MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

Page  5  

 

n°150
 

       Van Helmont professe que toutes les manifestations de l'organisme humain sont déterminées par deux causes : l'âme et la vie. L'âme régissant les fonctions intellectuelles est située dans le duumvirat, c'est à dire l'alliance de l'estomac et de la rate, exerçant ensemble une "action de gouvernement" sur le corps ; la vie, présidant aux fonctions animales, est une force productive qui commence au moment de la fécondation et qui agit au moyen de l'archée.

        Il y a un archée central situé dans l'épigastre avec l'âme dont il est le complément (car on a deux âmes, l'une immortelle, l'intellective, l'autre périssable, la sensitive), et des archées locaux dans toutes les parties du corps  : l'archée du cerveau, celui de chaque membre, celui des intestins, etc. L'archée central envoie constamment des ordres aux archées locaux par l'intermédiaire de ferments ; les archées locaux y réagissent par des blas qui sont de deux sortes : le blas motilum provoque les mouvements musculaires, le blas alternivatum transforme les tissus.

         L'archée n'a pas de figure propre, c'est une sorte de lumière sans chaleur (on pense à Descartes expliquant à l'inverse la propulsion sanguine par "une espèce de feu sans lumière" se trouvant dans le coeur). 

 

Alexandrian - Histoire de la philosophie occulte (1983) 

 

n°149
 

       Les fortes poulies sont toujours estropées à épissure carrée, mais pour les poulies de dmensions plus réduites on emploie les estropes à erseau. On fait une estrope à erseau simple en prenant, dans un cordage en quatre, un toron ayant au moins le triple de la longueur de l'estrope  à confectionner. Ce toron est ensuite recordé en trois ; quand les deux bouts se rencontrent après le dernier tour, on fait un demi-noeud, puis une demi-passe de chaque côté ; on coupe les bouts qui dépassent, on fourre le tout, on introduit la poulie dans l'erseau ainsi formé et on fait un amarrage entre la poulie et la cosse. Variante de l'estrope de poulie à deux engoujures.

        

Noeuds d'amarrages et épissures. - Editions Maritimes et d'Outre-Mer. (s.d.) 

 

n°148
 

       On est tenté de croire que l'industrie moderne s'est hâtée de rattraper le temps perdu, car on est vraiment terrifié en songeant à l'énorme consommation de charbon de terre dans le monde entier. Aujourd'hui Londres consomme près de six millions de tonnes de charbon de terre, et le voyageur qui arrive dans la capitale des trois royaumes doit cesser de s'étonner en voyant l'auréole de fumée noirâtre qui plane au-dessus de l'immense cité.

        Paris en brûle un million de tonnes par an, et la houille, jadis bannie de notre brillante métropole, y est reçue de toutes parts. L'autorité, loin de l'interdire, en attend l'arrivée ; car son passage par l'octroi  grossit singulièrement les revenus de l'Etat. Partout le mineur est à l'oeuvre, partout il arrache au sol le charbon de terre, avec cette sorte d'activité fiévreuse qui caractérise le chercheur d'or quand il fouille un filon précieux.

 

Gaston Tissandier - La houille (Bibliothèque des Merveilles-Hachette) (1878)

 

n°147
 

       Il y avait un tas de connaissements qui s'amoncelaient sur ma table et il a fallu que je les dépouille tous. Avant de quitter le bureau pour aller déjeuner, je me suis lavé les mains. A midi, j'aime bien ce moment. Le soir j'y trouve moins de plaisir parce que la serviette roulante qu'on utilise est tout à fait humide : elle a servi toute la journée. J'en ai fait la remarque un jour à mon patron. Il a répondu qu'il trouvait cela regrettable, mais que c'était tout de même un détail sans importance. Je suis sorti un peu tard, à midi et demi, avec Emmanuel, qui travaille à l'expédition. Le bureau donne sur la mer et nous avons perdu un moment à regarder les cargos dans le port brûlant de soleil.

