qu'

MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

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n°360
 

       Le lendemain, ayant convoqué le conseil, il les consola et les exhorta " à ne pas se laisser abattre ni bouleverser par un revers : ce n'était point par leur valeur et en bataille rangée que les Romains les avaient vaincus, mais grâce à une pratique et à un art des sièges, dont eux-mêmes n'avaient point l'expérience ; on se trompait, à n'attendre que des succès à la guerre ; il n'avait jamais été d'avis de défendre Avaricum, et il les en prenait à témoin ; le malheur était dû à l'imprudence des Bituriges et à l'excessive complaisance des autres ; il le réparerait vite, néanmoins, par de plus grands avantages. Les états gaulois jusqu'alors séparés des autres allaient par ses soins entrer dans son alliance et il ferait de toute la Gaule un seul et même faisceau de volontés. 

 

César - La guerre des Gaules (52 av)

 

n°359
 

       Le père d'Euphrasie, Antigone, sénateur et gouverneur de la Lycie, mourut jeune ; sa mère, nommée également Euphrasie, refusa de se remarier et s'installa en Egypte avec sa petite fille, auprès d'un monastère de religieuses. A sept ans, la fillette confiait à l'abbesse  son désir de mener la vie monacale. Sa vocation allant toujours s'affirmant, l'abbesse l'admit au couvent et la revêtit de l'habit religieux.

        La mère d'Euphrasie mourut peu après, et l'empereur Théodose décida d'appeler à la cour la jeune fille pour la marier. Elle répondit à cet appel par une lettre si élevée que l'empereur en pleura. Euphrasie ne quitta donc pas son couvent, y faisant toutes besognes avec allégresse.

 

Marteau de Langle de Cary - Dictionnaire des saints (1963)

 

n°358
 

      En l'an 1009, à une époque où il n'était pas encore question de la menace seldjoukide, le khalife fatimide du Caire avait ordonné la destruction de l'église du Saint-Sépulcre, but de pèlerinage pour des milliers de Chrétiens d'Europe. Les persécutions et les mauvais traitements infligés aux pèlerins qui faisaient alors route vers Jérusalem eurent un retentissement pofond en Occident.

       L'espoir de voir un jour Byzance reprendre possession de ses provinces " syriennes " s'effaçait de plus en plus. Mais quand éclata en Europe la nouvelle du désastre byzantin à Malazgerd, les dernières illusions que les Chrétiens pouvaient encore entretenir à ce sujet s'envolèrent. L'empire grec s'effondrait, touché à mort, semblait-il.

 

René Kalisky - Le monde arabe (1968) - (histoire)

 

n°357
 

       J'étais arrivé à une presque complète indifférence à l'égard de Gilberte, quand deux ans plus tard je partis avec ma grand-mère pour Balbec. Quand je subissais le charme d'un visage nouveau, quand c'était à l'aide d'une autre jeune fille que j'espérais connaître les cathédrales gothiques, les palais, les jardins de l'Italie, je me disais tristement que notre amour, en tant qu'il est l'amour d'une cetaine créature, n'est peut-être pas quelque chose de bien réel, puisque, si des associations de rêveries agréables ou douloureuses peuvent le lier pendant quelque temps à une femme jusqu'à nous faire penser qu'il a été inspiré par elle d'une façon nécessaire, en revanche, si nous nous dégageons volontairement ou à notre insu de ces associations, cet amour, comme s'il était au contraire spontané et venait de nous seuls, renait pour se donner à une autre femme.

 

Marcel Proust  - A l'ombre des jeunes filles en fleurs  (1919) - (roman)

 

n°356
 

       Il lui fallait attendre vingt minutes. Il marcha au hasard. Les lampes à pétrole s'allumaient au fond des boutiques ; ça et là, quelques silhouettes d'arbres et de cornes de maisons  montaient sur le ciel de l'Ouest où demeurait une lumière sans source qui semblait émaner de la douceur même de l'air et rejoindre très haut l'apaisement de la nuit.

        Malgré les soldats et les Unions ouvrières, au fond des échoppes, les médecins aux crapauds-enseignes , les marchands d'herbes et de monstres, les écrivains publics, les jeteurs de sorts, les astrologues, les diseurs de bonne aventure, continuaient leurs métiers lunaires dans la lumière trouble  où disparaissaient les taches de sang. 

 

André Malraux - La condition humaine (1933) - (roman)

 

n°355
 

       Au plus profond de ce taillis, non loin de l'extrémité orientale de l'île, c'est à dire de la plus éloignée, Legrand s'était bâti lui-même une petite hutte, qu'il occupait quand, pour la première fois et par hasard, je fis sa connaissance. Cette connaissance mûrit bien vite en amitié car il y avait dans le cher reclus de quoi exciter l'inrérêt et l'estime.

