qu'

MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

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n°600
 

       Abou Yousouf Ibn Ishak al-Kindî est le premier de ce groupe de philosophes dont les oeuvres aient survécu au moins en partie. Il était né à Kûfa vers 185/796, d'une famille aristocratique  arabe de la tribu du Kindah, en Arabie du sud, ce qui lui valut le surnom honorifique de "philosophe des Arabes".Notre philosophe se trouva mêlé à Bagdad  au mouvement scientifique favorisé par les traductions des textes grecs en arabe. Lui-même ne saurait être considéré comme un traducteur de textes antiques, mais aristocrate fortuné, il fit travailler pour lui de nombreux collaborateurs et traducteurs chrétiens ; souvent il "retouchait" les traductions pour les termes arabes qui avaient embarrassé ces derniers.

       C'est ainsi que fut traduite pour lui a célèbre Théologie dite d'Aristote, par Abdul-Masîh al-Himsî (c'est à dire d'Emèse) ; ce livre eut une profonde influence sur sa pensée. Furent ensuite traduites pour lui la Géographie de Ptolémée  et une partie de la Métaphysique d'Aristote par Eustathios.

 

Henri Corbin - Histoire de la philosophie islamique (1964)

 

n°599
 

       La moitié d'une vie d'homme se passe à sous-entendre, à détourner la tête et à se taire. L'acteur est ici l'intrus.  Il lève le sortilège de cette âme enchaînée et les passions se ruent sur leur scène. Elles parlent dans tous les gestes, elles ne vivent que par cris. Ainsi l'acteur compose ses personnages pour la montre. Il les dessine ou les sculpte, il se coule dans leur forme imaginaire et donne à leurs fantômes son sang.

        Je parle du grand théâtre, cela va sans dire, et celui qui donne à l'acteur l'occasion de remplir son destin tout physique. Voyez Shakespeare. Dans ce théâtre du premier mouvement, ce sont les fureurs du corps qui mènent la danse. Elles expliquent tout. Sans elles, tout s'écroulerait. Jamais le roi Lear n'irait au endez-vous que lui donne la folie sans le geste brutal qui exile Cordelia et condamne Edgar.

 

Albert Camus - Le mythe de Sisyphe (1965) - (essai)

 

n°598
 

       Cependant l'oeuvre s'est modifiée. La version Master (Columbia) du 5 mars 1937, qui porte d'ailleurs comme titre Tne New East Saint Louis Toodle-Oo, l'a tout ensemble enrichie sur le plan de l'arrangement  et appauvrie du point de vue thématique, puisqu'elle n'utilise plus que le premier thème, traité de manière oplente, expressive jusqu' au baroque, par la masse orchestrale d'où, parmi des effets de cloches et de wood-blocks, émergent la trompette de Cootie Williams et la clarinette de Barney Bigard. Les éléments qui permettaient d'y repérer les épisodes d'une suite à certains égards  prospective ont disparu. Comme pour le mettre en gloire et commémorer son démarrage, tout s'organise autour du cheminement trébuchant mais obstiné de " l'homme du blues ". 

 

Jacques Réda - Ellington et sa mise en oeuvre (1980)

 

n°597
 

       Ce soir, depuis qu'avaient cessé de m'étourdir le jazz de l'Américain et les récriminations de Pia, je n'avais pas à me plaindre. Les souvenirs fleurissaient autour de moi dans le silence, doux, nombreux et odorants comme des belles-de-nuit sur leurs tiges entremêlées. Enrico me rappelait non seulement l'allumeur de réverbères mais mon vieux Moreuil du camp de Stettin, électricien à Boulogne-sur-Seine, qui lui aussi se rangeait, avec sa fierté gouailleuse, dans la confrérie des petits types : "Nous qui n'avons jamais été que des cons..."

        J'entendais sa voix, son accent si juste, tranchant sur le bruit confus du vent des sapinières qui secouait la tôle ondulée de nos baraquements.

