TOM REG    "Mini-contes drolatiques ou déroutants"     page 26 

 

Prolongements outrepassés  (Sortes de dévaloirs )

 

n° 250.....

...Monsieur, monsieur ! Vous n'avez rien ?...(Monsieur?... Je ne suis donc pas au supermarché mais c'est bien pour moi quand même)... Est-ce que vous dormez ? Nous vous retrouvons ici avec vos bagages ! Vous alliez semble-t-il rentrer chez vous ? Que s'est-il passé ? Que se passe-t-il ?...Vous paraissez avoir reflué...Vous êtes allongé dans une sorte de sablière...Décidément vous ne les lâchez pas ! Une dans chaque main, rien à faire ! Vous êtes parvenu jusqu'ici...avec vos valises !...Sont-ce les mêmes ou êtes-vous un autre ?...Encore un autre ! Effectivement ce n'était pas chez moi là-bas comme je le croyais !...Vous aviez voulu y aller en bus !...Oui et j'ai dû en redescendre car mes tickets se trouvaient dans une de mes valises, or je n'ai pu en ouvrir qu'une, celle qui ne les contenait pas ! ... Comment savez-vous qu'ils se trouvaient dans l'autre ?...Parce que c'est celle que je n'ai pas pu ouvrir !...Et vous avez donc marché jusqu'ici...Oh oui sûrement car je voulais revoir ce lieu que j'avais connu enfant et me suis dit que c'était la meilleure occasion et que je ne devais pas la laisser passer...Vous étiez dans un tel état de vide de vous-même qui tout vous paraissait non seulement souhaitable mais réalisable, non ?...En tout cas vos valises semblent assez luxueuses, il est étonnant que vous vous en serviez aussi peu et dans de telles conditions !  ...Je ne les lâche pas facilement toutefois car elles me servent beaucoup! Elles me servent à...A donner le change...Vous vous donnez des allures de partir en voyage de temps à autre quand bon vous semble...Non pas du tout, elles ne me servent à rien d'autre qu'à participer de l'ambiance générale au moment des vacances et à faire en sorte de sembler partir grosso modo en même temps que mes voisins !...Donner le change n'est pas exactement le contraire du j'menfoutisme mais il s'en rapproche quelquefois et puis surtout, quelquefois, mais parfois seulement, je pars tout à fait...je pars vraiment !...C'est admirable, vous avez fait des pratiques coutumières du tout- venant une sorte de liturgie du quotidien, du banal, à quoi vous vous soumettez plus ou moins...Disons que j'en respecte certaines règles lorsque cela ne me dérange pas trop, par cette action assez stimulante, à mi-chemin entre l'imposture sans conséquences et le besoin même très indirect, mimimaliste, de me montrer malgré tout solidaire...C'est pourquoi même revenu du petit tour riquiqui circum les alentours les plus déserts de votre quartier vousvous êtes suffisamment content de vous pour refermer tout doucement votre porte en vous promettant que la prochaine fois serait la bonne, que vous iriez faire alors un tour, mais un immense tour, pour de vrai !...Oui nous connaissons très bien toutes vos appréhensions, tortillements et prérogatives ou prétentions...et en fin de compte vous vous retrouverez une fois de plus dans un bureau! Dans votre bureau !...C'était vous déjà à l'époque ces grandes ombres qui bougeaient un peu dans le fond dès  que j' arrivais dans les hauts là-bas et que j'allais pour ouvrir ma porte tranquillement pour pénétrer dans un lieu oui c'est vrai encore plus sombre ! Ce soupirail...Et bien c'est pour ça qu'on ne vous trouvait jamais !...Vous ne me trouviez pas parce que vous ne me reconnaissiez pas...C'est possible oui, nous ne savions pas qui vous étiez, ce que vous étiez et à quoi vous pouviez bien ressembler, aucune photo, rien !...Pourquoi me regardez-vous ainsi tout à coup ?...Nous nous efforçons de vous fixer dans notre mémoire pour être sûr qu'il s'agit bien de vous...Pour une fois, oui je crois, il me semble que c'est bien moi...Quand même, avec tout ce sable là autour de vous, êtes-vous certain que... Regardez-moi aussi longtemps que vous voulez, cela aura peut-être à la longue valeur de photographie...Tout de même je crains de lâcher mes valises bien qu'elles soient parfaitement à plat toutes les deux à mes côtés, c'est curieux...Vous semblez messieurs m'avoir cru en difficulté d'où votre présence ici devant moi, au début simplement guigneuse et à présent...Nous ne savons toujours pas qui vous êtes !...Vous connaissez-vous vous-mêmes ? Non? Alors !...Ce n'est pas entièrement faux mais tout de même nous avons un peu l'impression d'être menés en bateau, d'être ballottés dans une sorte de rêve et un rêve qui serait tout simplement...le vôtre !...Oh là, messieurs, d'abord il s'agirait d'un cauchemar et si j'avais cette possibilité d'introduire qui bon me semble dans ces activités nocturnes paradoxales situées nulle part, je serais cauchemardier, qualité qui figurerait sur mes papiers d'identité...Et bien justement, où sont vos papiers ? Nous ne les voyons pas ! Elles ne sont pas dans vos valises ça c'est sûr mais ailleurs non plus !...Non je ne les ai pas car lorsque je pars ainsi en vacances pour mon tour