         Je vis qu'il avait reçu une forte éducation, heureusement servie par des facultés spirituelles peu communes, mais il était infecté de misanthropie et sujet à de malheureuses alternatives d'enthousiasme et de mélancolie. Bien qu'il eût chez lui beaucoup de livres, il s'en servait rarement.

 

Edgar Poë - Le scarabée d'or (1839) - (Histoires extraordinaires)

 

n°354
 

       Tout d'abord le français est la seule parmi  les langues considérées à posséder le partitif grammaticalisé du : du poil, à l'origine " un peu, une pincée de poil ", peut facilement être interprété comme n'importe quelle quantité de poil; confusion impossible pour l'anglais qui dit prendre un poil.

        Ensuite " prendre du poil de la même bête ", est devenu en français reprendre du poil, ce qui est un contre-sens particulièrement ambigu dans notre langue où reprendre signifie  à la fois " prendre encore, de nouveau " et " se rétablir, retrouver de la vigueur " ; confusion encore impossible en anglais.

 

Pierre Guiraud - Les locutions françaises (QSJ n°903)(1962)

 

n°353
 

       -Ne vous asseyez pas, madame ; c'est inutile. Vous allez perdre votre temps et me faire perdre le mien.C'est curieux, ce parti pris, chez les trois quarts des femmes, de considérer le commissaire pour un racommodeur de ménages cassés ! Madame, les petites querelles d'intérieur ne sont pas de la compétence du commissaire de police. Sorti des flagrants délits d'adultère, le commissaire ne doit, ne peut intervenir qu'en cas d'entretien de concubine  au domicile conjugal. Est-ce le cas de votre mari ?

 

Georges Courteline - Le commissaire est bon enfant (1899) - (théâtre)

 

n°352
 

       Fehrendorf me peint en sainte stylite. Je reste debout sur un chapiteau corinthien. Fehrendorf, moi je te le dis, c'est une nouille molle. La dernière fois je lui écrase un tube de peinture. Il m'essuie son pinceau dans les cheveux. Je lui donne une claque. Il me jette sa palette à la tête. Je renverse le chavalet. Le voilà derrière moi avec son appuie-main par-dessus le divan, les tables, les chaises, tout l'atelier.

        Derrière le poêle, il y avait une esquisse : tu es gentil ou bien je la déchire ! Il a décrété l'amnistie, et; pour finir, il m'a terriblement - mais terriblement, je te le dis - embrassée !

 

Frank Wedekind - L'éveil du printemps (1974) - (tragédie enfantine)

 

n°351
 

       Il y avait des années que j'écrivais sur ces forces et pourtant, je n'aurais pas été jusqu'à imaginer l'effet foudroyant que pouvaient produire quatre-vingts chars B2 sur des spectateurs les voyant déboucher de face. A distance et intervalle de cinquante mètres, disposés en une vaste profondeur sur un front de deux kilomètres, tirant à la fois la mitrailleuse et le canon de 75, la division blindée, à 25 kilomètres à l'heure, nous submerge.

        L'observatoire a été bien choisi. Rien ne nous échappe. Je pense à mes meilleurs soldats, ceux du camp de César, ceux de Verdun, et je constate qu'il n'y a pas d'autre attitude à prendre que celle de faire le mort en priant Dieu de ne pas tomber sous une chenille.

 

Georges Loustanau-Lacau - Mémoires d'un Français rebelle (1948)

 

n°350
 

       La tendance libertaire fut-elle un  " épisode de jeunesse " dans la vie de Kafka, limité aux années 1909-1912 ?

       En réalité, après 1912, Kafka a cessé de participer aux activités des anarchistes tchèques et s'est trouvé de plus en plus intéressé par des cercles juifs et sionistes. Mais ses conversations avec G.Janouch, vers l'année 1920, montrent la persistance de ses premières inclinations.

        Non seulement il qualifie les anarchistes de Prague " d'hommes très gentils et très gais ", " si gentils et si amicaux qu'on se voit obligé de croire en chacune de leurs paroles " , mais encore les idées politiques et sociales qu'il esquisse sont très proches de l'anarchisme. 

 

Annie Goldmann - Essais sur les formes et leurs significations (1981)

 

n°349
 

       C'est à cette époque, on l'apprit par la suite, qu'il donna au bureau des signes de distraction qui furent jugés regrettables à un moment où la mairie devait faire face à un personnel diminué, à des obligations écrasantes. Son service en souffrit et le chef de bureau le lui reprocha sévèrement en lui rappelant qu'il était payé pour accomplir un travail que, précisément, il n'accomplissait pas.

