MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

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n°810
 

       La célèbre pythonisse note également que l'aide économique de l'URSS à l'Allemagne, prévue par les accords, "représente le paiement  des immenses territoires que Hitler a abandonnés à l'URSS en Pologne et ailleurs". D'ailleurs, ajoute l'auteur, cette aide économique sera forcément limitée en raison des possibilités de l'URSS dans ce domaine, et elle ne pourra pas, de longtemps, corriger les effets du blocus britannique.

      Malheureusement, nous ne connaîtrons jamais la suite de ce raisonnement qui se perd dans un "blanc" de 15 centimètres de long. Dans une colonne voisine, André Sauger n'a pas eu plus de chance. De son compte rendu de la réunion de la Commission des Affaires étrangères du Palais Bourbon ne subsistent que la moitié du titre et les premières lignes. 

 

François Fonvieille-Alquier - Les Français dans la drôle de guerre (1971)

 

n°809
 

       Ravi de ta lettre, cher, enchanté de mon travail, je comptais bien t'écrire hier, quand ma satanée migraine est venue me jeter bas. L'encéphale n'est pas encore très solide, mais enfin j'ai repris le train tout de même. Plus que huit pages !!! Le tiers de mon dernier chapitre, et j'aurai fini. Je n'ose y croire... Ce soulagement moral et physique sera du reste mon congé le plus certain.

       Tout se dispose si mal que je n'aurai guère qu'une semaine de vacances du 31 juillet au 7 août, et une quinzaine fin septembre. Adieu Cuverville !! Car je crois bien que c'est dès la fin de ce mois que tu te rends à Bagnols... Donc rien à faire en août. Quant à septembre, n'en parlons pas. Tu auras hâte de rentrer à Paris, et le climat normand à ce moment... Raison de plus, donc, pour que j'aille te voir le 14.

 

André Ruyters - (Lettre à André Gide du 5 juillet 1910) -Correspondance A.G.-A.R. (1990)

 

n°808
 

       Les "images" dont l'eau est le prétexte ou la matière n'ont pas la constance et la solidité des images fournies par la terre, par les cristaux, les métaux et les gemmes. Elles n'ont pas la vie vigoureuse des images du feu. Les eaux ne construisent pas de "vrais mensonges". Il faut une âme bien troublée pour se tromper vraiment aux mirages de la rivière. Ces doux fantômes de l'eau sont liés d'habitude aux illusions factices d'une imagination amusée, d'une imagination qui veut s'amuser.

       Les phénomènes de l'eau éclairée par un soleil de printemps apportent ainsi des métaphores communes , aisées, abondantes, qui animent une poésie subalterne. Les poètes secondaires en abusent. Nous pourrons accumuler sans peine des vers où de jeunes ondines jouent, sans fin, avec de vieilles images. De telles images ne réveillent pas en nous une émotion profonde comme le font certaines images, pourtant aussi communes, du feu et de la terre. Comme elles sont fugitives, elles ne donnent qu'une impression fuyante.  

 

Gaston Bachelard - L'Eau et les rêves (1942) - (essai sur l'imagination de la matière)

 

n°807
 

       Quand les nazis, voici trente-cinq ans, occupèrent la France, aucun d'entre eux n'imaginait qu'il se trouverait dans ce pays tant de gens pour hurler : "Mort au Juif !" avec les loups. Depuis longtemps, bien avant l'affaire Dreyfus, la table était mise. En vérité ce fut comme un miracle : les nazis permettaient soudain à une large fraction de la droite de donner force de loi à ses fantasmes.

       Nulle part ailleurs en Europe, les professionnels de la "solution finale" ne rencontrèrent un zèle comparable. L'Administration française devançait les mesures antisémites dictées par Berlin, alors même que des livres et des journaux en réclamaient de plus sévères encore. En un temps où le mépris redevient principe de gouvernement, il nous a paru utile de publier quelques fragments de cette littérature d'Apocalypse.

 

Philippe Ganier Raymond - Une certaine France (1975)

 

n°806
 

       L'écriture automatique et les récits de rêves présentent l'avantage de fournir des éléments d'appréciation de grand style à une critique désemparée, de permettre un reclassement général des valeurs lyriques et de proposer une clé capable d'ouvrir indéfiniment cette boîte à multiple fond  qui sappelle l'homme.

