MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

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n°180
 

       -Le salon ! Chez nous, tu ne pourrais même pas imaginer un salon. Les drames ont lieu dans la chambre de Sophie. Chambre du crime. Quand les disputes deviennent sérieuses, les voisins de tante Léo tapent contre le mur, on fait : pouce ! et les armistices, les traités de paix, les silences orageux, se passent dans une espèce de salle à manger fantôme, de salle d'attente, de pièce vide où la femme de ménage revisse une table très laide, très lourde et très incommode.

       -Et ton père supporte...

       -Oh! papa... papa, lui, il croit qu'il invente des merveilles.

 

Jean Cocteau - Les parents terribles (1938) - (théâtre)

 

n°179
 

       Cependant, lorsque, le 31 août, ces rapports venaient en dicussion devant le comité, lord Cherwell tenait à dire qu'il ne fallait pas s'étonner s'ils contenaient tous ces détails. Chaque fois que les services de renseignements feraient ainsi poser des questions précises par l'intermédiaire d'un grand nombre de réseaux sur n'importe quel sujet, la guerre bactériologique, par exemple, ils ne manqueraient pas de recevoir un grand nombre de réponses précises mais fausses.

        En ce qui concernait la fausseté de ces rapports-ci, il suffisait qu'on y parlât d'essais ayant eu lieu à Peenemünde alors qu'on n'avait jamais eu de rapport qui fît allusion aux énormes éclairs qui devaient se produire quand on les lançait.

 

David Irving - A bout portant sur Londres (1964) - (histoire)

 

n°178
 

              -Vous m'avez fait peur, lieutenant Wiczewski. Je ne sais comment vous faites pour surgir tout à coup là où on ne s'attend pas à vous voir.

               -Vous attendiez-vous à me voir dans l'avenue ?

               -Mais non, pourquoi dites-vous cela ?

               -J'aurais pu être dans l'avenue.

               -Permettez-moi de vous dire que cela m'est égal que vous soyez dans l'avenue ou ailleurs... Je voulais voir si Angelina ne revenait pas de l'église.

                -Vous la connaissez mal si vous la croyez capable de partir avant la fin du service. Elle craint Dieu et redoute son père, comme une vraie fille du Sud... Sauf vous et moi, tout le monde se trouve enfermé, cet après-midi, dans cette baraque de planches qu'ils appellent une église. Nous sommes absolument seuls dans la maison.

                 -Cela vous ennuie-t-il de ne pas aller à l'église le dimanche ? Quel effet vous font ces chants ?

                 -Aucun.

                 -Vous aurez beau faire, vous ne serez jamais de chez nous. Même moi qui suis du Nord, et qui ne crois plus aux églises, je demeure sensible à ces vieux cantiques. Vous, vous êtes d'ailleurs.

 

Julien Green-  Sud (1953) (théâtre)

 

n°177
 

       Vers 1936, Hubble, en collaboration avec le spectroscopiste Milton Humason, pouvait mesurer la vitesse et la distance de l'amas de galaxies de la Grande Ourse. Ils découvrirent qu'il s'éloignait à une vitesse de 42 000 km par seconde, soit 14% de la vitesse de la lumière. La distance, alors évaluée à 260 millions d'années-lumière, était à la limite du pouvoir de détection du Mont Wilson, et Hubble dut interrompre ses travaux. Avec l'avènement, après la guerre, des télescopes plus puissants du mont Palomar et du mont Hamilton, le programme de Hubble fut repris par d'autres astronomes (notamment Allan Sandage, du mont Palomar et du mont Wilson) et se poursuit encore à l'heure actuelle.   

 

Steven Weinberg - Les trois premières minutes de l'univers (1977)

 

n°176
 

       Il avait intallé le théâtre à Tournay. La scène était minuscule, neuf acteurs la remplissaient au point de ne plus pouvoir bouger. Encore fallait-il introduire les lances, les casques et les boucliers pour jouer Tancrède. Mais quel jeu à l'en croire ! " Je souhaite en tout que la pièce soit jouée à Paris comme elle l'a été dans ma masure. " La difficukté majeure est de placer les deux cents personnes qui acourent de Genève. Ces genevois ont la fureur du théâtre qui leur est interdit.