 

Alexis Curvers - Tempo di Roma (1957) - (roman)

 

n°596
 

       La science des institutions anciennes a pour objet la reconstitution des formes politiques et sociales sous lesquelles s'est manifestée et déroulée dans l'histoire la vie des peuples de l'antiquité. Elle s'occupe avant tout de la condition des personnes, de la nature des pouvoirs publics, du système de l'administration, ainsi que des principales manifestations du culte.

        L'importance de cette étude n'est plus aujourd'hui méconnue par aucun de ceux qui estiment que l'histoire est autre chose que l'énumération dans l'ordre chronologique, des hommes d'Etat qui ont régné sur les peuples ou dirigé leur politique., des épisodes sanglants ou glorieux qui ont marqué leur passage au pouvoir, des révolutions qui ont changé le régime intérieur des cités, des traités qui ont modifié la carte politique des pays. Ce sont les institutions qui nous font pénétrer dans l'âme même des peuples disparus.

 

A.Boxler - Institutions publiques de la Grèce et de Rome (1907) - (précis)

 

n°595
 

       Universelle est la fascination qu'exerce la forêt sur l'âme et l'entendement humains. Mais en fait, cette attirance répond à des sentiments variés et contradictoires. Il y a la forêt hostile, effrayante, aux senteurs infernales, ou encore l'oasis maternelle et consolatrice, propice à l'élévation de la pensée, la forêt magique enfin, féérique, idyllique vestige de paradis à jamais perdus.

       Mais de tous ses admirateurs, qui donc la connaît bien ? Pénétrée et violée de toutes parts, elle n'est plus aujourd'hui lieu sacré mais porte en elle les traces incontestables de l'action humaine. Dans toute l'Europe, en tous cas en France, elle est presque entièrement artificielle, faite d'introduction d'espèces non indigènes, ou même de croisements et autres manipulations génétiques.

 

Alan Mitchell - Tous les arbres de nos forêts (1974) - (guide)

 

n°594
 

       Prenons une table, dit à son tour Ouspenski, une maison, un arbre, un homme et imaginons-les hors du temps et de l'espace. L'esprit devra s'ouvrir à tant de signes et de caractéristiques différents qu'il est impossible de les comprendre tous par le moyen de la raison. Et si l'on veut les comprendre au moyen de la raison, on sera forcé de les diviser d'une manière quelconque, de les prendre dans un certain sens, par un certain côté, par une certaine section de leur totalité.

        Qu'est-ce que l'Homme en dehors du temps et de l'espace ? C'est l'Humanité, Homme en tant qu'espèce., l' Homo Sapiens, mais c'est aussi la créature possédant la singularité, particularité, individualité de tous les hommes séparés. C'est vous, moi, César, les conjurés qui l'assassinèrent, et le porteur de journaux qui passe sous nos fenêtres, ce sont tous les rois, tous les esclaves, tous les saints, tous les pécheurs, pris dans leur ensemble, fondus dans cet être invisible qu'est l'Homme.

 

Georges Barbarin - L'énigme du Grand Sphinx (1966)

 

n°593
 

       "L'admiration pour un individu est, à mon avis, toujours injustifiée. Il va de soi que la nature distribue ses dons parmi ses enfants avec beaucoup de variété, mais il existe beaucoup de ces enfants richement doués, et je suis convaincu que la plupart d'entre eux mènent une existence paisible  et effacée. Il ne me semble ni juste; ni de bon goût, que certains parmi eux soient admirés hors de proportions, uniquement parce que les gens leur attribuent des qualités surhumaines d'intelligence et de caractère. C'est précisément ce qui a été mon lot : il existe un contraste vraiment grotesque entre les capacités et les perfections que l'on m'attribue et ce que je suis réellement.

        Cette pensée me serait insupportable si je n'y trouvais une belle consolation : c'est le fait qu'à notre époque, si souvent critiquée pour son matérialisme, on puisse faire des héros des hommes dont la valeur est purement spirituelle et morale. Cela prouve que les connaissances et l'équité sont appréciées par la majorité des gens plus que la richesse et la puissance."  (Albert Einstein)

 

Hilaire Cuny - Einstein et la relativité (1961)

 

n°592
 

       En poussant ce paradoxe jusqu'à l'absurde, on pourrait imaginer le cas suivant. Un astronaute dit au revoir à son fils nouveau-né, voyage dans l'espace pendant cinq ans à grande vitesse, et revient sur terre pour voir son fils qui poursuit déjà des études secondaires ! Et encore : son fils, de son point de vue, voit revenir son père extrêmement vieilli. Les deux ont raison, c'est ce que nous dit la théorie de la relativité.