        Votre vie ne me regarde pas, lui dit-il. Mais ce qui me regarde, c'est votre travail. Et la première façon de vous rendre utile c'est de bien faire votre travail. Ou sinon, le reste ne sert à rien.

 

Albert Camus - La peste (1947) - (roman)

 

n°348
 

       Ainsi, un domaine très vaste de la pathologie est sous la dépendance directe du ciel et de ses caprices, si toutefois les deux conditions essentielles sont réunies : brusquerie dans la variation du temps et fragilité du sujet.

        Le vent malin peut nous clouer au lit, projets balayés, immobiles, hémiplégiques ; une onde magnétique peut, telle la femme de Loth, nous figer à jamais. Ne sommes-nous donc que des insectes, aveugles et décidés ? Faut-il subir ce qui vient d'en haut ? Peut-on détendre l'arc et dévier la flèche ?  Sommes-nous maîtres du lieu et de l'heure ? Même le suicidé ne l'est pas !

 

Dr Fernand Attali - Le temps qui tue, le temps qui guérit (1981) - (essai)

 

n°347
 

       Aux Etats-Unis, pour la guerre totale, la mobilisation a commencé en juin 1940 et ne devait s'achever qu'en 1944, au terme de quatre années. Mais, tandis que se déployait l'effort vers la mobilisation totale, les Américains se demandaient s'il leur serait possible de maintenir à onze millions d'hommes l'effectif de leurs forces armées, de construire une marine à même de dominer deux océans, de combler les pertes au fur et à mesure, de créer une armée aérienne supérieure, et de façon définitive, aux armées aériennes adverses, sans pour cela cesser de pourvoir aux besoins de la population civile. 

 

Walter Lippman - La politique étrangère des Etats-Unis (1945)

 

n°346
 

       Malgré quelques opinions contraires, on peut affirmer que dans de nombreuses sociétés africaines la dimension des organes sexuels masculins est proportionnelle à la taille des hommes. En général le pénis est relativement large, même au repos, ce qui lui permet de demeurer assez longtemps dans le vagin, même après l'éjaculation.

        Au lieu du penis pendulus habituel, les Boschimans ont le penis rictus , c'est à dire court et étroit, et qui demeure horizontal même à l'état flasque, ce qui explique ces images rupestres où les personnages semblent avoir le pénis en érection même lorsqu'ils s'adonnent à des activités indépendantes de la vie sexuelle, telles que la guerre et la chasse. 

 

Boris de Rachewiltz - Eros noir (1993) - (ethnographie)

 

n°345
 

       La Colère de Samson , dans son état définitif, est datée du 7 avril 1839. Ce même jour, Vigny notait dans son Journal : " Depuis longtemps j'avais le sentiment de la conception de ce poème dans la tête, mais le dessin ne me satisfaisait pas. En voyageant et en passant à Tours, j'ai écrit, dans une auberge, au mois de décembre, une esquisse en prose dont le mouvement est bien jeté. Je l'ai crayonnée et je l'ai oubliée au portefeuille.

        Un jour à Londres, je l'ai regardée comme un peintre regarde l'esquisse d'un autre peintre, et la jugeant comme oeuvre d'art, je l'ai approuvée et me suis donné l'autorisation de peindre le tableau. Hier ici j'ai pris la toile et je l'ai peinte en deux jours. " 

 

Henri Guillemin - M. de Vigny, homme d'ordre et poète (1955) - (essai)

 

n°344
 

       Je doutais de la vocation de Jacques et de la volonté que j'avais eue. La peinture était-ce donc un pis-aller, ce que l'on fait de moins mal ? D'ailleurs il travaillait peu maintenant, il prétendait se rattraper sur  " la vie " , son temps il le passait à écouter les niaiseries d'un jeune cycliste ou à plaisanter au soleil avec une troupe de nageurs.

        Je croyais voir la vérité : Jacques ne pouvait pas vivre, et pour cela voulait se transporter dans l'art, mais il était frappé d'une faiblesse, d'un manque, et il ne lui restait plus qu'à retomber dans une fausse vie.

 

Pierre Jean Jouve - Le monde désert (1960) - (roman)

 

n°343
 

       Pendant de longues années, autant que dura notre jeunesse, nous nous tînmes sur la plus grande réserve et ne fîmes jamais allusion au passé. L'autre jour, elle me demanda à brûle-pourpoint, et son visage encadré de cheveux gris se colorait d'une rougeur juvénile :

          -Pourquoi m'avez-vous quittée ?  