        Il y a même de vraies impossibilités comme celle de faire entrer en scène M. Pietet, haut de six pieds un pouce, coiffé du panache de Tancrède qui a un pied et demi, il crève le plafond, bouscule les décors, déborde sur l'orchestre  : on joue quand même ! Et Voltaire plaint les Parisiens : ils n'ont que la Clairon ! A Ferney on a la Denis ! 

 

Voltaire ou la royauté de l'esprit - Jean Orieux (1977)

 

n°175
      

          Tout en haut de l'avenue, y avait ce qu'on cherchait, la grande porte, la monumentale avec les deux écuries... On a vu un peu l'intérieur... les poutres... des lueurs au plafond... des travées tout à la chaux... On s'est faufilé... On a longé au plus près le mur. Il tombait tout en haut de l'urine... mais pas de la pluie... de la cascade, de la pisse de tous les étages...

           Ça arrivait en drôles d'averses. Pour que je triche pas à la douche, ils m'ont bousculé plusieurs fois, les affreux, sous les arrosages... Ils voulaient que j'en sois bien trempé, que ça me baptise sérieusement... vrais jets de fontaines sous toutes les fenêtres des étages... Ça pissait en bas par saccades, en gerbes brisantes... en rafales... Ça faisait tout un rideau dense qu'on traversait par sursauts... 

 

Louis-Ferdinand Céline -  Casse-Pipe (1952)  

 

n°174
      

          Ensuite, il y a eu une sorte de fièvre, un peu partout, dans la ville. Peut-être à cause du vent qui s'est mis à souffler, à la fin de l'hiver, non pas le vent de malheur et de maladie, comme lorsque le vieux Naman avait commencé à mourir ; mais un vent de violence et de froid, qui passait dans les grandes avenues de la ville en soulevant la poussière et les vieux journaux, un vent qui enivrait, qui faisait tituber.

           Lala n'a jamais senti un vent pareil. Cela entre à l'intérieur de la tête et tourbillonne, traverse le corps comme un courant froid, en chassant de grands frissons. Alors dès qu'elle est dehors, cet après-midi, elle part en courant, droit devant elle, sans même regarder la boutique des pompes funèbres où s'ennuie l'homme en noir.

 

J.M.G. Le Clézio -  Désert (1970) (roman) 

 

n°173
      

          Notre cuisine macrobiotique est délicieuse, mais vous devez la préparer vous-même. Cela prendra un peu de temps, car il faut pour cela être créateur, c'est à dire avoir l'art de combiner le Yin et le Yang. Malheureusement, dans l'éducation moderne la faculté de créer est néglgée et même détruite.

           La vie est créatrice, vivre c'est créer et nus ne pouvons vivre sans créer : nouq fabriquons tous les jours du sang qui alimente nos activités. Notre pouvoir d'adaptation est dû à cette capacité créatrice et la vie est l'expression de cette capacité, qui dépend largement du dosage et de la préparation des éléments Yin et Yang dans nos aliments et dans nos boissons.

           Au début, ignorant tout de la cuisine macrobiotique, vos plats ne seront pas succulents, mais cela n'a pas d'importance, s'ils ne le sont pas, vous mangerez moins, au grand avantage de votre estomac et de vos intestins, qui sont certainement plus ou moins fatigués. De sorte que vous mériterez quand même mes félicitations.

 

Georges Oshawa -  Le Zen Macrobiotique (1970) 

 

n°172
     

          On annonce que la R.A.F. va bombarder toutes les gares. L'Amiral Platon - que je connaissais comme le plus sincère des patriotes, et des amis -  est actuellement haï.  "C'est une brute" me disent les uns,  "Il désorganise tout" me disent les autres. "Il coupe en deux les services, fait partir les ouvriers, et avec cela...antisémite à fond".

           Les bruits les plus variés circulent sur son compte à propos du récent "débarquement" de Benoist-Méchin du Ministère... ce dernier ayant refusé de donner sa démission, Laval n'a pu s'en débarrasser  qu'en supprimant son poste... Benoist-Méchin aurait comploté de remplacer Laval par un triumvirat : Lui, Darlan et Platon. Et ce serait Platon qui, ayant eu vent du complot, en aurait prévenu Laval... D'autres prétendent que Platon aurait essayé de remplacer Laval par Doriot. 