du pâté de maison, je ne les prends jamais !...C'est pourtant un équivalent tour du monde !...Certainement et du reste lorsqu'il m'arrive de les prendre dans ces micro-tentatives de voyages je ne les rapporte jamais !...C'est la preuve que vous allez beaucoup plus loin que vous ne pensez...Je dois plutôt les perdre tout près d'ici, à deux pas de chez moi...J'imagine qu'on vous les rapporterait de temps en temps non ?...On ne sait pas où j'habite et surtout on ignore en me voyant, avec cet air faussement décidé, si je pars en voyage ou si j'en reviens ! Du reste j'ignore sûrement ce qu'est un véritable voyage car je n'ai jamais vraiment quitté mon domicile d'origine depuis des lustres et des lustres !...Et bien en ce cas, voilà qui vous ouvre la possibilité de solliciter l'attribution du ruban de gloire par excellence, dans cette société du déménagement et du covoiturage permanents, nous voulons dire la fameuse...Vous croyez ? Oh mais que vois-je ? Ne semblez-vous pas, messieurs, vous éloigner insensiblement ? On ne s'en rend pas compte au début mais vous bougez, oui vous vous déplacez sans arrêt, non ?...Nous refluons un peu de temps à autre sans vraiment que nos pieds bougent c'est exact mais n' aviez-vous pas fait de même au moment où sans doute intimidé à l'idée d'avoir enfin peut-être retrouvé votre bureau vous avez appréhendé de vous engager dans ce curieux escalier en colimaçon, dans cette île de Paris en plein mois d'août ?...Vous étiez donc là aussi !...Non non pas du tout, nous avions juste retrouvé des petits carnets qui se sont révélés par la suite être peut-être écrits de votre main et où il était relaté une appréhension hors du commun à s'engager vers des hauteurs où menait oui c'est cela un tout petit escalier et où on semblait pouvoir être confronté à une sorte de retour du temps ou à un genre d'annulation d'un fabuleux retard pour cause d'errance, de recherche désespérée ou d'abandon...Attention, attention à ne pas me monter la tête avec ces deux là qui n'en valent pas la peine ou plus exactement qui sont comme les autres...ils se sont juste à un moment détachés du lot pour me suivre et encore ce n'est pas sûr...Car certes ils sont descendus à la même station de métro mais c'est un hasard, un de plus dans tout ce qui a trop tendance à m'apparaître comme articulé, arrangé, voulu en fonction de moi! Mais c'est vrai ce qu'ils ont dit à propos de cette sorte d'escalier que j'ai dû escalader en plein mois d'août me croyant en vacances alors que je cherchais en réalité à réintégrer mon bureau que du reste j'ai bien retrouvé sans le reconnaître car il y avait bien longtemps que je n'en avais plus trouvé trace nulle part, et sans me reconnaître non plus, tout le monde ayant changé entre temps, on m'indiqua tout de suite l'emplacement où je devais m'assoir, où je m'étais toujours assis ! Ils ne m'ont pas parlé de la lucarne, que j'avais pourtant reconnue (et son ciel de Paris en août) ces deux drôles qui ont fait allusion à des petits carnets mais tout le monde est susceptible de trouver un jour ou l'autre un petit carnet d'écritures et s'imaginer que c'est le mien, que j'avais l'air de l'avoir une fois dans l'autobus etc etc, qu'il m'appartient donc et que l'on pourra y trouver tout ce qu'on voudra...D'ailleurs ce sont bien simplement des usagers du bus, ils sont actuellement à l'attendre un peu plus loin au bord de cette petite route de sous-bois par où passent encore de temps à autre je l'ai lu, et pas seulement la nuit, des voitures de l'ancienne ligne "Vincennes forestière" qui avait tant de succès le dimanche dans les années cinquante et qui vous portait jusqu'à Saint-Mandé !...Ils ne me regardent pas...ils ont même comme un air de ne m'avoir jamais vu !...Et il y a bien un arrêt, je le vois à présent ! Il existe toujours ! De la même couleur ! Certes il s'est déjà un peu éloigné et les deux types aussi mais c'est le temps qui passe, du reste la clairière s'est même éclaircie !Oui, il y moins d'arbres ou ils ont comme un peu  reculé ! On dirait aussi une journée d'autrefois alors que c'est tout simplement un effet du soleil qui tourne, avance, là juste au-dessus!... N'importe, comment être vraiment sûr que c'est bien le même jour ? Le même que tout à l'heure...? En tout cas, un groupe un peu plus loin est toujours là, et sûrement un autre car on ne voit plus l'arrêt de bus...toutefois les deux gars semblent bien parmi eux...Comment m'être imaginé qu'ils en sont un moment partis pour venir me parler ?...Ce sont probablement des touristes attendant leur autocar...    