haleine glacée de la nuit vint lui souffler au visage et soulever un pan de son manteau.

 

Alain-Fournier - Le Grand Meaulnes (1913) - (roman)

 

n°275
 

       Le décret avait été signifié aux souverains à cinq heures. On ne se mit en marche qu'à sept. Le Roi avait retardé le départ tant qu'il avait pu, espérant toujours donner à Bouillé le temps d'accourir et de le délivrer. Une cinquantaine de cavaliers déjà patrouillaient dans les moissons, mais leur chef n'osait rien ordonner.

        Quand Bouillé arrivera à son tour avec quatre cents soldats de Royal-Allemand, ses officiers lui objecteront que les chevaux sont fatigués, qu'il n'y a pas assez d'hommes, que les chemins sont mauvais, qu'il n'y a point de gué à la rivière, qu'il est trop tard et Bouillé s'en ira.

 

Pierre Gaxotte - La révolution française (1928)

 

n°274
 

       "Je sais ce que c'est que de devenir subitement folle et d'être incapable de se contrôler ; après des mois de méchancetés et de vexations de toutes sortes, j'ai failli étrangler une soeur. Cela n'a pas eu de suite, car le prêtre attaché  au pensionnat est intervenu auprès de la supérieure.

        De plus ces femmes avaient la "bénédiction" des autorités, on disait d'elles que c'étaient des femmes admirables et qu'elles faisaient un travail bien ingrat. Aussi, monsieur, faites que les jeunes d'aujourd'hui ne connaissent pas ça, car on reste marqué à vie et on ne croit plus à rien. "

 

Bertrand Boulin - La charte des enfants (1977)

 

n°273
 

       Il existe un autre moyen d'aborder le problème du peuplement de la Crète, c'est celui que fournit la toponymie. L'auteur du "Catalogue des Vaisseaux", au chant II de l'Iliade, attribue cent cités aux Crétois qui accompagnent Idoménée, petit-fils de Minos, à la guerre de Troie. L'auteur de l'Odyssée, vers 700 avant Jésus-Christ, ne compte en Crète que quatre-vingt-dix cités.

        Les textes littéraires, les inscriptions, les monnaies, les cartes géographiques ont permis à la science moderne d'établir un répertoire de cent trente-deux noms de villes ou de bourgades crétoises, existant dans l'Antiquité héllénique. Si, de ce total, nous retirons les noms qui s'expliquent par la langue grecque et qui datent apparemment des époques achéenne et dorienne, postérieures à l'époque minoenne, il reste quatre-vingt-treize noms d'habitats que l'on peut qualifier de préhelléniques. 

 

Paul Faure - La vie quotidienne en Crète (1973)

 

n°272
 

       On peut, dans la pensée statistique, distinguer trois phases qui se succèdent : la première est la statistique descriptive, qui est l'art de condenser, d'analyser et de présenter des renseignements numériques trop nombreux pour être utilisables exhaustivement. Par exemple la liste de tous les Français avec en regard, le chiffre de leur revenu est un document parfaitement inutilisable ; pour une raison de prix de revient, il es même irréalisable. Une des premières tâches du statisticien est de rendre ce document utilisable. Comment procèdera-t-il ?  

        Vraisemblablement en définissant des "tranches de revenus" et en dénombrant les Français dont le revenu se situe dans chacune des tranches ; tels sont les tableaux que publie le Ministère des Finances au mois de février de chaque année.

 

Jean-Louis Boursin - Les structures du hasard (1966)

 

n°271
 

       Dès le dîner, il leur était venu à tous deux ensemble, sans qu'ils se la fussent communiquée, une joie qui les surprenait un peu, presque bouffonne, qu'ils ne pouvaient s'expliquer. Hélène commença par presser le pied de Shad sous la table. Puis, comme il faisait mine - en jeune homme timide - d'être gêné par ses avances et de les repousser, elle se déchaussa et tenta d'introduire son pied dans la jambe de son pantalon. Elle voulut ensuite atteindre son sexe et se rétablit de justesse au moment où elle allait glisser sous la table.

 

Marc Cholodenko - Les états du désert (1976) - (roman)

 

 

 

 

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