 

Albert Camus - L'étranger (1957) -(roman)

 

n°146
 

       Galien ne préconisait pas les oeufs cuits sous la cendre et les trouvait indigestes. Par contre il donne une recette qui me paraît fort savoureuse. Il cuit les oeufs à l'étouffée. Pour cela, il pose des oeufs entiers, en leurs coquilles, tout crus, dans une petite marmite. Il y verse du vin rouge sur une hauteur d'un doigt à peine, une trace d'huile et des aromates les plus divers. Il couvre la marmite, la pose sur un petit feu. Il maintient une lente ébullton du vin pendant ue heure, en rajoutant un peu de vin au fur et à mesure de l'évaporation. Il sert ensuite ces oeufs durs, chauds, en les arrosant, une fois épluchés, avec un tout petit peu du vin de cuisson.

        Le blanc et le jaune de l'oeuf se sont laissés pénétrer par le parfum des aromates. Quand vous préparerez des oeufs à la façon de Galien, dégustez-les avec un soupçon d'émotion, presque de religion. Pensez que vous mangez une préparation qui faisait la joie des Grecs et des Romains au second siècle de votre ère.

 

Edouard de Pomiane - Manger...quand même (1941) 

 

n°145
 

       Comme l'on pouvait s'y attendre, le salon de conversation était vide. Les deux dames s'assirent près de la cheminée. Mme la conseillère brodait des fleurs sur un bout de canevas. Mme Klöteryahn fit également quelques points, mais elle laissa retomber son ouvrage sur ses genoux, pour mieux rêver dans les bras de son fauteuil. Elle finit par faire une remarque qui ne valait pas la peine de rompre le silence, mais comme Mme la conseillère Spatz ne cessait de répéter : " Quoi? " elle dut se résigner à reprendre toute sa phrase.

        Mme la conseillère Spatz lui redemanda encore : " Quoi? " . A ce moment, on entendit des pas dans la chambre de devant, la porte s'ouvrit et M. Spinell entra. " Je vous dérange? " demanda-t-il sur le seuil de la porte, de sa voix douce, en ne regardant que l'épouse de M. Klöteryahn et en s'inclinant à sa façon.

 

Thomas Mann - Tristan (1903) -(nouvelle)

 

n°144
 

       Hérodote appelait l'Egypte "un don du Nil". De même, on pourrait appeler la Babylonie un don des fleuves jumeaux, l'Euphrate et le Tigre. Les deux fleuves prennent leur source dans les montagnes d'Arménie et lorsqu'au printemps, les neiges commencent à y fondre, ils sortent de leurs lits, inondent la plaine où ils laissent un limon fertile.

        Pour éviter que le pays ne soit transformé en marécage  et aussi pour amener de l'eau aux champs, ici comme en Egypte, il est nécessaire de rassembler les eaux des fleuves dans des canaux pour la conduire vers les champs. Sans un système d'irrigation bien organisé, le pays serait transformé en un désert aride ou en marécages malsains.

         C'était une tâche de roi que l'organisation de ce système. On y attachait tellement d'importance que les canaux portaient souvent le nom du roi. Hammourabi fit creuser un canal auquel il donna ce nom : "Hammourabi est une bénédiction pour le peuple" . 

 

Carl Grimberg - L'aube des civilisations (1963) 

 

n°143
 

       A moins que tu ne viennes par ici au cours des tout prochains mois, je te verrai à New York. Je me rends à New York pour voir les pièces, mais aussi pour essayer d'échapper à un piège fiscal. L'Administration a l'impression bizarre que je lui dois un million de dollars. Je prétends que je ne lui dois que 3.85 dollars.

       Je reconnais à présent que j'ai eu tort de porter ces 3.85 dollars comme exonération sur ma feuille de déclaration. J'ai dit que c'était pour frais professionnels, mais ce n'était pas vrai. Ce qui s'est passé en fait, c'est que j'ai emmené onze personnes de ma famille dîner à la Ontra Cafeteria sur Vine Street. Etant donné qu'aucun de ces parents n'exerce une profession, je vois bien sûr où l'administration s'est trouvée en droit de refuser cette exonération.