        Ce paradoxe, ainsi que d'autres non moins absurdes, a une explication dans la théorie de la Relativité Générale qu'Einstein publia en 1915. En effet, à la base de tout paradoxe, il y a des prémisses qui n'ont pas été respectées. En particulier dans notre exemple, la théorie restreinte d'Einstein ne peut pas s'appliquer étant donné que pour faire son voyage dans l'espace, l'astronaute doit subir des accélérations et des freinages et la théorie de la relativité restreinte de 1905 ne parle que des systèmes animés les uns par rapport aux autres d'un mouvement de vitesse constante.  

 

S.Goudsmit / R.Claiborne - La mesure du temps (1970)

 

n°591
 

       Les fusées surréalistes retombées, les égarements abyssaux renvoyés à un érotisme de bazar, la poésie s'interroge toujours ce qu'elle peut bien être. Qu'est-ce que ces imges qu'elle crée et qui se dérobent à la peinture ? Les croire visibles et descriptions du visible a égaré de bons peintres dans une imagerie naïve. Les identifier à de la musique n'est-ce pas perdre ce qui, dans les mots en elles, porte des significations ?

        Mais, bien sûr, ces significations, si émouvantes ou glorieuses soient-elles, qui donc songerait encore à leur égaler le poème ? Cet objet chargé de sens paraît impatient de les refuser. On voit agir en lui une résistance à signifier qui le tient tout proche du silence des statues. Il veut être à la fois tout présent et sur le point d'être. Jamais transformé par le temps.

 

Gaston Bachelard - L'intuition de l'instant (1932)

 

n°590
 

       J'étais près de la Saône, derrière le long mur où nous marchions ensemble, lorsque nous parlions de Tinian au sortir de l'enfance, que nous aspirions au bonheur, que nous avions l'intention de vivre. Je considérais cette rivière qui coulait de même qu'alors ; et ce ciel d'automne aussi tranquille, aussi lent que dans ces tems-là dont il ne subsiste plus rien.

       Une voiture venait : je me retirai insensiblement ; et je continuai à marcher les yeux occupés des feuilles jaunies que le vent promenait sur l'herbe sèche, et dans la poussière du chemin. La voiture s'arrêta, Mme Del était seule avec sa fille, âgée de six ans. Je montai et j'allai jusqu'à sa campagne, où je ne voulus pas entrer.  

 

Senancour - Oberman (1804)

 

n°589
 

       Le Christ presque dévoré lance un gémissement bâillonné. Les corbeaux voltigent autour de lui, picorant dans ses chairs déchirées. De son ventre sacré, la vermine tente de s'échapper en se laissant emporter par le torrent sacré de son sang. La vieille créatrice de couvents ne souffle mot. Le râle répète sans fin le mot seule. Maria approche une coupe de Champagne des lèvres sèches de Sa Révérence qui la boit d'un seul trait. La Révérende dit finalement :

          - Je le sais.

          - Seule comme quelqu'un condamné à ne jamais mourir. Seule sans fin.

          - Seule et dans la goire, complète Sa Révérende syphilitique, en jetant sur les autres nonnes un regard d'infini mépris.

 

Agustin Gomez-Arcos - Maria Republica (1976) - (roman)

 

n°588
 

       Winston était couché sur quelque chose qui lui donnait l'impression d'être un lit de camp, sauf qu'ilétait plus élevé au-dessus du sol. Winston était attaché de telle façon qu'il ne pouvait bouger. Une lumière, qui semblait plus forte que d'habitude, lui tombait sur le visage. O'Brien était debout à côté de lui et le regardait attentivement. De l'autre côté se tenait un homme en veste blanche qui tenait une seringue hypodermique.