       Durant des années, j'ai compté sur le débit torrentiel de l'écriture automatique pour le nettoyage définitif de l'écurie littéraire. A cet égard, la volonté d'ouvrir toutes grandes les écluses restera sans nul doute l'idée génératrice du surréalisme.

 

André Breton - Dictionnaire abrégé du surréalisme (1938)

 

n°805
 

       Il est bon de savoir que l'amélioration de la nuit n'est en général qu'une rémission, et que si on la constate le long de la côte, on rique fort de la voir disparaître si on prend le large. L'apparition du mistral est liée à quatre conditions :

          - Etablissement d'une dorsale anticyclonique sur le NW de la France.

          - Dépression sur la Méditerranée occidentale. Le mistral soufflant dans la partie occidentale de cette dépression, c'est la position de celle-ci qui détermine son champ d'action.

          - Présence d'air chaud stagnant dans la zone de la dépression (air méditerranéen). S'il y a remontée d'air chaud d'origine africaine dans la partie orientale de la dépression, le temps est exécrable mais le mistral est limité.

          - Alimentation en air froid.

       Il n'est pas absolument nécessaire que ces quatre conditions soient remplies. La troisième en particulier, est facultative.

 

Jean Bessemoulin - Météo-Glénans (1976) -(cours de navigation)

 

n°804
 

       L'approche analytique des textes se démarque de l'attitude critique fréquemment répandue qui consiste à négliger la seule psyché présente et active dans la communication littéraire : celle du lecteur. Dans ses travaux de psychanalyse appliquée, Freud part de l'impression forte qu'une oeuvre produit sur lui, lecteur à l'simaginaire singulier, et il l'analyse en fonction de cet effet, de cette réaction immédiate : la compréhension est à déduire de l'affect. C'est une véritable déontologie de la psycholecture que nous offre l'exemple freudien.

       Supposons que le lecteur commence par éprouver face au livre de l'ambivalence : attirance mêlée d'irritation, plaisir uni au malaise. Il vit alors une sensation troublante de clivage, oscille entre centre et absence, vacille à la limite de la plénitude et du vide. Il lui suffira d'accepter cette fascination, de se laisser aller au vertige pour que des mots, des fragments entiers s'accrochent à lui et le retiennent. Ce texte le captive, le capture, parce que, d'une certaine manière, il doit lui dire quelque chose de lui, de son histoire, de ses désirs, de ses conflits. 

 

Pierre-Jean Founeau - Pour une psycholecture - (article dans la NRF d'oct 1980)

 

n°803
 

       L'écologie est à la mode et ce n'est pas un mal. De plus en plus, nous ressentons le besoin d'un retour à la nature, de protéger ce qu'il reste de sa beauté et ce qu'elle peut encore nous apporter. Hélas, les contraintes sociales autant que professionnelles, notre rythme de vie de plus en plus rapide, ne favorisent guère ce retour aux sources.

       Entre autres abus, nous puisons pour le plus petit malaise, la plus petite douleur, dans l'arsenal chimiothérapique  complaisamment mis à notre disposition. Et cet abus peut aller loin puisque, à cause du phénomène d'accoutumance, certaines personnes en sont réduites à prendre souvent, et de plus en plus, des médicaments, à en changer tout aussi souvent, à en être esclaves, pour "tenir le coup".

 

Georges Millanvoye - Remèdes de Grand-Mère (1981) - (guide Marabout)

 

n°802
 

       Un jour, d'Alençon dit à Rais en la regardant voltiger sur un cheval au galop : 

          - Je ne peux m'étonner qu'elle soit pucelle. A moins d'aimer les garçons, aucun homme n'aurait fantaisie de l'approcher.

     Ce propos parut blesser Rais qui répliqua avec vivacité : 

         -Et moi, pourtant, vous m'étonnez, mon cousin. Quand on aime les garçons, on estime qu'il n'y a rien de tel qu'un garçon, un vrai, pour l'amour. Mais il y a en vérité autre chose chez Jeanne qui explique qu'elle soit pucelle.

        - Quelle autre chose ? 