        Quoi qu'il en soit, le million de dollars est encore quelque chose d'autre. Sur ce point je compte bien me défendre des dents et des ongles (des ongles surtout simplement parce que je possède plus d'ongles que de dents).

 

Groucho Marx - Correspondance - (à Goddard Lieberson le 9-12-55) 

 

n°142
 

       Salvatore ne me raconta pas seulement cette histoire. A mots tronqués, m'obligeant à me rappeler le peu que je savais de provençal et de dialectes italiens, il me fit l'histoire de sa fuite de son village natal et de son errance par le monde. Dans son récit je reconnus beaucoup d'errants déjà connus ou rencontrés le long de notre route, et beaucoup d'autres, que je connus après, je les reconnais à présent, à telle enseigne que je ne suis plus certain, avec le temps, de ne pas lui attribuer aventures et crimes appartenant à d'autres qui l'ont précédé ou suivi et s'aplatissent à présent dans mon esprit las pour dessiner une seule image, par la force de l'imagination précisément, laquelle unissant le souvenir de l'or à celui de la montagne, sait composer l'idée d'une montagne d'or. 

 

Umberto Eco - Le nom de la rose (1980) -(roman)

 

n°141
 

       Pour gagner du temps le maréchal utilise les fers "à la mécanique" de formes rationnelles, suffisament variées dans diverses pointures qu'elles peuvent convenir à la majorité des sabots. Mais il restera toujours des pieds sur lesquels ne s'adapte aucun fer industriel. Le vrai maréchal forge, pour chaque cas, jusqu'aux fers pathologiques et aux fers spéciaux, russes, anglais, à crampons.

        Dans son tour de France de compagnon-maréchal, Abel Boyer observa la variété des fers utilisés selon les provinces, selon la nature des sols (pays plats, marécageux, montagneux), ville en pente et les conditions de travail des animaux (bâtés grimpant ou descendant, tirant une voiture, sur glace ou terrains glissants, etc.).

         Il concluait par son mépris pour la maréchalerie de Saumur, bonne à fabriquer des "rondelles" : "Mais le "saumurisme" n'admet pas que l'on puisse franchir le domaine de ses connaissances rétrécies ; aussi tous ceux qui n'ont passé que par le régiment pour connaître les principes du métier rentrent chez eux bouffis de suffisance." !                                     

Catherine Vaudour - Le maréchal-ferrant (1979) 

 

n°140
 

       Je n'ai plus grand-chose à vous dire aujourd'hui. Je ne m'excuse pas d'avoir écrit si longuement, puisque vous me l'avez demandé et que vous vous dites d'une avidité insatiable de tous les faits et gestes de votre ami. Il faut en finir cependant. Voici l'heure de la promenade quotidienne. Je vais mettre mon chapeau. Nous irons doucement par les ruelles fort pierreuses et tortueuses de cette vieille ville que vous connaissez un peu. Nous allons, à la fin, où vous aimeriez d'aller si vous étiez ici, à cet antique jardin où tous les gens à pensées, à soucis et à monologues descendent vers le soir, comme l'eau va à la rivière, et se retrouvent nécessairement.

        Ce sont des savants, des amants, des vieillards, des désabusés et des prêtres; tous les absents possibles et de tous les genres. On dirait qu'ils recherchent leurs éloignements mutuels. Ils doivent aimer de se voir sans se connaître et leurs amertumes séparées sont accoutumées à se rencontrer.

 

Paul Valéry - Monsieur Teste (1896) 

 

n°139
 

       Oiseau de plaine migrateur qui fait penser à une petite perdrix. Venant d'Afrique du Nord, la caille arrive en France, où elle pond, vers avril, et repart en août-septembre. Quelques sujets restent cependant l'hiver dans le Midi de la France. Les petits grandissent très vite et se dispersent dès l'âge de cinq semaines.