        Même après que ses yeux se soient ouverts, Winston ne prit conscience de ce qui l'entourait que graduellement. Il avait l'impression de venir d'un monde tout à fait différent, d'un monde immergé profondément au-dessous de celui-ci, et d'entrer dans la salle en nageant. Il ne savait pas combien de temps il était resté immergé. Depuis le moment de son arrestation, il n'avait vu ni la lumière, ni l'obscurité.

 

George Orwell - 1984 (1950) - (roman)

 

n°587
 

       Le lendemain, mon premier soin fut de faire la propreté de la mission. Comme d'habitude, les W.C. étaient dans un état effroyable. Je les fis nettoyer à fond et désinfecter. Puis je passai aux chambres. Au milieu de ce travail je reçus la visite du commandant Nestor, jeune homme des bois bosniaque, à l'aspect excessivement dur. Il n'aimait pas beaucoup les Britanniques et, me dit-il, ne parvenait pas à les comprendre. Je versai deux verres de raki et sortis du chocolat. Nous allumâmes des cigares et il prit le livre que je lisais : Le Singe blanc de Galsworthy.

        - Ah oui! dit-il. J'ai lu un bouquin de cet auteur, traduit en yougoslave. Il parlait d'une famille anglaise appelée Forsyte.

      Cette remarque me surprit et je lui demandai s'il connaissait d'autres auteurs anglais.

        - En ce moment, répondit-il, je suis plongé dans un gros livre : l' Histoire Universelle de H.G. Wells.

     

Lindsay S.Rodgers - J'étais médecin avec Tito (1958)

 

n°586
 

       Le secret des Andes : tel est le titre d'un très curieux ouvrage anglais qui n'a pas encore été traduit en français mais dont on trouvera un résumé très détaillé et de larges extraits dans les numéros de juin, juillet et août 1969 de la revue  "Ondes Vives". Ce livre est l'oeuvre d'un haut dignitaire de diverses sociétés secrètes initiatiques dont l'ordre ancien de l'Améthyste et l'Ordre de la Main Rouge, deux branches se réclamant des Rose-Croix.

        L'auteur, gardant l'anonymat, ne révèle que son prénom : "Frère Philippe" (Brother Philip). Ce témoignage extraordinaire apporte d'incroyables révélations sur la survivance secrète, en Amérique précolombienne, de tout l'héritage spirituel, scientifique et occulte, tant de la Lémurie que de l'Atlantide.

 

Serge Hutin - Hommes et civilisations fantastiques (1970)

 

n°585
 

       Un segment AB de longueur constante est tel que A décrit une droite Ox et B une droite Oy, l'angle xOy n'étant pas droit. 

                 1- Démontrer que le rayon du cercle (C), circonscrit au triangle OAB, est constant.

                 2- Soit M' un point du segment AB tel que, lorsque AB varie, les longueurs MA et MB restent constantes. La droite joignant le point M au centre w du cercle (C) coupe ce cercle en P et Q. Démontrer que les points P et Q se déplacent sur deux droites rectangulaires qui passent par O.

                  3- En déduire que l'ensemble des points M est une ellipse.

        Cette propriété qui généralise le procédé de la bande de papier est connue sous le nom de Théorème de la Hire.

 

A.Lentin / G.Girard - Géométrie/Mécanique (1964) - (manuel scolaire de Mathématiques Elémentaires)

 

n°584
 

       Un jour je me suis dit : Qu'est-ce que cette clé fait dans ma poche ? Alors je suis allé au Mans voir Clémenceau. Je lui ai dit : "Savez-vous ce que cette clé fait dans ma poche ?" Il m'a poché l'oeil et j'ai dû garder la Chambre des Députés pendant vingt-quatre heures. J'ai emporté la serrure, après m'être assuré qu'elle était bien à la température de la Chambre. De peur que le Président ne se couvre à la suite de cet incident, je me suis fait dorer six dents, j'ai pris le ballon pour rentrer chez moi.