        Pris de court, je n'eus pas la force de fabriquer un mensonge. Aussi fus-je sincère :

           -Je ne sais plus... j'ignore tant de choses de ma propre vie.

            -Moi je regrette, dit-elle. (Et déjà je m'inclinais à cette promesse de compliment.) Il me semble que vous devenez très drôle en vieillissant.   

 

Italo Svevo - La conscience de Zeno (1923) - (roman)

 

n°342
 

       Ecoutez-le ! Dans le temps peut-être, il y avait des femmes pour estimer que la province c'était la tombe. A l'heure actuelle, les distances, pff ! Paris, pour y être, je n'ai qu'à fermer les yeux. Je vois le métro, je le vois, je le tiens, le métro, les bistrots, la gare Saint-Lazare, le Café de Paris, la rue de Londres, sombre, méthodique, glacée, où je naquis derrière une façade en marbre, le boulevard du Maine, le cimetière de Vaugirard, les arbres, les bancs. 

(S'apitoyant sur elle-même) Elle a dérivé toute la nuit, la pauvre fille. Qui l'épousera ? Qui l'aimera ? Tu n'as plus qu'à t'asseoir sur ce banc. C'est gratuit. ( Elle s'assied sur un fauteuil, déconfite, désolée. )

 

Jacques Audiberti - L'effet Glapion (1959) - (théâtre)

 

 
n°341
 

       Un masque kwakiutl représente l'ancêtre courroucé combattant ses rivaux ; ouvert, le même ancêtre victorieux et plein de joie, distribuant des présents. Un autre masque figure un saumon dont le corps est constitué par deux volets accolés.

       En pivotant, ceux-ci dévoilent une tête d'homme de part et d'autre de laquelle ils se déploient, en fin de course, comme deux ailes, celles du corbeau mythique.

 

Jean-Louis Bédouin - Les masques (QSJ n°905 - 1961)

 

n°340
 

       Amon engendre Hachepsout ; la reine Ahmès apprend la nouvelle de la bouche de Thot ; Khnoum et la déesse  Heket à tête de grenouille  conduisent Ahmès enceinte qui va accoucher ; l'enfant est né ; Amon le porte ; les nourrices royales allaitent l'enfant, etc...

        Les différents thèmes de ces reliefs correspondent exactement aux représentations de la théogamie et de la naissance royale du temple de Louxor. A droite, au nord de la salle de la naissance, on parvient en montant quelques marches, à la petite chapelle d'Anubis.

 

Egypte - Guide poche Marcus (1976)

 

n°339
 

       "La loi est l'expression de la volonté générale" signifie d'abord que l'individu  est source de toute loi. Certes, la loi implique une obligation de comportement, un impératif, un "ordre" , mais l'homme ne s'oblige que lui-même et n'obéit qu'au commandement qu'il se donne. La loi efface le pouvoir en ce qu'elle ne le nomme plus et le pouvoir n'est légitime que d'être légal, c'est à dire, en ce sens, voulu. Voulu ou consenti ?

           De la volition en oeuvre au consentement plus passif, il y a cette nuance psychologique que les discours classiques ont toujours gommée. Rousseau prévoit la subtile manipulation mais il sera trahi par deux fois : la volonté générale sera représentée, la volonté générale sera majoritaire.

 

François Châtelet - Histoire des idéologies (1978)

 

n°338
 

       La première construction ne fait appel qu'au théorème de Thalès ; elle n'est pas très commode, car elle conduit à construire des parallèles de direction unique ; la deuxième et la troisième évitent cet inconvénient : on trace des parallèles à deux directions seulement, ce qu'un papier quadrillé rend très facile.

        D'ailleurs la troisième constitue un véritable abaque  cartésien rectiligne à deux variables : pour toute valeur de b on a  x  sans nouvelle construction. 

 

J-L Pelletier - Les mathématiques utiles  (1965)

 

n°337
 

       En automne l'on vendengera, ou d'avant ou après ce m'est tout un pourveu que ayons du piot à suffisance.
Les cuydez seront de saison, car tel cuydera vessir qui baudement fiantera. Ceulx & celles qui ont voué ieuner ieusnes iusques à ce que les estoilles soient au ciel, à heure presente peuvent bien repaistre par mon octroy, & dispense. Encores ont ilz beaucoup tardé: car elles y sont devant seize mille et ne sçay quantz iours. Ie vous diz bien atachées.
Et n'esperez dorenavant prendre les alouettes à la cheute du ciel, car il ne tombera de vostre aage, sus mon honneur.
Cagotz, caffars & porteurs de rogatons, perpetuons, & aultres telles triquedondaines, sortiront de leurs tesnières. Chascun se guarde qui vouldra.
Guardez vous aussi des arestes quand vous mangerez du poisson, et de poison Dieu vous en guarde.