Les excursions ne manquent pas par ici...La cathédrale engloutie déjà, tout près, et tant d'autres ! ...Ils ont tous un petit siège pliant à l'épaule, ils vont sûrement visiter la grotte du Lapidaire où il faut si on veut entendre les quelques mots dont il se servait parfois, se tenir au plus près du sol de ce qui fut l'antre d'un bien curieux  personnage... En attendant, moi j'ai toujours mes valises ! Je n'ai pas l'impression qu'on m'ait vu...Que quiconque m'ait aperçu !...Ne m'ait jamais vu nulle part ! ...Le première excursion consiste en une lente montée individuelle le long d'une échelle jusqu'à un hublot d'où filtre une sorte de lueur d'aquarium...Le plus difficile est de se décider à redescendre sans avoir vraiment vu quelque chose...Il y a une une cordelette que le suivant d'en bas tire par petits coups pour signifier que ça va être à lui de monter pour voir à son tour la cathédrale ! Toutes les moues à la redescente étant dubitatives ou de consternation, je n'ai pas souhaité y grimper moi-même, voir ce que cela pouvait donner en réalité, en dehors du fantasme simplement suscité par le programme offert et ses nombreuses annexes ! J'avais en outre le souvenir d'un hublot un peu du même genre, dans un local où les méandres d'une carrière administrative tarabiscotée m'avait affecté pour un temps, situé tout en haut du mur et qu'on aurait dit destiné à donner l'envie lancinante au malheureux occupant des lieux, là aussi de monter y faire un tour pour voir, en plaçant assez facilement l'un sur l'autre une table de décharge et son propre bureau !...Et je les tiens toujours !...Une poignée dans chaque main...Couchées de chaque côté elles sont comme indéterminées, ne pesant rien, elles ne sont ni vides ni pleines! Il y a du boson de Higgs dans ces valises ! ...Je suis bien ici...En tout cas je ne suis pas si mal eu égard à une sorte d'abstraction du voisinage et de l'environnement...Combien de temps cela va-t-il durer ?...Il est des rêves éternels paraît-il...Si les deux types m'avaient seulement demandé comment il se faisait qu'après une aussi longue absence on ait pu me conduire tranquillement à ma place et surtout que j'en ai reconnu l'agencement et même le contenu des tiroirs qui s'était maintenu tel quel pendant dix ans, j'aurais sans doute pu croire qu'ils avaient effectivement assisté à ma résurgence d'entre les limbes d'un indescriptible au-delà et à cette retombée bien tardive, et d'ailleurs inutile de ma petite personne dans son dernier lieu d'affectation !... Mais non, ils n'étaient pas là et le fait, étant venus me voir, peut-être par erreur ou simplement par hasard, qu'ils n'aient pas eu à l'épaule de petit pliant montre qu'ils ne faisaient pas non plus partie du groupe censé visiter les hauts lieux des environs et qu'ils allaient eux réellement prendre cette ligne d'autobus qui existe donc toujours et dont l'arrêt fut un moment visible d'ici précisément de l'endroit où je me tiens plus ou moins couché sur le dos je crois, avec mes valises...Mais oui c'est un arrêt ambulant ! Il ne peut dans un tel endroit y avoir d'arrêt fixe...On apprenait cela à l'école, c'était une caractéristique, déjà à l'époque, du Bois de Vincennes !... Certes, je ne m'y trouve peut-être pas mais quelle différence ?...Ce souvenir s'étant ancré en moi je peux y recourir à volonté pour arranger le décor d'un endroit plus ou moins à ma convenance...Du moment que ces deux types eux n'y figurent plus !...Et je suis toujours ici à l'orée d'une sorte de...Je n'ai rien à faire ici, il va falloir que je m'en aille...Il n'y a plus personne...un groupe s'était formé un peu plus loin, des touristes sûrement dont deux types qui n'avaient pas l'air d'être avec eux...et oui tout cela est loin déjà...le jour tombe dirait-on ou alors le ciel s'est couvert...J'essaie bien de me lever mais cette lenteur, cette lourdeur dans les membres...Ils vont peut-être revenir...ou leur autobus passera là un peu plus loin à travers les feuilles...leur autobus, leur autocar, enfin tout quoi puisque je suis quand même plus ou moins aux premières loges au cas, bien improbable, où il se passerait enfin quelque chose par ici !...Pas une seule voiture ! Il faut dire qu'on ne voit aucune chaussée, aucune route mais il doit y en avoir une un peu plus loin à l'endroit où cette sorte d'arrêt d'autobus dépassait là-bas, pour un temps, un moment...Et dire que c'est à force d'avoir imaginé cet endroit que j'ai dû finir par le trouver !...J'avais même cru un moment l'avoir parfaitement localisé sur la carte, une de ces grandes cartes là vous savez devant lesquelles il suffit de se pencher un peu pour apercevoir son Eldorado, son Anti-atlas, son petit chez soi ailleurs que chez soi, ses petites nuitées indolores et tièdes sous les étoiles, sa clairière ! Et en même temps ses ténèbres, ses propres ténèbres tout autour, comme chez soi exactement mais forestier cette fois, entièrement !...Et j'avais vu le petit drapeau qui indiquait "Curiosités souterraines" à moins d'un centimètre de l'endroit ! J'y étais ! Mais cela existait-il vraiment quelque part ? Et oui, puisque j'y suis désormais ! Désormais ou plus exactement pour l'instant, actuellement, provisoirement ! En un jour seulement je ne vais pas prendre racine ! Et en plus avec ces valises c'est peu probable ! L'une d'elle semble tirer, peser un peu, celle de droite me semble-t-il...Etant