        Dans le ballon, je rencontre Gambetta. Je lui dis : "Savez-vous ce que ce ballon fait dans le ciel ?" Il me jette par-dessus bord mais mon siège était fait depuis longtemps. C'était le siège de Paris. Je signe la paix et je vais porter le buvard aux Invalides. Sur l'esplanade je rencontre Mme Curie qui revient des courses. Je lui dis : "N'avez-vous pas honte de courir ainsi à votre âge ?"

 

Paul Eluard (en collaboration avec André Breton) - L'immaculée conception (1930)

 

n°583
 

       Ainsi, cette secousse sismique qui ébranla New York, ces évènements insolites que le général Hawthorne nous signalait l'autre jour... poursuivit-il tout haut, sont une conséquece des perturbations provoquées dans notre système solaire par l'intrusion de ce nouveau corps céleste, acheva le Vieux. Le fait est que tous ces désordres eussent dû, normalement, s'exercer avec beaucoup plus de violence sur des espaces plus vastes.

        Et nous avons été intrigués en confrontant nos points de vue au cours de nos récentes discussions, par leur modération relative. Une seule explication nous a paru possible, il semble que les autres planètes de notre voisinage aient modifié simultanément leur équilibre réciproque, ce qui compenserait l'anomalie. C'est pourquoi nous pouvons compter sur un répit supplémentaire.

 

Max Ehrlich - L'oeil géant (1951) - (roman)

 

n°582
 

       Insensiblement, l'espèce de curiosité anxieuse qui l'avait d'abord entraîné dans cette aventure singulière faisait place à un autre sentiment beaucoup plus profond dont il ne pouvait plus méconnaître l'entraînement irrésistible. Il touchait un nouveau but. Il prenait sa revanche, il semblait qu'il se vengeât sur cette proie innocente d'avoir cru, de croire encore malgré lui, d'espérer toujours être le même homme qu'avant.

       "Je n'ai perdu que Dieu, s'était-il répété cent fois déjà. Je n'ai donc rien perdu. Mais ma vie s'était constituée en fonction d'une telle hypothèse, tenait d'elle sa raison d'être, son sérieux. Dieu est nécessaire à mes habitudes, à mes travaux, à mon état. J'agirai comme s'il existait."

 

Georges Bernanos - L'imposture (1927) - (roman)

 

n°581
 

       Le Conseil supérieur, organisme d'arbitrage dont il est fait mention dans le projet d'autonomie de la faculté de Droit de Paris, devra effectuer des contrôles. Il apprendra qu'en l'absence d'étalon de mesure de résultats il faut contrôler les moyens, sinon on ne contrôle rien, et qu'en matière de contrôle des moyens, le mal étant le dépassement des moyens autorisés, mieux vaut prévenir (contrôle à priori) que guérir (contrôle à postériori plus sanctions).

        Il devra lui-même justifier le bien-fondé de ses demandes d'augmentation de dotation devant des autorités centrales qui ont pour tâche de fixer un ordre de priorité. En l'absence de toute injonction émanant d'un supérieur hiérarchique, le supérieur ultime étant la majorité parlementaire, que peut faire d'autre le responsable d'une décision budgétaire à qui on présente un dossier de demande d'augmentation de moyens peu convaincant, si ce n'est dire non?

 

Jean Rivoli - Le budget de l'Etat (1969)

 

n°580
 

       Bien des gens n'ont gardé qu'un souvenir cuisant de leur premier contact avec ce peuple hargneux qui vous mord, vous pique partout où il peut vous atteindre. Impossible de vous asseoir tranquillement sur l'herbe sans vous assurer que vous n'êtes pas tombé sur une fourmilière.

       Vous pouvez vous payer le plaisir de fouiller avec votre canne dans les coupoles des belliqueuses fourmis des bois, mais gardez-vous bien d'essayer de les examiner de beaucoup plus près. Quant à ceux qui s'effraient d'une démangeaison cutanée, ils feront bien de chercher une prise de contact plus paisible.  