        L'allure de la caille devant le chasseur est très caractéristique. Elle a un vol court (une centaine de mètres), à faible hauteur (un à deux mètres), rectiligne, et parallèle au sol. On rencontre la caille moins souvent qu'autrefois. D'une part elle est beaucoup plus chassée l'hiver en Afrique du Nord. En second lieu, les méthodes de culture industrielle et des fauchaisons plus précoces ont nui à l'espèce. Enfin, les ouvertures étant plus tardives, elle a déjà quitté beaucoup de régions de France quand on chasse.

 

Marc Lambert - Manuel de l'examen de chasse (1976) 

 

n°138
 

       Aux niveaux archaïques de culture, la religion maintient l' "ouverture" vers un Monde surhumain, le monde des valeurs axiologiques. Celles-ci sont transcendantes, étant révélées par des Êtres divins ou des Ancêtres mythiques. Elles constituent par suite des valeurs absolues, paradigmes de toutes les activités humaines. Comme nous l'avons vu, ces modèles sont véhiculés par les mythes auxquels il revient surtout d'éveiller et de maintenir la conscience d'un autre monde, d'un au-delà, monde divin ou monde des Ancêtres.

         Cet "autre monde" représente un plan surhumain, transcendant, celui des réalités absolues. C'est dans l'expérience du sacré, dans la rencontre avec une réalité trans-humaine, que prend naissance l'idée que quelque chose existe réellement, qu'il existe des valeurs absolues, susceptibles de guider l'homme et de conférer une signification à l'existence humaine.

 

Mircea Eliade - Aspects du mythe (1963)

 

n°137
 

       Nous ne savons pas qui a inventé la pince à linge. Mais certains ont su en tirer profit.Comme ces deux Allemands qui trafiquaient dans l'immédiat après-guerre chez les Touaregs du Sahara. Portant deux sacs, l'un plein de pinces à linge en plastique et l'autre vide. Ils parcouraient les oasis en proposant aux femmes une brillante affaire : échanger leurs vieilles broches en argent massif  usées contre de belles pinces à linge toutes neuves, dernier cri et aux couleurs éclatantes.

        Au fur et à mesure que ces deux complices avançaient dans les montagnes, leur sac de pinces se vidait tandis que celui des broches en argent se remplissait. Bien entendu nous déconseillons ce genre d'affaires qui est une pure er simple escroquerie. Mais ce fut sans doute l'utilisation la plus rentable de la pince à linge de toute l'histoire. 

 

Gil de Bizemont - Objets faciles à réaliser avec des pinces à linge (1981) 

 

n°136
 

       C'est une sorte de plateau sédimentaire qui borde les vieux massifs de la Forêt-Noire et des Vosges. Il s'étend au nord de l'anticlinal du Lomont, le plus long du Jura, qui s'étire de Baumes-les-Dames à la Lägern. Contrairement aux autres qui vont du sud-ouest au nord-est, ce relief se dirige d'ouest en est. Sa partie orientale, en pays soleurois et argovien, est caractérisé par de nombreux chevauchements et par une morphologie de monts monoclinaux dont le front escarpé regarde vers le nord.

        Dans le Jura tabulaire, les couches sédimentaires sont plus minces qu'à l'intérieur de l'arc jurassien ; elles sont posées horizontalement sur le socle hercynien. Les nombreuses failles que comportent les bordures des deux massifs anciens se sont transmises à la couverture qui a joué verticalement, offrant un quadrillage de menus "horst" et "graben".

 

Barbier-Piveteau-Roten - Géographie de la Suisse (QSJ n°1512) (1973) 

 

n°135
 

       Je n'avais pas payé mon billet très cher et me trouvais au dernier rang du paradis. Moins de cinq mintes et je regrettais ma faiblesse. On donnait cependant un film documentaire non sans intérêt : la vie des bêtes au fond d'un aquarium. Une espèce de salamandre, grossie par la projection à la taille d'un cachalot, ouvrant la gueule en regardant le public.