sûrement toujours couchées, c'est forcément moi qui les pousse en réalité...j'ai envie de partir ! Vraiment ? Non...il ne fait pas encore nuit !...Que suis-je vraiment venu faire ici ? ...J'aurais pu apporter un livre bien sûr mais dans cette position qui est mienne depuis mon arrivée dans ce curieux endroit et du fait de mon obstination à ne jamais rectifier une posture aussi incongrue ou défavorable  puisse-t-elle paraître, j'aurais eu bien du mal à en lire une seule ligne ! ...Fera-t-il nuit un jour ? Ici, on dirait que le temps ne passe pas, c'est toujours la même lumière...Je n'aimerais pas que cela dure trop longtemps, ce n'est ni le jour ni la nuit...Certes, cette ambigüité m'est familière, elle finit par régner assez vite à peu près partout où je m'attarde quelque temps mais ici elle m'indispose plutôt car je n'arrive pas à savoir si je suis, au sens propre, hors de moi ou en moi-même !...C'est exactement la lueur que j'obtiens chez moi lorsqu'ayant fermé les rideaux à cause du soleil je suis obligé d'allumer la lampe sur ma table...Je pourrais très bien rentrer en autobus quand même et puis il y a peut-être le train, une gare quelque part que je n'ai pas vue...C'est sans doute également  ici que je venais quelquefois le dimanche avec mes parents et le grand-père en visite jouer au badminton, ou pas très loin...J'étais fils unique et donc de mère à part entière et plus que ça...Je suis sûr que si elle pouvait revenir et me voir ici en ce moment dans cette posture sinon franchement indigne du moins tout à fait grotesque et consternante, elle trouverait le moyen d'être quand même fière de moi ! ...Tu as bien le temps de voyager...Plus tard, tu verras tu pourras tout faire, tout ce qui te plaît, aller partout où tu voudras, tu seras grand...Tu prendras les grandes valises, tu sais celles qui sont dans l'entrée, en haut dans le placard !Tu auras ta voiture à toi...tu mettras tout dedans...C'est l'idéal pour les grandes vacances...Quand tu étais petit on était allé à Pont-D'ain avec, tu t'en souviens ? ...Nous étions arrivés le soir très tard sous l'orage dans la 2cv ! Quand même non ? Si ?...Ces intermittences des souvenirs me tuent...On est obligé dans ces petits films qui ressortent en nous de temps à autre, de prolonger les dialogues, de les repasser, de les compléter, de les changer !...Sinon cela ne tient pas...On ne tient pas avec ces mots d'autrefois qui se disent tout à coup à l'intérieur, on flanche souvent faute de pouvoir les réentendre en soi pour de bon...Il faut les adapter pour en atténuer un peu la charge...Il faudrait s'en débarrasser ! Mais comment ?...Ici autour c'est à peu près la même lumière que là-bas, là-haut dans ces bureaux alpestres où je m'étais retrouvé pour avoir coché sur ma fiche de vœux de mutation une fois : tout poste, tout lieu. On m'avait installé sur les hauteurs, dans une sorte de petit chalet-refuge avec seulement une table et au mur, au lieu d'une horloge, un énorme baromètre ! J'avais obtenu malgré moi et finalement, une sorte d'installation idéale, de convenance absolue ! La durée de mon affectation n'était pas très claire et devant l'absence de tout papier et de toute instruction concernant cela et la nature de mes occupations, j'en déduisis qu'elle devait être illimitée et ma fonction indéterminée...J'ai passé l'été à observer les manches à air implantées ça et là dans le décor de ce cirque de haute montagnes qui m'environnaient et à noter, ne trouvant rien d'autre à faire, leurs positions respectives selon qu'elles étaient soit tendues à l'horizontal soit au contraire pendantes à la verticale...Comme elles étaient toutes les dix dans mon champ de vision, je pus m'acquitter de cette tâche qui avait me semblait-il existé jadis et dont j'avais entendu parler autrefois pour avoir été même sans doute la seule raison de l'installation de ce bureau-cabane des plus rudimentaires par un très ancien collègue qui avait inauguré cette fonction restée dans les annales sous le curieux vocable d'Observateur des dix manches...Lorsque je redescendis, on ne fit aucun cas de mes efforts pour tenter de sauver tout de même une sorte de comptabilité, on se contenta de me demander si j'avais trouvé le souterrain...Quoi, là-haut ?...Je n'ai rien vu, rien trouvé de spécial...Vous n'avez surtout pas cherché à revenir de ces hauteurs par quelque moyen que ce soit...J'ai fini c'est vrai par redescendre à pied pensant qu'on m'avait oublié et surtout ne retrouvant pas la petite crémaillère qui m'avait conduit là-haut ou dans les parages... Elle a été supprimée il y deux ans, vous devez confondre...Non, vous êtes monté, souvenez-vous, avec le délégué aux éloignements vers la fin du printemps...Nous sommes en automne, cela me paraît bien long...Et puis tenez, venez voir par là à côté...Regardez bien par cette petite fenêtre étroite...Mais c'est la fenêtre des...De l'ancienne bandothèque oui, mais quelle vue d'ici ! Et même quelle visée ! Voyez vous-même...Mais