       - Ne voyez-vous pas la pureté qui rayonne de son visage ? De tout son corps ? Il y a une innocence évidente de toute sa chair qui décourage absolument les paroles grivoises et les gestes de privauté. Oui, une innocence enfantine, avec de surcroît, je ne sais comment dire : une lumière qui n'est pas de cette terre.

 

Michel Tournier - Gilles et Jeanne (1983) - (récit)

 

n°801
 

       Louis Bromfield, affirme que pour manger des légumes sains et nutritifs, il n'existe qu'un seul moyen, les produire soi-même. Certes, cette affirmation n'est pas entièrement partagée par les diététiciens, car, l'ignorance aidant, il n'est pas rare de rencontrer dans les jardins des légumes chétifs, pauvres en éléments nutritifs. C'est le cas lorsque, par manque des connaissances nécessaires, par avarice, ou tout simplement par crainte des engrais chimiques, l'amateur cultive les légumes dans une terre peu fertile, ce qui oblige les plantes à prélever leur nourriture dans les dernières réserves du sol. Comme celles-ci s'épuisent vite, les légumes finissent par ne plus posséder qu'une valeur nutritive assez minime. Les carences qui se manifestent alors peuvent constituer un danger pour la santé des consommateurs.

 

(Femmes d'aujourd'hui) - Savoir jardiner (1967)

 

n°800
 

       "La flamme est un feu humide". Le lecteur des Pensées de Joubert se plaît, lui aussi, à imaginer. Il voit cette flamme humide, ce liquide ardent, couler vers le haut, vers le ciel, comme un ruisseau vertical. Nous devrons noter au passage une nuance qui appartient proprement à la philosophie de l'imagination littéraire. Une image-pensée-phrase comme celle de Joubert est une prouesse de l'expression. La parole y dépasse la pensée. Et la rêverie qui parle est elle-même dépassée par la rêverie qui écrit.

       Cette rêverie d'un "feu humide", on n'oserait pas la dire mais on l'écrit. La flamme a été une tentation d'écrivain. Joubert n'a pas résisté à la tentation. Il faut que les gens de raison pardonnent à ceux qui écoutent les démons de l'encrier. Si la formule de Joubert était une pensée, elle ne serait qu'un trop facile paradoxe, si elle était une image, elle serait éphémère et fuyante. Mais, prenant place dans le livre du grand moraliste, la formule nous ouvre le champ des rêveries sérieuses.

 

Gaston Bachelard - La flamme d'une chandelle (1961)

 

n°799
 

       Il nous montre la guerre dans son horreur antique, dans sa férocité éternelle : c'est un cauchemar qui ne sort pas de lui-même, un cauchemar prisonnier de ses terreurs et qu'aucune consolation ne vient visiter, ni le lyrisme, ni la pitié, ni les mythologies. L'homme est nu dans la mort, nu devant la nudité de la guerre. Mais en même temps, il la restitue dans son atrocité moderne : la guerre qui pourrit et qui déchiquette, qui réduit tout en bouillies ou en cendres, la rencontre de la barbarie de toujours et de la barbarie de demain.

       Pour la première fois, la guerre parle dans un livre avec sa voix du vingtième siècle. La vraie idée neuve, en Europe, depuis la révolution française, c'est elle, la guerre-suicide, la guerre cosmique, immense araignée lugubre qui tisse sa toile dans laquelle des millions d'hommes, des pays entiers viennent mourir comme des mouches.

 

Pol Vandromme - Céline (1963) - (biographie)

 

n°798
 

       Trois heures du matin, le 3 décembre 1947... L'express Paris-Lille-Tourcoing, qui a quitté la gare du Nord la veille, à 22h55, fonce à travers la plaine de Picardie, noyée sous le crachin, en direction d'Arras. Le pont de Sicheux était en vue, le signal affiche le vert : le mécanicien ne fait donc rien qui puisse ralentir le convoi dont la vitesse est à ce moment de cent à l'heure... Tiré par une puissante locomotive "Pacific" , il comprend sept voitures de voyageurs et dix wagons postaux.

      Au départ d'Amiens, peu de temps auparavant, on en a changé la disposition : les "voyageurs" qui étaient en queue ont été mis en tête et les "postaux" en queue. Ce changement va se révéler catastrophique. A quelques centaines de mètres du bourg  dAgny, un bruit sourd se répercute de compartiment en compartiment. Brusquement la machine quitte les rails et se couche d'une seule masse sur la voie opposée, suivie des voitures qui se broient, s'enchevêtrent les unes dans les autres au milieu d'un vacarme infernal.