        Juste à ce moment l'orchestre jouait une vieille romance langoureuse : "Pourquoi ne pas m'aimer ?..." Personne dans la salle n'avait l'air de remarquer cette discordance grotesque entre le spectacle et la musique. Pour moi, j'en étais indisposé. Vint ensuite un interminable film sentimental, une histoire niaise à pleurer, avec faux effets de lune, espions dans les bosquets, mouchoirs agités, torsions de bouches et battements de paupières, bref tout ce que je déteste. Je m'efforçais de penser à autre chose . Pas commode : l'image est là qui vous tire l'oeil et le blesse.

 

Georges Duhamel - Journal de Salavin (1927) 

 

n°134
 

       Attaquer le sillon au niveau d'une lame détachée à droite. Après quelques mètres faciles, gravir un dièdre (IV+) jusqu'à un replat . Gravir un second dièdre (un pas de V) et des cannelures (IV+). Eviter le surplomb du fond par la gauche et gravir les cannelures (un pas de V+) puis revenir à droite dans l'axe du sillon (V). Remonter la cheminée qui suit, en évitant le début surplombant par la gauche (V puis IV+) et en sortir à droite sur l'épaule de la 1ère tour.

 

François Labande - La chaîne du Mont-Blanc - A l'est du Col du Géant (1987) 

 

n°133
 

       Durant ces quinze jours d'attente à Karachi, nous avions eu déjà à nous défendre. Les douze forteresses devaient être remises sur place au commandement local. Mais les responsables de ces ordres avaient compté sans l'extrême dévouement des équipages pour le commandant de l'escadrille et les pilotes de chaque appareil.

        Les hommes montèrent une garde incessante autour des bombardiers. C'était logique : chaque forteresse (secret militaire) était équipée du viseur de bombes. Les mitrailleuses étaient chargées.

 

R.L. Scott - Dieu est mon co-pilote (1953) 

 

n°132
 

       On trouve des soles sur tout le littoral français. Il en existe trois races. La solea solea est la plus commune. Elle peut accuser soixante centimètres de longueur, pesant alors dans les trois kilos et atteindre l'âge canonique d'une vingtaine d'années. Evidemment ces véritables monstres sont rares dans les zones accessibles aux pêcheurs à pied. Et celles qu'on attrape le plus souvent à la foëne ou au râteau, sont âgées de moins de cinq ans. Elles ne mesurent alors que vingt-cinq à trente centimètres.

        On rencontre aussi la solea lascaris , la sole de sable, en Manche et en Méditerranée. Cette sorte de sole se reconnaît principalement à sa première narine, qui se trouve juste au-dessus de sa bouche sur la partie blanche de son corps et qui est bien plus large que la narine de la sole commune. 

 

Georges Fleury - Le pêcheur à pied  (1986) 

 

n°131
 

       Le geste d'une personne qui appose sa signature est constitué par une succession de mouvements que l'habitude relie les uns aux autres, de telle sorte qu'au lieu d'être indépendant, chacun d'eux est influencé par ceux qui le précèdent et contribue à déterminer ceux qui le suivent. Il en résulte que certaines variations sont reliées les unes aux autres par des lois, d'ailleurs assez complexes, mais qui présentent souvent une curieuse constance.

        Considérons, par exemple, les variations de dimension des signatures. Deux signatures de dimensions différentes, d'une même personne, ne sont pas deux figures semblables, dans le sens géométrique du mot.

 

Edmond Locard - Les faux en écriture et leur expertise (1959) 

 

n°130
 

       J'en reviens maintenant à Héliogabale qui est jeune et qui s'amuse. De temps en temps on l'habille. On le jette sur les marches du temple, on lui fait accomplir des rites que sa cervelle ne comprend pas.