oui, tout en haut du couloir à travers les sapins on aperçoit une cabane...Celle d'où vous venez...Comment cela ? Ce n'était pas plus loin ?...Vous voyez, vous étiez malgré la hauteur peut-être plus près de nous que vous le pensiez ! Tenez le matin, lorsque vous partiez en excursion, nous étions ici en bas les premiers à le savoir...Il suffisait de rester posté là dans  l'encoignure à l'heure approximative de vos virées ou vadrouilles...Les brumes du matin en cette saison sont vite dissipées...Oui bien sûr, seulement je ne partais pas toujours vraiment...Cela aussi nous le savons...On vous voyait tournicoter autour du refuge...Je ne voulais jamais y aller tout à fait...et surtout je ne savais plus si je voulais monter davantage ou redescendre pour de bon...Vous étiez libre, vous le saviez, entièrement...Ce n'était pas un cabanon !... Quand il pleuvait, que faisiez-vous tout seul là-haut?... Et bien par temps de pluie, je me sentais moins seul que sous le plein soleil...On ne voyait plus rien par la fenêtre et cela me rassurait quelque peu...Du brouillard en haut et en bas...Tout seul enfin, vraiment seul ! Et puis j'ai trouvé dans un coin  une curieuse petite valise-cinéma !...Le rabat s'en détache faisant écran que l'on pose un peu plus loin...Il y avait bien un film sur une bobine mais je n'ai jamais réussi à le projeter n'étant jamais parvenu à allumer la lampe...Pourtant il marchait, tournait très bien...J'écoutais souvent son bruit délicieux...Oui j'ai entendu parler de cela, il avait dû appartenir à un ancien collègue qui avait lui aussi été muté là-haut et qui un beau jour a disparu. Il devait repasser prendre son truc. Il en aura peut-être fabriqué un autre, il l'avait fait lui-même...Il voulait devenir je crois "Petit cinéma de poche ambulant" ou quelque chose comme ça...la nuit sur des places obscures et dans des lointaines banlieues...Je pourrais peut-être le faire à sa place car je trouve que c'est une excellente idée...Attention ces endroits sont parfois dangereux...Pas plus que cette fonction soi-disant notabilisante et où je m'étiole chaque jour un peu plus...Et puis ces hauteurs glacées ne me conviennent pas... Pourtant vous en aviez vous-même fait la demande...Je tenais à prendre mes distances avec les tâches ordinaires, banales...Résultat, je n'avais plus rien à faire...On m'a oublié...Vous avez bien fait de redescendre car une semaine de plus et vous ne trouviez plus personne ici...Comment cela ?...Regardez, nous faisons nos bagages...nous déménageons ! Bientôt tous ces bureaux seront évacués, vidés...Et où allons-nous ?...A Balnum-le-Récif...Au bord de la mer ?...Parfaitement ! Mais pas vous ! Vous, vous restez...Vous allez inaugurer les autorévisions de carrières !...Quoi donc ? ...Vous aviez bien solliciter une révision de votre carrière non ?...Oui par la voie régulière de la réunion de la Grande Commission adéquate...Non, vous la ferez vous-même !...Comment ça moi-même ?...Tenez, lisez ceci...Pour des raisons de délocalisations massives de toutes les directions régionales et de leurs dépendances d'altitude, les agents demandeurs d'une révision partielle ou entière de leur carrière à toutes fins utiles ou juste pour convenance strictement personnelle, sont priés de procéder eux-mêmes et dans les plus brefs délais au rétablissement en leur faveur par voie de simple bordereau à ampliation, dix-huit exemplaires ci-joints, de toute spoliation d'un droit, avantage ou bénéfice ayant pu être commise une seul fois au cours de l'exercice de leurs fonctions à leur encontre. Leur attention est par ailleurs attirée sur le fait que le montant total des rembours par eux éventuellement décrétés à leur profit exclusif se fera sans contrôle ni révision de notre part, mais qu'elle ne pourra en aucun cas dépasser le dixième du montant de la prime de fusion prévue en début de carrière par le Code des traitements et salaires, qu'ils l'aient effectivement perçue ou non...Je ne vous ai pas dit, là-haut, je voyais monter les nuages de la vallée...Oui, oui, continuez...Mais débours ou rembours, il leur appartiendra d'en noter l'exacte somme en centimes à même le dos des ampliations...Le soir, je les voyais mauves aux derniers rayons, quand le soleil sans doute encore visible quelque part, finissait... Terminons-en avec cette circulaire voulez-vous...Oui, alors donc, toute ampliation sera examinée dans les meilleurs délais possibles mais si vous êtes en mesure de justifier d'une urgence particulière une délégation spéciale peut passer vous voir si toutefois vous ne vous trouvez pas à ce moment-là dans un de ces postes d'altitude en passe d'être désaffectés...J'ai donc rudement bien fait de redescendre de là-haut...Vous auriez pu y rester, personne ne s'en serait aperçu...J'ai fini par être le seul ici à savoir qu'il y avait quelqu'un là-haut... Quelquefois un alpiniste entrait et me demandait si c'était encore loin en posant son sac à dos devant ma table et en s'asseyant à