 

A.Raignier - Fourmis (c.1960)

 

n°579
 

       J'ai le coeur plein de paroles et je ne sais pas les dire. Il me semble que je me partage en deux. - Il nous examina tous avec un visage très sérieux et une sincérité convaincante. - Oui, vraiment, je me partage en deux, et de cela j'ai véritablement peur. C'est comme si votre sosie se tenait à côté de vous. Vous êtes intelligent et raisonnable et l'autre veut absolument commettre une absurdité. Soudain, vous remarquez que c'est vous-même qui voulez la commettre. Vous voulez sans le vouloir, en résistant de toutes vos forces.

       Je connaissais autrefois un médecin qui, à l'enterrement de son père, à l'église, se mit tout à coup à siffler. Si je ne suis pas venu aujourd'hui à l'enterrement, c'est parce que j'étais convaincu que je sifflerais ou rirais comme ce malheureux médecin qui a du reste fini assez mal.

 

Dostoïevski - L'Adolescent (1875) - (roman)

 

n°578
 

       Le règne animal est plus à notre portée et certainement mérite encore mieux d'être étudié. Mais enfin cette étude n'a-t-elle pas aussi ses difficultés, ses embarras, ses dégoûts et ses peines ? Surtout pour un solitaire qui n'a ni dans ses jeux ni dans ses travaux d'assistance à espérer de personne. Comment observer, disséquer, étudier, connaître les oiseaux dans les airs, les poissons dans les eaux, les quadrupèdes plus légers que le vent, plus forts que l'homme et qui ne sont pas plus disposés à venir s'offrir à mes recherches que moi de courir après eux pour les y soumettre de force ?

       J'avais donc pour ressource des escargots, des vers, dez mouches, et je passerais ma vie à me mettre hors d'haleine pour courir après des papillons, à empaler de pauvres insectes, à disséquer ds souris quand j'en pourrais prendre ou les charognes des bêtes que par hasard je trouverais mortes.

 

Jean-Jacques Rousseau - Les rêveries du promeneur solitaire (1778)

 

n°577
 

       Le mois qui suivit mon retour, je le passai dans mon lit, en proie à un mal contracté probablement sur le lieu des fouilles et qui se traduisait par de violents accès de fièvre, semblables à ceux du paludisme. Je ne souffrais pas, mais j'avais l'esprit en feu, retournant sans cesse dans ma tête les éléments de l'effarante vérité que j'avais entrevue. Il ne faisait plus de doute pour moi qu'une ère humaine avait précédé l'âge simien sur la planète Soror et cette conviction me plongeait dans une curieuse griserie.

       A bien réfléchir, pourtant, je ne sais si je dois m'enorgueillir de cette découverte ou bien en être profondément humilié. Mon amour propre constate avec satisfaction que les singes n'ont rien inventé, qu'ils ont été de simples utilisateurs. Mon humiliation tient au fait qu'une civilisation humaine ait pu être aisément assimilée par des singes.

 

Pierre Boulle - La Planète des Singes (1963) - (roman)

 

n°576
 

       Un soir enfin, le dîner fut triste chez les brodeurs, et comme Hubert sortait, sous le prétexte d'une course pressée, Hubertine demeura seule avec Angélique, dans la cuisine. longuement, elle la regardait, les yeux mouillés, émue de son beau corsage. Depuis quinze jours qu'elles ne disaient pas un mot des choses dont leurs coeurs débordaient, elle était touchée de cette force et de cette loyauté à tenir un serment.

        Une brusque tendresse lui fit ouvrir les deux bras et la jeune fille se jeta sur sa poitrine, et toutes deux, muettes, s'étreignirent. Puis, lorsque Hubertine put parler : -Ah ma pauvre enfant, j'ai attendu d'être seule avec toi, il faut que tu saches...

 

Emile Zola - Le rêve (1888) - (roman)

 

n°575
 

       Les bigarreaux de Walpurgis sont des fruits moyens ou surmoyens, cordiformes courts, à contour elliptique, attachés généralement par 2 ; épiderme lisse, d'abord rouge clair pointillé, puis rouge très foncé ; sillon bien marqué vers la pointe ; point pistillaire très visible, grisâtre ; pédicelle grêle, court ou mi-court ; cuvette large et profonde. Chair ferme, colorée, à jus coloré, sucré et parfumé, bonne, noyau assez gros, adhésion à la chair, ovoïde, bombé.