 

Gilbert Guilleminault - La France de Vincent Auriol (1970)

 

n°797
 

       Les hérétiques dualistes du Moyen Age ne furent pas seulement appelés  "cathares" ou "manichéens". Ils reçurent souvent des noms différents, selon les régions. C'est ainsi qu'en Bosnie, en Dalmatie et en Italie du Nord, on les appelait Patarins ou Paterins, peut-être du mot patera qui signifie "coupe". En Allemagne on les connaissait sous le nom de cathares et le mot "ketzer" est resté, mais avec le sens général d' "hérétique".

       Dans le Nord de la France, on les a appelés Poplicains ou Publicains. Ce qui serait une forme latinisée  de "Pauliciens". De nombreux autres qualificatifs leur ont été appliqués, par exemple, Tisserands, parce que les hérétiques étaient très nombreux dans cette profession, ou Bougres, déformation de "bulgare", mot resté dans la langue et indiquant une filiation bogomile des Cathares, etc.

 

Fernand Niel - Albigeois et Cathares (QSJ n°689-1990)

 

n°796
 

       J'aborde cet espace dépeuplé, vert et brun, tout en hauteur, et par-dessus, la lune. Cette maison est rusée : de notre côté, à Gomez et à moi, il n'y a pas âme qui vive, aucune présence humaine, mais de l'autre elle est farcie comme un boudin, deux personnes par piaule, et de cela nous ne savons rien, les bruits ne parviennent pas jusqu'à nous... et les autres ont leurs propres sentiers à travers la forêt, invisibles pour nous.

       Aujourd'hui, discussion matinale avec Gomez sur les formes contemporaines de l'affirmation et sur notre attitude vis à vis d'elle (c'est la négation de la négation, disait-il), puis une deuxième à midi, sur les limites de l'hermétisme, et une autre, le soir, sur "pi" comme symbole susceptible de représenter toutes sortes de "non-rencontres" dont celle qui est le secret ultime de l'art. Il aime ça. Il se qualifie lui-même de moulin à paroles. 

 

Witold Gombrowicz - Journal Tome II (1981)

 

n°795
 

       Mon idée fixe, ce sont les moins de seize ans. Filles ou garçons, peu importe. Ce qui me captive, c'est moins un sexe déterminé que l'extrême jeunesse, celle qui s'étend de la dixième à la seizième année. Appelez-moi bisexuel ou, comme disaient les Anciens, ambidextre, je n'y vois pas d'inconvénient. Mais franchement je ne crois pas l'être. A mes yeux, l'extrême jeunesse forme à soi seule un sexe particulier et unique.

       Aimer les moins de seize ans, c'est un refus de l'âge adulte, un refus de la maturité, une remise en cause radicale du "Tu seras un homme mon fils" qui est le fondement de toute notre civilisation occidentale. Aimer les moins de seize ans, c'est signifier que l'on est résolu à ne pas jouer le jeu, à ne pas s'insérer dans la comédie sociale. L'amant des très jeunes, garçons et filles, est voué à une existence de rebelle, d'outsider, d'hérétique, une existence qui est un continuel pied de nez aux grandes personnes, à leurs soucis, à leurs ambitions, à leur mode de vie.

 

Gabriel Matzneff - Les moins de seize ans (1974) - (essai)

 

n°794
 

       Lorsque l'on observe le déroulement des mythologies, des religions, des images, des raisonnements et des civilisations successives de l'humanité telle qu'on la connaît et telle qu'on l'a déchiffrée jusqu'à ce jour, on découvre un fait étonnant. Par périodes d'environ deux mille ans, la pensée humaine s'est révélée axée sur un point précis qui se trouve correspondre à un des signes du Zodiaque. On peut déterminer ainsi des périodes relativement uniformes qu'on appelle des ères.

       Il y a eu l'ère du Bélier; elle fut bien antérieure à celle du Verseau où nous sommes en train d'entrer. L'ère du Verseau suit l'ère des Poissons, née il y a deux mille ans, qui suivait celle du Bélier, précédée elle-même par celle du Taureau. Il serait intéressant de remonter plus haut et ce n'est pas impossible.   