même le sol un moment...Et à ce n'était pas la montagne qui les intéressait mais une autre baraque ! L'autre baraque ! Ou plus exactement la suivante ! Du reste ils n'avaient pas de piolet ni de corde en bandoulière ni sur leur sac...L'un d'eux avait même une sorte de gros dossier à rabat et à élastique à la main...C'était peut-être des cartes qu'il avait là...Se peut-il qu'il y ait autre chose ailleurs, plus loin ? Un autre bureau-cabane même très ancien lui aussi ?..Il y des ornithologues aussi, ne l'oubliez pas ! Ils n'ont ni cordes ni piolets, pourtant regardant en l'air on croit qu'ils regardent les montagnes...S'il n'y a pas d'oiseaux, ils ne les regardent pas plus bien que continuant à lever la tête vers les sommets alors que les alpinistes les regardent toujours eux les sommets, qu'il y ait des oiseaux ou non...Vous voyez, il y a toutes sortes de gens...Ce qui me trouble c'est que c'était un ancien camarade de classe et qu'il n'avait pas l'air de me reconnaître lui...Me trompai-je ? Etait-ce un sosie ? Mais non, c'était lui, il m'avait appris à faire des bombes à eau en papier que nous nous lancions à la figure tellement il faisait chaud !...Et puis c'était peut-être des plans dans sa boîte car il y a un peu plus loin dans la vallée une école d'architecture dont les élèves montent les ravines jusqu'en haut là-haut, là où vous étiez, pour des repérages d'emplacements de sites à bureaux pas trop exposés ni aux intempéries ni aux regards et permettant ainsi une pratique administrative optimale avec des souterrains qui les relient de corniches en corniches !...Non, je n'ai rien vu de cela...une sorte de grisaille crépusculaire le plus souvent avec de très rares journées de beau temps qui vous font croire que vous êtes revenu en arrière, que vous pouvez descendre comme d'un train, que c'est autrefois pour de bon !...Il y a aussi des métreurs pour des repérages d'excavations, j'en ai moi-même fait partie il y a très longtemps et effectivement, je me souviens de m'être arrêté plusieurs fois dans cette petite cahute initialement prévue pour des campagnes d'observation de manches à air devant être installées un jour et qui n'y étaient pas à l'époque mais que vous avez vues, vous m'en avez parlé...Oui, n'ayant rien d'autre à faire j'ai décidé de noter leurs mouvements et leurs positions dans les moindres détails...Elles n'étaient jamais ni toutes verticales ni toutes horizontales en même temps...J'avais noté cela pour commencer vous savez sur ces petites souches où leurs principales positions étaient répertoriées, je n'ai eu qu'à cocher, j'en ai rempli une bonne centaine de ces fiches...Malheureusement pour rien car les services qui avaient été prévus pour les exploiter ou bien n'ont jamais vu le jour ou bien ont été oubliés ! Toutes ces manches là-haut que vous avez vues ou cru voir ont été installées en pure perte et il y a déjà si longtemps qu'elles commencent à rouiller et ne vont pas tarder à se bloquer dans une position quelconque entre le tendu et le pendant, comme à tout jamais et ce quel que puisse être le vent, sa direction ou sa force ! Elles n'auront servi à rien, absolument à rien ...C'est un prodige de l'administration et dans ces conditions, je suis moi-même fier, allez savoir pourquoi, d'y avoir consacré du temps pour rien, absolument pour rien...oui il y avait comme des grincements de temps en temps mais même pour moi qui viens juste de redescendre, c'est déjà loin, terriblement loin...elles rouillaient donc déjà ! ...Ah, j'ai réuni toutes les ampliations dont vous aurez besoin pour votre révision de carrière ici, dans ce petit tiroir...Vous êtes revenu ici depuis déjà plusieurs semaines...mais ici c'est vrai, le temps passe plus vite que là-haut, il faudra vous réaclimater une bonne fois pour toutes...C'est le temps de là-haut justement qui me manque...celui qui passe et celui qu'il fait...Là-haut ce sont probablement les mêmes...Certainement et du reste je n'avais pas d'horloge, un baromètre suffisait...On l'avait placé là pour vous, seulement pour vous...Je sais, en ma présence au tout début, à la place d'une pendule que l'on ôta et fit disparaître pour mon bien...Vous étiez chez vous comme pour toujours, qu'est-ce qui vous a pris de redescendre ?...Là-haut je disposais d'un tiroir à peu près semblable à celui-ci, vous voyez bien que cet endroit était donc certainement destiné à une affectation administrative ou tout au moins qu'on me conservait suffisamment d'estime pour m'orienter encore et toujours vers quelque tâche de bureau, même inaccessible, impossible là-haut, comme du classement ou du pointage...non? ...Ce tiroir parlons-en, savez-vous ce qu'on avait trouvé avant que vous soyez permuté pour là-haut, dans ce tiroir-même que vous évoquez si complaisamment et non sans redondance ? Non quoi donc au juste ? ...Des boules de papier froissé !...Et alors ?...Comment alors ? C'étaient des feuilles recouvertes d'écriture, d'écriture manuscrite ! ...D'abord comment