       Arbre vigoureux, rustique, érigé, suffisamment fertile. Rameaux longs, de moyenne grosseur. Yeux ovoïdes, appliqués. Feuilles grandes, elliptiques, minces et souples, terminées par une pointe aiguë ; dents peu profondes, aiguës ; pétiole assez court creusé d'un sillon, légèrement rosé, glandes ovales, par deux. Fleurs hâtives. Variété de commerce,. A cultiver en plein air, à haute et à basse tige.

 

J.Vercier - La détermination rapide des variétés de fruits (1948)

 

n°574
 

       Les macrozooms permettent, sans aucun accessoire, la prise de vues rapprochée, par simple déplacement de l'un des groupes de lentilles du zoom. S'il s'agit d'un déplacement du groupe optique arrière, le tirage de l'objectif est allongé, et cela sans entraver la variation de focale. Les macrozooms construits sur ce principe possèdent une mise au point continue progressive, très souvent de la lentille frontale à l'infini, et toutes les focales, de la position "grand angle" à la position "télé" sont utilisables.

       Lorsqu'il s'agit d'un déplacement des lentilles intermédiaires, les possibilités offertes sont moins étendues. En effet, pour filmer à une distance inférieure à la distance minimale de mise au point, il suffit d'enclencher le réglage "macro" , mais dans ce cas, toutes les focales ne sont pas utilisables : seulement la plus courte ou/et la plus longue, ou, au mieux, une focale à sélectionner dans un intervalle donné plus ou moins restreint.   

 

Gérard Betton - Le cinéma d'amateur (QSJ n°1838-1980)

 

n°573
 

       Une classe dite moyenne n'est pas non plus une classe, encore moins une aristocratie. Elle ne saurait même pas fournir les premiers éléments de cette dernière. Rien n'est plus éloigné que son esprit de l'esprit aristocratique. On pourrait la définir ainsi : l'ensemble des citoyens convenablement instruits, aptes à toute besogne, interchangeables. La même définition convient d'ailleurs parfaitement à ce que vous appelez démocratie.

        La démocratie est l'état naturel des citoyens aptes à tout. Dès qu'ils sont en nombre, ils s'agglomèrent et forment une démocratie. Le mécanisme du suffrage universel leur convient à merveille, parce qu'il est logique que ces citoyens interchangeables finissent par s'en remettre au vote pour décider ce qu'ils seront chacun. Ils pourraient aussi bien employer le procédé de la courte paille.

 

Georges Bernanos - Les grands cimetières sous la lune (1938) - (roman)

 

n°572
 

       Il en est de même dans l'enchaînement en écho du type : nous le savons de Marseille . L'écho est ici non plus phonétique  mais lexical ; toute mention du mot savon déclenche, par automatisme verbal, l'image du plus connu et du plus populaire des savons  et le syntagme figé : savon de Marseille.

        Mais la scie détruit cette cohérence en détruisant les bases lexicales et grammaticales de l'écho qui répond stupidement et passivement à une homophonie dépourvue de sens et de raison. Le joueur apparaît - ou est censé apparaître - comme un imbécile qui répète une plaisanterie, pourtant des plus simplifiées, mais dont il ne comprend ni la forme ni la nature.

 

Pierre Guiraud - Les jeux de mots (QSJ n°1656-1976)

 

n°571
 

       C'est que le sévère abbé ne connaissait pas ce qui tient à la haute société. Mais, par ses amis les jansénistes, il avait des notions fort exactes sur ces hommes qui n'arrivent dans les salons que par leur extrême finesse au service de tous les partis, ou leur fortune scandaleuse.

        Pendant quelques minutes, ce soir-là, il répondit d'abondance de coeur  aux questions empressées de Julien, puis s'arrêta tout court, désolé d'avoir toujours du mal à dire de tout le monde, et se l'imputant à péché. Bilieux, janséniste et croyant au devoir de la charité chrétienne, sa vie dans le monde était un combat.

 

Stendhal - Le Rouge et le Noir (1830) - (roman)

 

 

 

 

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