 

Marie-Thérèse Gadala-  A travers la grande grille (1945) 

 

n°171
      

          Chancelier (du bas latin cancellarius , huissier qui se tenait près d'une barre ou cancel, veillait au bon ordre des tribunaux ou du conseil impérial) :

           1- Responsable du "secrétariat" royal qui contrôlait la rédaction et l'expédition des actes royaux et apposait sur eux le sceau royal. C'est à l'époque carolingienne qu'un personnage se détache avec ces fonctions : c'est un clerc de la chapelle. Comme, sous les Capétiens, il tendait à prendre trop d'importance, il fut, pendant tout le 13ème siècle, remplacé par un simple garde-scel (custos sigilli).

            2- Les autres royaumes, les grandes seigneuries ou principautés avaient aussi un chancelier.

            3- Nom que prit, vers 1200, l'écolâtre ou scolastique, auxiliaire de l'évêque, chargé par lui de diriger les écoles et de délivrer la licencia docendi.

 

René Fédou-  Lexique historique du Moyen-Age (1980) 

 

n°170
      

          Toute action libre a deux causes qui concourent à la produire, l'une morale, savoir la volonté qui détermine l'acte, l'autre physique, savoir la puissance qui l'exécute. Quand je marche vers un objet, il faut premièrement que j'y veuille aller ; en second lieu, que mes pieds m'y portent. Qu'un paralytique veuille courir, qu'un homme agile ne le veuille pas, tous deux resteront en place. 

            Le corps politique a les mêmes mobiles ; on y distingue de même la force et la volonté, celle-ci sous le nom de puissance législative, l'autre sous le nom de puissance exécutive. Rien ne s'y fait ou ne s'y doit faire sans leur concours.

 

Jean-Jacques Rousseau -  Du contrat social (1762) 

 

n°169
      

          Ce fut dans un de mes voyages solitaires, dans une région fort lointaine, - montagnes compliquées par des montagnes, méandres de rivières mélancoliques, lacs sombres et dormants, - que je tombai sur un certain petit ruisseau avec une île. J'y arrivai soudainement dans un mois de juin, le mois du feuillage, et je me jetai sur le sol, sous les branches d'un arbuste odorant qui m'était inconnu, de manière à m'assoupir en contemplant le tableau. Je sentis que je ne pourrais le bien voir que de cette façon, tant il portait le caractère d'une vision.

 

Edgar Allan Poe -  L'Ile de la Fée (1857) (Histoires extraordinaires) 

 

n°168
      

          Les Règlements officiels français en vigueur en 1946 relatifs aux effets du vent sur les constructions ne tiennent pas compte - ceux du Ministère de l'Air exceptés - des études poursuivies dans le domaine de l'aérologie et des résultats d'essais obtenus sur des constructions réelles ou en soufflerie sur des modèles réduits. Ils sont basés, le plus souvent, sur des hypothèses approximatives entraînant des résultats inexacts.

           En général, ils prescrivent d'appliquer à la façade et à la toiture une pression suffisamment forte en présumant qu'elle couvrira tous les cas. Or, cette règle, d'une extrême simplicité, est souvent en défaut. Elle conduit soit à des pressions insuffisantes ou même inexistantes (absence de succion), soit, pour les constructions de faible hauteur, abritées ou provisoires, à des pressions excessives. En outre, le degré de sécurité relatif à la stabilité reste inconnu.

 

Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme-  Effets du Vent sur les constructions (1947) 

 

n°167
      

          CONCÉLÉBRATION : Célébration de l'Eucharistie par plusieurs prêtres (ou évêques) en commun, qui manifeste l'unité ecclésiale (de la hiérarchie) dans la célébration de ce qui fait l'unité suprême de l'Eglise. Cette communauté dans l'offrande ne doit pas être conçue comme une simple simultanéité de plusieurs sacrifices de la messe, mais comme l'offrande d'un seul sacrifice, dont le ministre liturgique est le collège des prêtres comme tel (comme cela se fait aussi dans certains autres sacrements : le sacre des évêques, l'onction des malades chez les Orientaux). Il n'y a de concélébration au sens strict que quand les paroles de la consécration sont prononcées en commun.