savez-vous cela et où sont-elles ces feuilles ou ces boules ?...Avant de vous envoyer là-haut on a tenu à faire faire le ménage à fond vu que personne n'y avait mis les pieds depuis des temps immémoriaux et juger par la même occasion du caractère encore convenable ou au moins salubre de l'installation qui désormais vous était destinée... Ou plutôt à laquelle j'étais affecté par l'effet d'on ne sait quels manigance, déshonneur ou infamie !... Si vous voulez. Enfin bref  c'est à cette occasion que furent découverts ces curieux écrits. Ils sont là dans ce grand carton, boule à boule, tout cela se frotte ou s'entrecrochète dès qu'on secoue un peu seulement voilà on ne secoue jamais!...Et les a-t-on lus ?...Non, pas un seul n'a été défroissé !...C'est la seule chose que j'aurais pu faire là haut et tenté de les lire, si leur lecture était recevable bien entendu...Au lieu de cela on me les ôte avant même que j'atteigne cette hauteur, qu'on m'y pérégrine pour je ne sais plus très bien maintenant quelles raisons ou supputations...Vous ne teniez plus en place, on vous en a changé, à votre demande du reste et augmentée d'une mesure de tutelle relative et provisoire pour tout effet, action ou avantage devant vous concerner en quoi que ce soit, ici ou ailleurs...Ma solitude là-haut oui c'est exact était extrême...Pas le moindre souffle d'amitié ou un semblant d'intérêt par l'entremise d'un clignement de paupière qui prétend vouloir juste signifier qu'il y a décidément beaucoup de poussière dans ce rebut alors qu'il est peut-être une manifestation de sympathie ou de prise de conscience que quelqu'un se trouve dans ce bureau de combles et que c'est vous...On a souvent essayé de vous appeler...vous ne répondiez pas, jamais !...Oh il n'y avait pas le téléphone !...Dites que vous n'avez pas su le trouver car il y en avait un...Il y en a un dans chacune des petites remises semblables à celle où vous étiez, plus loin au fond, le long du glacier dans une enfilade que vous ne pouviez voir mais que ces allées et venues intempestives au cœur même de la vôtre sous des prétextes grotesques ou fallacieux, ces simples traversées de votre local, sans cordes ni piolets, vous le disiez vous-même, auraient dû alerter...Je croyais que c'était des ornithologues ou qu'ils étaient montés là-haut pour le devenir...Vous n'étiez vous-même pas vraiment là-haut...Si si, je regardais par la fenêtre assez souvent, regrettant simplement qu'il n'y ait pas de balcon...J'aurais pu au moins voir le soleil le soir tomber au bout de la vallée ou le matin monter par dessus le glacier, mais non à deux pas du phénomène, je devais l'imaginer, je n'en voyais de temps à autre que des rayons...Et puis aussi du fond de ma chaise longue j'aurais pu qui sait voir monter un ou deux collègues venant pour me visiter, prendre des nouvelles de l'éloigné, voir s'il bougeait encore ou s'il faisait seulement semblant de remuer, de prendre des poses qu'il croyaitt avantageuses avant d'aller se coucher, se cacher...mais balcon ou non, personne n'est venu que je sache...Mais vous n'étiez là-haut ni en prison ni à l'hôpital, et nul par ici n'était tenu de monter vous rendre visite ! D'une part, très peu ici sont habitués à de telles marches vers les sommets, et puis il y avait un doute quant à la situation exacte du local où vous étiez censé vous trouver...certains disaient que c'était le premier refuge, celui que l'on voit parfois d'ici ou d'un peu plus loin d'autres que c'était dans un de ceux qui suivaient, le long ou même peut-être au-delà du glacier, le tout dernier, au pied du Grand Chamossaire!...Non je ne me souviens pas de cela...IIs ont peut-être, à la seule fin de m'éviter, pris un raidillon quelque part  pour là où ma vue ne portait pas !... Mais savez-vous par contre qu'au début, au bout de quelque temps, j'ai découvert qu'il y avait des rideaux ! Et alors là, en me contentant de les tirer sur les rayons d'un soleil que je jugeais intempestif voire déplacé, ne pouvant me déplacer moi-même, j'ai aussitôt créé une luminosité inattendue, exactement celle qui régnait chez moi lorsque, dans les mêmes circonstances, j'agissais de la sorte en allumant toutefois en plus la lampe de ma table-bureau ! Ce que je ne manquai pas de faire là-haut également disposant d'une lampe en parfait état de marche que j'avais fini par découvrir dans la noirceur inquiétante du premier soir et des autres aussi il faut bien le dire puisque finalement je ne savais pas exactement où chercher...C'est toutefois à cette occasion que je suis tombé sur ma viande séchée...et quelle provision !...C'est exact le local où vous demeuriez était sans doute moins exigu que prévu et mieux équipé... Absolument, et mieux garni aussi, dont des sortes d'imprimés mais très anciens me semblait-il...Ah oui, autrefois les montagnards pouvaient en obtenir plus facilement de la sorte...Ils étaient sur place les uns comme les autres...J'aurais bien aimé être là-haut à cette époque-là