        Il officie avec six cents amulettes qui créent des zones sur son corps. Il tourne autour des autels consacrés aux dieux et aux déesses ; il se pénètre de rythmes, de chants, d'odeurs et d'idées multiples. Et le jour vient où le sang du soleil monte en rosée dans sa tête, et chaque goutte de rosée solaire devient une énergie et une idée.

 

Antonin Artaud - Héliogabale ou l'anarchiste couronné (1934) 

 

n°129
 

       Comme les fréquences porteuses sont choisies de façon qu'elles ne se chevauchent pas, on peut les séparer facilement en tournant un bouton spécial qui commande l'armature mobile d'un condensateur : on assure ainsi la sélection des émetteurs en n'en rendant pratiquement qu'un seul perceptible.

        Les récepteurs sont actuellement construits de telle sorte qu'une fois réglés sur une fréquence porteuse, ils laissent passer toute la bande de fréquence utile à l'écoute et celle-là seulement. Cette bande de fréquence porte le nom de canal : c'est une notion fondamentale en radiodiffusion.

 

Jean-Jacques Matras - Radiodiffusion et Télévision (QSJ n°760) (1978) 

 

n°128
 

        La bayadère du temple des brahmanes était fille d'un marchand de casquettes hollandais !   

        On fit entrer les policiers dans une chambre où ils trouvèrent, au lit, une jeune femme qui prenait paisiblement son petit déjeuner. Elle se montra surprise de cette visite, mais accepta de bonne grâce de suivre le commissaire qu'elle pria seulement de lui donner le temps de faire sa toilette.

        La présence de trois hommes dans sa chambre ne semblait pas l'incommoder outre mesure, puisqu'elle se mit nue avec un gentil sourire. Il n'est précisé nulle part que les policiers fermèrent volontairement les yeux ; pourtant, ils crurent devoir proclamer - longtemps après - que tant d'impudeur les avait révoltés !

 

Gilbert Guilleminault - 1900-1918 : du premier jazz au dernier tsar (1959) 

 

n°127
 

       Nous pouvons maintenant nous figurer ainsi la genèse du fantasme au vautour de Léonard : il lisait un jour dans un Père de l'Eglise ou dans un livre d'histoire naturelle, que les vautours sont tous femelles et savent se reproduire sans l'aide de mâles, alors surgit en lui un souvenir qui prit la forme de ce fantasme, mais qui signifiait que lui aussi était un tel fils de vautour, enfant ayant eu une mère mais pas de père.

        Et à ce souvenir s'associa un écho de la jouissance éprouvée dans la possession du sein maternel.

 

Sigmund Freud - Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci - (1927) 

 

n°126
 

       Pour qui en découvre les vestiges d'un oeil neuf, la Rome antique n'est qu'un inextricable fouillis de décombres amoncelés dans un espace fort exigu où prospère, outre la maigre végétation propre aux ruines, la vivace acanthe qui frémit sous la brise avec une grâce propre à désespérer le sculpteur.

        Voici trente-cinq siècles, le site était rustique. Saturne, dieu des semailles, régnait sur le Capitole, et Palès, divinité des pâturages, sur le Palatin. Au pied de ces coteaux, un petit ruisseau traversait un fond marécageux où paissaient les troupeaux : le Forum devait naître dans ce bourbier. Puis les dieux firent place aux demi-dieux et aux hommes.

 

Philippe Lefrançois - La Rome antique (1953) 

 

n°125
 

       Quelques jours plus tard, au soir du 27 mars, nous vîmes la flotte anglaise pousser ses feux puis appareiller à la nuit faite. L'amiral avait su que les escadres italiennes étaient à la mer vers l'est et il se précipitait à leur rencontre ou à leur poursuite. Ce fut, en fin de compte, une poursuite, qui mena à ce que l'on a appelé la bataille de Matapan : bataille gagnée dans un très intéressant combat de nuit où le radar fit brillamment ses premières grandes preuves.