 

K.Rahner -  Petit dictionnaire de théologie catholique (1970) 

 

n°166
      

          Bien que les socialistes, en multipliant les dépenses et en se montrant peu soucieux de l'équilibre budgétaire, soient souvent responsables des inflations, les salariés comptent parmi les victimes, car ils n'obtiennent qu'avec un certain retard des réajustements de rémunération, en sorte que leur revenu réel demeure inférieur au chiffre qu'il atteignait précédemment pendant la période de stabilité monétaire.

           En outre, les réajustements des traitements et salaires des fonctionnaires se font d'une manière très inégale ; ils sont d'autant plus exacts que l'on descend l'échelle des capacités : les petits employés, formant masse et par conséquent disposant d'une force électorale considérable, obtiennent en général une hausse des salaires qui leur permet de compenser à peu près celle du coût de la vie, mais le haut personnel arrive difficilement à se faire octroyer par les pouvoirs publics un accroissement de rémunération. 

 

Louis Baudin.-  La Monnaie (1940) 

 

n°165
      

          Il est si vrai qu'il y a deux Maghreb, éternellement distincts, que chacun d'eux a une architecture traditionnelle, adaptée à deux sociétés et à deux genres de vie très différents. Il y a une architecture botr ou si l'on veut zenata ; et une architecture beranès que nous appelons kabyle. Une première différence est que la maison kabyle a un toit en tuiles, la maison zenata une terrasse.

           Et c'est une différence essentielle correspondant beaucoup plus qu'on ne l'a dit à deux formes de société. C'est qu'en effet dans la société orientale, où la femme est cloîtrée, la terrasse est le domaine de la femme, à qui la rue est interdite : sans terrasses, communiquant l'une avec l'autre, d'un bout à l'autre de la ville, il n'est pas humainement possible de maintenir une claustration rigoureuse des femmes. C'est donc là déjà une grosse différence.

 

E.-F. Gauthier- Le passé de l'Afrique du Nord (1952) 

 

n°164
      

          L'enseignant n'est pas un homme, l'enseignante n'est pas une femme comme les autres. L'Etat ne leur procure pas un emploi, il leur confie une mission. Cette mission n'est pas d'instruire, elle est d'éduquer. Elle ne peut donc s'arrêter aux portes de la classe. C'est par l'exemplarité de leur vie autant que par leur enseignement qu'ils inculqueront les valeurs bourgeoises à la jeunesse française.

            Comment penser qu'un maître, une fois faite la leçon "Mourir pour la Patrie est le sort le plus beau", pourrait tranquillement manifester dans la rue pour l'objection de conscience ? Comment un professeur pourrait-il convaincre que l'art (comme le sport) permet de sublimer le désir sexuel, montrer du refoulement toute la grandeur d'âme, et ensuite s'afficher au bras d'une concubine, voire d'une élève !

 

L'Ecole Emancipée - La répression dans l'enseignement (1972) 

 

n°163
      

         "Au plus grand artiste des temps modernes, ajoute Shakespeare, dont tu liras les fameux sonnets pédérastiques ("Mon ami et moi ne sommes qu'un..."), et un troisième "grand", Goethe, qui a écrit : "J'aime les garçons, mais je préfère une fille". La restriction n'amoindrit pas le mérite de l'aveu. Il précise - ce qui le range doublement du même côté de la barricade : " Et quand j'ai assez de la fille, je la traite en garçon. " - Oh ! " dit-il, choqué. Et il me ferma la bouche d'un baiser.

 

Roger Peyrefitte - Notre amour (1967) 

 

n°162
            

          Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours travaillé ferme aux côtés de papa et de maman. Il fallait ne rien faire. Et toujours j'ai dû dormir ferme, même les nuits de vent et d'orage en pensant au soleil du lendemain. Il fallait veiller avec le vent qui réclame d'être écouté. Toujours été raisonnable, sage, vierge jusqu'à vingt-cinq ans. Il fallait accueillir les hommes qui venaient avec leur sourire qui insiste ou simplement leurs beaux bras.

           Et les autres, mes parents, ne pas les aimer au point d'attendre d'eux seuls un ordre, un plaisir, un chagrin. Puisque eux n'attendaient que du dehors quelque changement et qu'ils m'ont abandonnée pour n'importe quoi, je ne sais pas. Pour la mort, la folie, le voyage.