moi aussi...J'ai bien connu moi...Il y avait ceux d'en haut et ceux d'en bas. J'étais tantôt des uns, tantôt des autres...Vous pouviez faire la différence...Je m'arrêtais souvent au milieu...c'est plutôt de là que j'aurais été si on m'avait laissé un peu... comment dire...mais il n'y avait rien, rien du tout à ce niveau-là, à cet endroit-là...Il n'y avait rien non plus ailleurs m'enfin...C'est possible et pourtant selon les cas je remontais ou redescendais toujours...on ne s'habitue pas à l'entre-deux...mais vous là-haut, vous avez eu beau temps ou bien ?...Oh ne m'en parlez pas, j'avais des sortes de langueurs, je n'admettais pas qu'on puisse oublier quelqu'un de la sorte...il n' y avait jamais personne...Quand quelqu'un arrive vous vous cachez ou vous partez en  catimini...C'est assez vrai mais là-haut étant donnée l'installation, je n'aurais pu faire ni l'un ni l'autre...Mais vous me parliez de visiteurs...Des gens passaient oui mais ne venaient pas pour moi, ils semblaient venir pour regarder par la fenêtre, au fond, tout au bout, de l'autre côté du glacier...Ils ne posaient jamais les yeux sur moi...Au moins comme ça vous étiez tranquille...C'est vrai, c'était bien le seul avantage de la situation...Et c'est seulement bien après leur départ que je prenais conscience qu'ils n'étaient plus là, qu'ils m'avaient quitté ou plutôt qu'ils avaient quitté mon local et ce d'autant plus facilement que non seulement je ne les regardais pas moi non plus mais que je leur tournais le dos...regardaient-ils les manches, les dix manches ?...Vous savez qu'ils avaient songé à vous proposer les bureaux embarqués, c'est à dire à vous y muter d'office...dès leur prochaine escale...j'ai une lettre là... Les bureaux embarqués ? Existent-ils vraiment ? J'ai toujours cru à des balivernes ou même que je les avais tout bonnement rêvés !... Non non, ils existent bel et bien...situés sous la ligne de flottaison d'un immense navire ! Celui qui fait en permanence le tour du monde et c'est un ferry car il a des passagers à bord, qu'il dépose et prend un peu partout autour du globe et qui restent dans l'ignorance totale durant tout leur voyage qu'une authentique activité administrative planétaire et continuelle se déroule sous leurs pieds à fond de cale !...Alors on ne les voit jamais ces...ces...collègues ?...Non, on ne les voit jamais...Ils disposent de petites cabines qui sont plutôt des boxes chacun ayant le sien fermé d'une demi-porte qui laisse voir un peu par en haut et un peu par en bas...Si l'on ne se hisse ou ne se baisse, on ne les voit pas...Vous voulez dire qu'ils ne se voient pas entre eux non plus ?...C'est cela...Que font-ils ?...Ils travaillent...Tout seuls ?...Oui, tout seuls, du moins pendant les heures de boxe car il y a un autre aperçu de leurs tâches qui les voient alors réunis tous ensemble à même la cale garnie d'un bout à l'autre de rangées de petites tables-pupitres par quoi, ayant pris place chacun à la sienne, ils forment une sorte d'immense salle de classe où ils se mettent à étudier le dossier qu'ils ont eu soin d'emporter ou bien lèvent le doigt croyant de la sorte pouvoir en obtenir un...Peine perdue  car on vient déjà si j'ose dire ramasser les copies...C'est un drôle d'endroit mais comment savez-vous tout cela si vous n'avez pas vous-même un jour fait partie de ces ouailles navigantes et comme scolarisées tels des sous-marins ?...Un récit en a été fait et publié, regardez, le voici.."Souvenirs d'un des damnés du S.e.r.p.i.c.o."...Serpico?...C'est à la fois le nom du service embarqué et celui de ce ferry-hôte où il est installé...Il y a même eu aussi un film à ce nom mais qui se révèle une supercherie puisqu'il n'y est question ni de bateaux ni de bureaux...L'idée au départ était pourtant d'adapter ce livre...Le bouquin de ce malheureux a été comme dévoyé par le scénariste qui n'a pu se résoudre à...Mais oui je comprends, c'était sûrement trop affreux pour être transcrit avec réalisme...Il lui a fallu rêver sur le rêve...Inventer tout autre chose...Et voyez un peu où on en est, où vous en êtes avec toutes ces histoires qui ne tiennent pas debout mais que vous ressassez à plaisir...Mais vous tombez bien, Plaisir est une commune des Yvelines, anciennement Seine-et-Oise, où j'ai débuté dans la carrière, et le même bureau si on veut, dans un préfabriqué attenant justement à une école...Une ancienne structure !...Le jeune inspecteur auprès duquel je faisais mon stage cultivait non seulement des tournesols dans la cour de récréation mais récoltait des noix qu'il cassait avec une grosse pierre à même son bureau pendant des heures...Nous étions loin de tout, une sorte de campagne, un havre de paix d'où il sortait de temps à autre pour inspecter d'abord ses fleurs puis, disséminés alentour dans la région,                                                                

 

       

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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