 

Michèle Curcio - Les Signes du Zodiaque (1984)

 

n°793
 

       Fidèles aux anciennes règles du culte national dont ils étaient les garants, les pontifes expiaient les prodiges les plus fréquents par des cérémonies bien connues, faciles à exécuter, par le sacrifice de victimes de diverse importance aux dieux qui les réclamaient. Leur science paraissait toujours de bon aloi et se gardait de toute innovation.

      Ainsi étaient-ils chargés de l'expiation des foudres dont s'occupaient aussi les haruspices qui étaient appelés dans les cas les plus graves. Les pontifes enterraient les traces laissées sur terre par le passage du fulmen et offraient un sacrifice archaïque fait d'oignons, de cheveux et de sardines, que les Anciens, avec raison, considéraient comme un sacrifice de substitution ayant remplacé, à date haute, la mise à mort de victimes humaines.

 

Raymond Bloch - La divination dans l'Antiquité ( QSJ n°2135-1984)

 

n°792
 

       Vous désirez acheter un micro-ordinateur ? Vous voilà sollicité par de multiples offres toutes plus alléchantes les unes que les autres. Si vous faites partie de ceux qui n'y connaissent pas encore grand-chose, vous souhaitez sans doute être conseillé dans votre choix. Ce petit volume n'a d'autres ambitions que de vous aider à acquérir la machine qui conviendra le mieux à l'usage que vous comptez en faire.

       On disait récemment encore que tous les ordinateurs sont quasi identiques et qu'ils ne se différencient que par les programmes qu'ils peuvent exécuter. Aujourd'hui, cela n'est plus tout à fait vrai, car de très nombreux programmes tournent sur des machines très différentes... La question essentielle que vous devrez vous poser est la suivante : "Un ordinateur ? O.K. Mais pour en faire quoi ? " Lorsque vous aurez répondu à cette question, vous aurez fait un grand pas en avant et il ne vous restera plus qu'à choisir l'ordinateur qui vous permettra d'exécuter sans problème ce que vous en attendez.

 

Ilya Virgatchik - Comment choisir votre micro-ordinateur ? (1984)

 

n°791
 

       "-T'avais qu'à ne pas tuer un homme.  -Et toi, qui qu't'as tué ?  -Prends le bateau et va le demander au juge d'instruction du Mans, s'il veut te recevoir."  Aucun ne dormait. On voyait des couples. un sourd brouhaha flottait, déchiré de temps en temps d'un éclat de voix fauve. Par l'odeur et la vue, cela tenait de la ménagerie.  "- J'irai le trouver, demain, pour lui prouver que je ne suis pas fou. Ah! le manchot (un surveillant) dit que je suis fou ! J'irai le trouver, le journaliste.  -Et puis, après ? C'est de la clique comme les autres."

        Et l'un, d'un ton de faubourg, me fixa définitivement sur la nature de ma personne : "-Va ! ne crains rien, il fait partie de la viande qu'on soigne ! "

 

Albert Londres - Au bagne (1923) - (reportage)

 

n°790
 

       Dans le ciel, au-dessus du col Gianna, il eut l'étrange désillusion de n'apercevoir que des nuages indifférents, à l'expression idiote, tout englués de vapeurs  et de nuées visqueuses s'effilochant. Ce n'étaient certainement pas des nuages capables de penser ni même d'être méchants, ou de faire des farces aux jeunes curés de campagne.

       De toute évidence, ils ne pourraient pas s'être intéressés à lui. Des nuages, rien de plus. En fait, la météo avait annoncé pour ce jour-là : ciel serein, quelques formations cumuliformes dans le courant de l'après-midi. Vent calme. Température stationnaire. Au sujet du Diable, pas un mot. 

 

Dino Buzzati - Les tentations de Saint-Antoine (1958) - (nouvelle)

 

n°789
 

       "Peu après la nuit tombée, ils m'appelèrent. Je m'attendais à ce qu'on me menât dans un bureau pour un interrogatoire, mais trois hommes, dont l'un ne me lâcha pas de tout le trajet, m'accompagnèrent. Je maudissais ma petite taille. Ils me conduisirent le long des voies, six, outre celles du dépôt des machines, et sortant par une grille de côté, au nord du quai après avoir tourné à gauche, nous descendîmes une rue, traversâmes une place pour, finalement arriver à une maison isolée...