 

Marguerite Duras - La vie tranquille (1972) 

 

n°161
      

          J'obervai une fois encore la scène de l'altercation devenue bataille, peut-être, puis, sautant dans un creux, je m'agenouillais dans l'herbe et pris mon arme avec des doigts tremblants. Je glissai une balle dans le barillet, me relevai, revins sur mes pas, songeai aux éventualités, restai un instant en suspens, et enfin je retournai glisser les cinq autres balles. Je le fis lentement car je me sentais un peu nerveux ; j'inspectai le tout : si j'avais oublié quelque chose ?

           Pendant quelques secondes, je m'affaissai sur mes talons, luttant contre une impulsion contraire. Je réagis et le grand météore livide envahit momentanément toute ma pensée. Pour la première fois, je rattachai son apparition à la crise de violence féroce qui semblait fondre sur l'humanité.

 

H.G. Wells - Au temps de la comète  (1910) -(roman)

 

n°160
      

         Faune, amoureux des Nymphes qui te fuient, puisses-tu t'avancer avec bienveillance à travers mon domaine et mes champs ensoleillés, puis, à ton départ, te montrer favorable aux petits de mes troupeaux, s'il est vrai qu'à la fin de chaque année un tendre chevreau est immolé, que pour toi, compagnon de Vénus, le vin coule à flots dans les cratères et que ton autel antique fume d'un encens largement répandu !

 

Horace - Odes (19 av.) 

 

n°159
      

         Mon bagage est vite déballé, remisé dans le placard, je suis le tubard errant...aussi vite venu aussi vite parti ! Seulement cette fois faut que je tienne, que je sorte d'ici mes éponges bien rafistolées. Si on me traite de Jean-Louis Barrault, je ferai le sourdingue et je me vengerai traîtreusement...le coup viceloque, imparable, le poignard dans le dos... rien de tel ! Je mettrai ma petite matière grise à contribution. Je m'allonge sur le pieu, il ne grince pas... je contemple le plafond, je gambergeaille. Je vais tout de même m'en sortir de cette gelée de coing !

          Patience et longueur de cure. Je vais bouquiner des tonnes de livres, m'enfermer dans ma coquille... ça va me prendre aussi d'écrire, de m'amuser avec les mots, de les croiser, les tortiller. Le virus. On se réfugie sur le papier quand tout va mal !

 

Alphonse Boudard - L'hôpital (1972) -(roman autobiographique)

 

n°158
      

        Une saison en enfer commence, avec Mauvais Sang, qui en est aussi la partie le plus ancienne, par un effort de Rimbaud pour se définir par rapport aux autres hommes. Ce qu'il a ressenti, si tragiquement parfois, comme une différence essentielle, a-t-il véritablement un caractère absolu ? N'a-t-il pas, n'a-t-il jamais eu de semblables ?

         Et il faut souligner dès l'abord quel dépassement de soi il a ainsi voulu accomplir. Sans doute a-t-il désiré, en s'identifiant à un des types humains qui s'opposent dans la société  et son devenir historique, goûter le repos de l'universel. Il n'y a pas réussi. Mais cette ambition et cet échec même ont pour la suite du livre une valeur éclairante, puisqu'elles placent Rimbaud dans sa plus vraie perspective, celle de l'individu d'exception.

 

Yves Bonnefoy - Rimbaud par lui-même (1961) 

 

n°157
      

      Il est hors de doute que le projet de "conciliation" - nous disons de dépècement de l'Abyssinie - constitue une nouvelle capitulation de Laval devant Mussolini. La classe ouvrière, le Parti communiste s'élèvent avec indignation et feront tout pour réaliser l'action commune contre un projet qui reconnaît à l'agresseur fasciste un droit d'occupation créé par la force.

       Si l'initiative de Laval et du représentant de l'Angleterre aboutissait, cela signifierait incontestablement un désaveu des décisions antérieures de la Société des nations. Cette dernière qui a condamné à la quasi-unanimité l'agresseur italien ne saurait lui accorder le droit de coloniser une partie même minime du territoire abyssin.

    

Maurice Thorez - Oeuvres (1952) 

 

n°156
      

       La comtesse Natacha Kolnikov entretenue par le señor de Castro habite un château à Rueil-Malmaison. Au cours d'une soirée, elle rencotre Lafont, en tombe amoureuse et bientôt s'installe rue Lauriston. Le Tout-Paris   accourt bientôt à ses réceptions  où se bousculent des princes, des ambassadeurs, des généraux, des banquiers, des administrateurs et des hommes de lettres.