 

François Rabelais (1483-1553) - De l'Automne - (nouvelle)

 

n°336
 

       S'il est vrai que le bonheur est l'activité conforme à la vertu, il est de toute évidence que c'est celle qui est conforme à la vertu la plus parfaite, c'est à dire celle de la partie de l'homme la plus haute. Qu'il s'agisse de l'esprit ou de toute autre faculté, à quoi semblent appartenir de nature l'empire, le commandement, la notion de ce qui est bien et divin ; que cette faculté soit divine elle aussi ou ce qu'il y a en nous de plus divin, c'est l'activité de cette partie de nous-mêmes, activité conforme à sa vertu propre, qui constitue le bonheur parfait.

 

Aristote - L'éthique de Nicomaque (349 av.) - (philosophie)

 

n°335
 

       Evidemment tout cela ne me gêne qu'accessoirement, ce n'est pas en ce moment que je pourrais me promener, ni me reposer : il m'est arrivé plusieurs fois de m'endormir en plein travail pour un instant, une patte prise au-dessus de moi  dans la terre dont je m'apprêtais à faire tomber un morceau.

        Je vais modifier ma méthode. Je creuserai une véritable galerie dans la direction de ces bruits et ne cesserai d'avancer que je n'aie trouvé leur véritable cause, en dehors de toute théorie.

 

Franz Kafka - Le terrier (1919) - (nouvelle)

 

n°334
 

       C'est pourquoi ils ne célèbrent pas la Nuit sainte tout seuls dans la gare centrale de Cologne mais dans le Sauerland au sein d'une famille. Une contrée boisée, montueuse, faite à souhait pour Noël ; le reste de l'année, la plupart du temps il y pleut : un climat aigre qui provoque les maladies spécifiques du Sauerland : faute de contacts, les Westphaliens des bois succombent au spleen et travaillent et boivent trop, trop vite, à trop bas prix.

 

Günther Grass - Les années de chien (1963) - (roman)

 

n°333
 

       Simha vient d'avoir cinq ans. Pour dire comme sa mère, elle vient de finir quatre ans et d'entrer dans ses cinq ans.

       La petite Simha aurait bien vécu sans le savoir ! Mais depuis quelques jours, on lui répète cela comme le refrain d'une chanson, et on l'embrasse très fort en disant : " cinq ans, cinq ans " , tout aussi bien qu'une cloche qui sonne au cou d'une chèvre ou à la main du porteur d'eau.

       Pour elle les ans n'existent pas encore. Elle essaie de se réprésenter quelque chose : entrer dans cinq ans, est-ce comme d'entrer de la chambre dans le patio ou du patio dans la salle de réception ? Quatre ans ! un cycle fermé déjà, pour une si petite personne ! petite petite, n'arrivant pas encore à la hauteur des coussins du divan qui fait le tour des murs. Quatre ans, cinq ans, qu'y avait-il avant ?

 

Pascale Saisset - Heures juives au Maroc (1930) - (étude)

 

n°332
 

       Un volume ne suffirait pas à étudier ce grade (souverain prince rose-croix) auquel certains dignitaires de la Maçonnerie actuelle semblent tenir beaucoup, sans doute parce qu'il possède un aspect sensible et quelque peu sentimental qui n'a cependant rien à voir ni avec la compréhension traditionnelle de ce degré, au demeurant fort intéressant, ni avec la conception non humaine de l'Initiation hermétique qui doit être considérée seulement sous l'aspect d'une réalisation spirituelle tout intérieure et d'ordre transcendant.

 

Jean Palou - La Franc-Maçonnerie (1964)

 

n°331
 

      Les jours ont passé, se heurtant, se dévorant ; le temps s’est frayé un chemin à travers nos surprises, nos révoltes et nos résignations ; plusieurs fois l’aspect du monde est mort pour nous, détruit en même temps que ces parties de l’âme auxquelles il était attaché et qui, sevrées de leurs illusions, ont péri d’une manière soudaine ou lente.

      Aujourd’hui, comme dans mon enfance, j’écoute le silence de l’automne. Rien n’est plus secret ni plus confidentiel. D’un sage et commun consentement tout se penche, accepte une noble dégradation, car la nature, ayant l’expérience de son éternité, accueille sans révolte ses passagers repos.

 

Anna de Noailles (1876-1933) - L'automne en Savoie - (pensées)

 

 

 

 

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