        Une sentinelle montait la garde devant la porte et, dans l'obscurité de l'entrée, je devinais un ou deux gardes affalés. Ils me poussèrent jusqu'à l'étage où je me trouvai soudain dans une pièce en face du bey. A ma grande surprise, j'étais dans sa chambre à coucher."

 

P.Knightley / C.Simpson - Les vies secrètes de Lawrence d'Arabie (1970)

 

n°788
 

       M'étant avancé un peu, je m'arrêtai bientôt. Mes narines avaient perçu une odeur incongrue ; il me sembla que l'air du soir était chargé d'un parfum qui, quoique familier jusqu'à un certain point, ne se trouvait généralement guère associé aux fresques rustiques et aux autels des grands chemins. Je m'étonnai, reniflai légèrement, et n'hésitai plus sur la nature de l'énigme. L'odeur était celle du pétrole,le cierge votif était alimenté par de l'essence de Pennsylvanie.

       J'avoue que j'éclatai de rire ; et un contadino pittoresque, qui s'en revenait chez lui, me dévisagea comme un iconoclaste, dans la pénombre. Il ne remarqua le pétrole, j'imagine, qu'afin d'en augmenter le débit avec tendresse; mais, pour moi, la chose fit office de symbole de l'Italie du futur. Il y a un omnibus de la Porta del Popolo au Ponte Molle, et les autels toscans fonctionnent au kérosène.

 

Henry James (1843-1916) - Vacances romaines - (impressions de voyage)

 

n°787
 

       Par une de ces admirables journées de printemps, je suivais le quai Conti, où il y a un renfoncement amusant, et j'arrivai en face de l'Institut, juste au moment de la sortie d'une séance solennelle, d'une grande réception. Quelques "Verts", avé l'épée, bien connus de moi, se pressaient autour de Frédéric Masson, poché, voûté, gigantesque, ou paraissant tel, et qui se dirigeait, toussant dans le soleil, vers son logis officiel, tout proche du secrétariat dit perpétuel car il habitait, en fait, rue de la Baume.

       Doumic, avec ses yeux caves, son poil blanchâtre ou pisseux, sa mine à la fois hargneuse et craintive, traînait ses pieds d'éternelle platitude autour de l'historien napoléonard de toutes les napoléoneries de Napoléon. Sa spada dérisoire semblait, à son côté, une épingle étincelante au flanc d'un putois. Le petit singe Goyau, dit "Gasparruche", descendu de son orgue de Barbarie, sautillait entre Lavedan le puant, et Henri de Régnier au menton de galoche.

 

Léon Daudet - Paris vécu (1930)

 

n°786
 

       L'hygiène a fait, à notre époque, d'incontestables progrès. Le public connaît maintenant les inconvénients du manque de propreté et d'exercice, l'ensemble de la population a été pénétré par les principes de la science moderne. Les salles de bains se sont multipliées, et on trouve dans la plupart des villes importantes des piscines, des stades, des terrains de jeux. Il semble bien aussi que dans toutes les classes de la société, on ait enfin compris l'importance de l'air pur et de l'exposition du corps aux rayons solaires.

       En été et au moment des fêtes en hiver, on abandonne les grandes villes pour aller chercher, à la montagne ou à la mer, les éléments de vie qu'on ne trouve presque plus dans nos vastes agglomérations. Une démarche analogue se fait en ce qui concerne l'alimentation. Les aliments "sains", "diététiques", "biologiques" (nous n'entrerons pas ici dans la discussion de ce mot) sont à l'ordre du jour et l'objet même d'un certain snobisme.

 

Dr Jean Nussbaum - Science et cuisine (1979)

 

n°785
 

       La question était plutôt brutale, mais la légèreté n'était pas notre fort et, quoi qu'il en soit, avant que l'aube grise ne nous invite à nous séparer, j'avais ma réponse. En l'occurrence, ce que mon amie avait en tête était infiniment significatif. C'était ni plus ni moins le fait que, pendant quelques mois, Quint et le garçon ne s'étaient pas quittés. Se risquer à critiquer l'inconvenance, faire allusion à l'incongruité de rapports si étroits lui avait paru la chose bienséante à faire et elle était même allée jusqu'à s'en ouvrir franchement à miss Jessel.