        Combien aujourd'hui ont oublié ces dîners fastueux ? ...Plus tard, maîtresse d'un officier allemand, la comtesse ne pourra éviter la déportation. Elle vit actuellement en Suisse bourgeoisement unie à un magistrat.   

 

Marcel Haskenoph - La Gestapo en France (1975) 

 

n°155
      

         J'ai de tout temps exécré l'adultère, non par esprit de mesquine moralité, par pruderie ou par vertu, non pas tant parce que c'est là un vol commis dans l'obscurité, l'appropriation du bien d'autrui, mais parce que presque toute femme, dans ces moments-là, trahit ce qu'il y a de plus secret chez son mari ; chacune est une Dalila qui dérobe à celui qu'elle trompe son secret le plus humain, pour le jeter en pâture à un étranger...le secret de sa force ou de sa faiblesse.

          Ce qui me paraît une trahison, ce n'est pas que les femmes se donnent elles-mêmes, mais que presque toujours pour se justifier, elles soulèvent le voile de l'intimité de leur mari et qu'elles exposent, comme dans le sommeil, à une curiosité étrangère, à un sourire ironiquement satisfait, l'homme qui ne s'en doute pas.

 

Stefan Zweig - La confusion des sentiments (1927) -(roman)

 

n°154
      

      Jusqu'à présent, je n'ai fait qu'une monographie abrégée de l'ivresse ; je me suis borné à accentuer les principaux traits surtout les traits matériels. Mais, ce qui est le plus important, je crois, pour l'homme spirituel, c'est de connaître l'action du poison sur la partie spirituelle de l'homme, c'est à dire le grossissement, la déformation et l'exagération de ses sentiments habituels et de ses perceptions morales qui présentent alors, dans une atmosphère exceptionnelle, un véritable phénomène de réfraction.

       L'homme qui, s'étant livré longtemps à l'opium ou au haschich, a pu trouver, affaibli comme il l'était par l'habitude de son servage, l'énergie nécessaire pour s'en délivrer, m'apparaît comme un prisonnier évadé. Il m'inspire plus d'admiration que l'homme prudent qui n'a jamais failli, ayant toujours eu soin d'éviter la tentation.

 

Charles Baudelaire - Les paradis artificiels (1860) 

 

n°153
      

        De l'enfance au rêve il n'y a qu'un pas...et je le franchis. C'est de tous mes rêves d'enfant que je fabrique mes jours d'homme.

          JE SUIS L'ENFANT DE MES RËVES résume un peu cette vie qui m'a toujours mené à l'écriture, à la poésie des mots. Pas à pas, je vis et je viens aujourd'hui marcher avec vous en promeneur du dimanche, entre deux choses à faire, entre peut-être (c'est le souhait que je formule) une rêverie et une enfance.

 

Je suis l'enfant de mes rêves - Claude Alexandre Des Marais (1976) 

 

n°152
      

       L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui ; l'univers n'en sait rien.

        Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurons remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.

 

Blaise Pascal - Les Pensées (1670) 

 

n°151
      

        Né en 1726 à Dreux, près de Paris, François-André Danican Philidor excelle non seulement aux échecs mais aussi au jeu de dames et en musique.  Son traité, L'Analyse du jeu des échecs (1749), est traduit en plusieurs langues et donne le ton pendant un siècle.

         Louis XVI, élève enthousiaste, mais peu doué, de Philidor, avait consenti à son professeur une rente viagère. Cette faveur royale faillit coûter la vie à son bénéficiaire, lorsqu'éclata la Révolution ; craignant Robespierre (joueur d'échecs également), Philidor se réfugia à Londres où il mourut en 1795.

          Avant sa fuite, il avait néanmoins joué des parties célèbres, au Café de la Régence à Paris, en compagnie de Jean-Jacques Rousseau ou de Voltaire. On vit ensuite dans ce lieu, devant l'échiquier, Robespierre et le lieutenant Bonaparte, tous deux faibles joueurs. 

 

Frits van Seters - Le guide Marabout des échecs (1972) 

 

 

 

 

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