        Deux grands croiseurs italiens de 10 000 tonnes et deux contre-torpilleurs, surpris à courte portée, furent coulés en quelques instants, par les trois cuirassés de Cuningham, alors qu'un troisième croiseur  identique, torpillé au début de la nuit, était, lui aussi, achevé. Les Britanniques n'avaient perdu qu'un avion.

 

Vice-amiral Godfroy -L'aventure de la force X à Alexandrie (1953) 

 

n°124
 

       Le mécanisme grammatical est d'une grande simplicité : il n'y a pas comme dans les autres langues une foule de règles comportant des exceptions : tous les verbes sont réguliers et se conjuguent de la même manière : quiconque apprendra la conjugaison d'un seul verbe aura appris la conjugaison de tous les verbes.

        Les déclinaisons des noms ne comportent aucune difficulté : elles sont régies par des suffixes qui ne changent pas. Il n'y a pas d'article ; il n'est fait aucune distinction de genres (masculin ou féminin) : il n' y a donc pas à s'occuper de l'accord des genres. L'orthographe qui s'appuie uniquement sur la phonétique est d'une facilité surprenante : il n'y a aucune lettre inutile pour la lecture.

 

Alfred Mörer - Grammaire de la langue turque (1967) 

 

n°123
 

       Nous sommes-nous égarés ? L'esprit de la colline serait-il un esprit de perdition ? Faut-il demander à la raison d'exorciser cette lande ? Faut-il laisser en jachère les parties de notre âme qu'elle est capable d'exciter ? Faut-il se détourner de Léopold quand il se laisse soulever par le souffle de Sion ?

       Non pas ! C'est un juste mouvement de la part la plus mystérieuse de notre âme qui nous entraînait avec sympathie derrière Léopold sur les sommets sacrés. Nous sentons justement quelque similitude entre ces hauts domaines et les parties desséchées de notre âme. Dans notre âme, comme sur la terre, il existe des points nobles que le siècle laisse en léthargie.

 

Maurice Barrès - La colline inspirée (1913) -(roman)

 

n°122
 

       Correspondance entre signes et sons - Mis à part l'astérisque utilisé en français seulement pour la ponctuation, alors que dans d'autres langues il est censé remplacer l' H , les dix signes de gauche et milieu représentent les dix consonnes et semi-consonne qu'ils figurent, plus dix lettres ou sons équivalents ou apparentés. Ajoutons que SK (s'abaissant d'un seul doigt) représente le son CH.

         Quant aux cinq derniers signes de droite, ils représentent une multitude de sons et finales complexes (finales de mots ou de syllabes).

 

Marius Michelot - Les systèmes sténographiques (QSJ n°790) (1959) 

 

n°121
 

       Le soir commençait à tomber et K. accéléra l'allure. Le Château dont les contours commençaient déjà à se noyer  paraissait toujours aussi calme; jamais K. n'y avait encore aperçu le moindre signe de vie; peut-être n'était-il possible de rien voir à une telle distance ; pourtant les yeux exigeaient autre chose ; ils ne pouvaient pas accepter une telle tranquillité.

        Lorsque K. observait le Château, il lui semblait parfois qu'il contemplât quelqu'un qui se tenait là tranquillement et qui regardait devant lui. non point en s'absorbant dans ses pensées, en s'isolant par là de tous, mais librement, insouciamment, comme s'il se trouvait tout seul et que personne ne l'observât; et cependant il devait voir qu'on l'observait, mais cela ne troublait en rien son repos; était-ce la cause ou l'effet de ce repos ?

        Les regards de l'observateur glissaient sur le Château sans pouvoir s'accrocher à rien. Cette impression se dégageait encore plus fortement ce jour-là à cause de l'obscurité qui tombait plus tôt que de coutume; plus K. regardait, moins il distinguait, tout semblait s'enfoncer dans le noir.

 

Franz Kafka - Le Château (1926) -(roman)

 

 

 

 

Pages   4    5    6    

 

Sommaire  MAGALMA