       Miss Jessel l'ayant pris de très haut et lui ayant conseillé de s'occuper de ses propres affaires, la brave femme s'était alors adressée directement au petit Miles. Sur mon insistance, elle déclara lui avoir dit qu'elle n'aimait pas que les jeunes gentlemen oublient leur rang. J'insistai encore, évidemment, pour plus de précisions.

 

Le tour d'écrou - Henry James (1898) - (nouvelle)

 

n°784
 

       Si la notion de bibliothèque, c'est à dire de conservation de l'information, est connue depuis l'Antiquité, l'idée de documentation est, elle, beaucoup plus récente. On peut la faire remonter au moment où l'idée d'exploitation de l'information conservée est apparue. En fait ce sont les travaux entrepris par Paul Otlet à la fin du XIXè siècle qui marquent le début de l'histoire de la documentation et de ses techniques.

       Cependant l'on peut noter que des bulletins de résumés avaient déjà été publiés auparavant. C'est le cas des Chemisches Zeentralblatt qui remontent à 1830nou de Engineering Index, publié pour la première fois en 1885. La première date importante de l'histoire de la documentation est celle de la création de l' "Office International de Bibliographie", à Bruxelles  en 1892, par Paul Otlet et Henri Lafontaine.

 

Jacques Chaumier - Les techniques documentaires (QSJ n°1419-1979)

 

n°783
 

       C'était la rencontre classique par excellence. Les deux hommes tiraient la gréco-romaine, ils étaient à peu près d'égale force. La rencontre se prolongea et soudain, sur une prise irrégulière de Visler, Deville se fâcha. La lutte dégénéra immédiatement en terrible " partie de bourre " , selon l'expression consacrée.

       Ambroise et Germain Marseille, mécontents, - il fallait faire le dimanche après-midi une douzaine de reprises de lutte - voulurent séparer les deux hommes et écourter le combat. Le public protesta, Visler et Deville excités par la foule multiplièrent les prises dangereuses, voire même mortelles. Finalement cette partie de gréco-romaine s'acheva en bagarre de cabaret borgne. Les deux lutteurs séparés ne se réconcilièrent pas.

 

Maurice-Ivan Sicard - Mémoires de Jo la Terreur (1934)

 

n°782
 

       Ce livre de recettes n'est pas destiné aux débutants. Il ne peut être utilisé que par ceux de nos lecteurs qui sont familiarisés avec les techniques essentielles de la cuisine. Aucune explication concernant les préparations de base (divers modes de cuisson, sauces, différentes pâtes, etc.) n'est donnée. On trouvera le maximum de renseignements lorsqu'il s'agira d'une préparation typiquement indigène.

      Il est donc possible pour l'amateur d'entreprendre un voyage gastronomique à travers les divers continents. Il saura, selon son gré, faire escale dans chaque pays et déguster un repas complet très original. Naturellement les denrées indiquées en tête de chaque recette sont indispensables. Des maisons spécialisées en produits exotiques et étrangers mettent en vente les légumes, les fruits, les épices expédiés du pays d'origine par la voie des airs.

 

Ginette Mathiot - Cuisine de tous les pays (1965)

 

n°781
 

       Des années ont passé. Un voyageur au chic anglais, qui débarque à berlin, pose au porteur de ses bagages quelques questions sur les gens de la ville qu'il a connus autrefois... -M.Hitler ? Tenez, M.Adolf, vous pouvez le voir là-bas sur cet échafaudage. Il a repris son ancien métier de peintre en bâtiment.  -Ah! Ah! Et Goering qui aimait tant les belles voitures ?  -M.Goering, il a un peu maigri vous savez; il est laveur dans un garage du Kürfürstendam... 

      -Tiens, tiens, et le petit Goebbels ?   -Le boiteux, tenez, le voilà sur la place, qui crie les journaux du soir... Le voyageur se prend à songer puis il allume un cigare.  -Mais, monsieur, qui êtes-vous donc, s'enquiert le porteur, pour avoir connu tous ces gens-là ?  -Je suis Lord Rudolph Hess.

 

Jean Galtier-Boissière - Mon journal pendant l'Occupation  (1944)

 

 

 

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