MAGALMA

 

LECTORIUM

 

 

 

Encore la boîte du bouquiniste ou le carton du libraire d'occasions. Tous genres et éditions pêle-mêle, c'est  l'éclectisme assuré. Un livre au hasard qu'on ouvre à une page plus ou moins quelconque et cette courte lecture qui s'ensuit, généralement de quelques lignes tout au plus. Curieux ou pas mal...Au fait de qui est-ce ? Alors en le refermant on regarde sur la couverture le nom de l'auteur et le titre de l'ouvrage. (Ici ces derniers, dans un même esprit et pour inciter peut-être aux devinettes, ne sont dévoilés que le lendemain).

 

 

Page   1 

 
n°30
         

              Je le suppliai de me dire ce qu'il entendait par ce voyage de la ville, si les maisons et les murailles cheminaient...

             -Nos cités se divisent en mobiles et en sédentaires. Dans les mobiles, comme celle ou nous sommes, l'architecte construit chaque palais d'un bois fort léger et y pratique dessous quatre roues. Dans l'épaisseur de l'un des murs, il place des soufflets gros et nombreux, et dont les tuyaux passent à travers le dernier étage de l'un à l'autre pignon. Quand on veut traîner les villes autre part, chacun déplie sur l'un des côtés de son logis quantité de larges voiles au-devant des soufflets ; puis ayant bandé un ressort pour les faire jouer, leurs maisons en moins de huit jours, avec les bouffées continues que vomissent ces monstres à vent  et qui s'engouffrent dans la toile, sont emportées, si l'on veut, à plus de cent lieues. 

 

Cyrano de Bergerac -  L'autre Monde ou Les Empires de la Lune et du Soleil (c.1650)

 

n°29
         

          Un DANGER NOUVEAU est un danger non marqué sur les cartes ou documents nautiques du fait de sa jeunesse comme : épaves, bancs de sable, éboulements etc...

           En ce cas la marque (latérale, cardinale ou autre) est doublée. Les feux ont un rythme scintillant, rapide ou pas, approprié. Elle porte une balise radar avec une émission codée suivant la lettre W.

            Cette marque double est retirée quand on a estimé que l'information relative à ce nouveau danger a été suffisamment diffusée.

 

Pierre Bost -  Code du plaisancier en mer - (1983)

 

n°28
         

          Pendant qu'il pleurait, le jour se faisait de plus en plus dans son cerveau, un jour extraordinaire, un jour ravissant et terrible à la fois. Sa vie passée, sa première faute, sa longue expiation, son abrutissement extérieur, son endurcissement intérieur, sa mise en liberté réjouie par tant de plans de vengeance, ce qui lui était arrivé chez l'évêque, la dernière chose qu'il avait faite, ce vol de quarante sous à un enfant.

          Il regarda sa vie et elle lui parut horrible ; son âme et elle lui parut affreuse. Cependant un jour doux était sur cette vie et sur cette âme. Il lui semblait qu'il voyait Satan à la lumière du paradis. 

 

Victor Hugo -  Les Misérables (1862)

 

n°27
         

          F.H :  Les Gémeaux sont plus multiples que doubles...

          A.S. : Je dis tout le temps que je n'ai pas d'opinion, ce qui est monstrueux, parce que je trouve toujours un argument contraire  à ce que je dis. Par exemple, si je dis que j'aime la nature, je vais réfléchir qu'en fait je préfère la sophistication et les villes. Ou bien j'ai envie d'avoir la foi  et en même temps je trouve ça débile. Ou encore j'aime beaucoup mon métier et en même temps je trouve ridicule d'aimer faire ça...

 

Françoise Hardy - (Signe astrologique d'Alain Souchon) - Entre les lignes, entre les signes (1986)

 

n°26
 

          Des non-professionnels furent acceptés dans les loges des maçons opératifs. Il serait fort instructif de voir pourquoi cette acceptation d'une personne étrangère au métier fut permise, le contexte historique pouvant éclairer cette transformation. Ne peut-on voir là une certaine décadence , voire même une chute dans le sens où, au temps de Constantin, l'Eglise Catholique est passée de la forme ésotérique à celle de l'exotérisme sans pour cela que, dans un cas comme dans l'autre, il y ait une perte du dépôt traditionnel initiatique.

 

Jean Palou - La franc-maçonnerie (1964)

 

n°25
 

          La mauve est un simple populaire, très vivace, qui végète dans les lieux incultes, le long des haies, dans les bois. On l'appelle encore fromageon et fouassier.

           Elle est riche en mucilage, comme toutes les plantes du genre malva. C'est donc un laxatif mucilagineux, et les parties utilisées sont principalement les fleurs et les feuilles. Elle facilite la progression des déchets chez les atoniques et est à conseiller pour les intestins fragiles.

 

Eric Nigelle - Comment défendre son intestin (1975)

 

n°24
 

          Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. ll y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée.

 

Charles Péguy - Note conjointe (1914)

 

n°23
 

          Le 1er avril, le téléphone sonna et lorsque je décrochai, j'entendis une voix inconnue. Elle m'annonça Jünger lui-même. Comme cette date du 1er avril me paraissait prêter à des facéties, je me demandais lequel de mes amis qui savaient mon désir de connaître l'auteur des Falaises de Marbre, me jouait un tour... Sur le point de lâcher quelque parole un peu vive, comme cela m'arrive parfois, je me retins à temps. Je balbutiai je ne sais quoi. A l'autre bout du fil Jünger attendait patiemment que je reprenne mes esprits; il devait penser que j'en manquais singulièrement.

 

Banine - Rencontres avec Ernst Jünger  (1951)

 

n°22
 

          Les micro-ordinateurs portables sont des micro-ordinateurs complets qui possèdent généralement un écran intégré (affichant de 1000 à 2000 caractères) et deux disquettes. Il s'agit en réalité d'ordinateurs professionnels sous un format compact (comme celui d'une machine à coudre et pesant environ 10kg).

           Un ordinateur portable (du type "Osborne") se referme et se transporte comme une valise.

 

Ilya Virgatchik - Comment choisir votre micro-ordinateur (1984)

 

n°21
 

          Neuf jours durant, il le reçut en hôte et fit tuer neuf boeufs pour lui. Mais quand, pour la dixième fois, parut l'Aurore aux doigts de rose, il l'interrogeait et demandait à voir le signe qu'il lui apportait au nom des son gendre Proetos. A peine eut-il en main le signe funeste envoyé par son gendre, que, pour commencer, il donna à Bellérophon l'ordre de tuer la Chimère invincible. Elle était de race non point humaine mais divine : lion par-devant, serpent par-derrière et chèvre au milieu. 

 

Homère - Iliade (chant VI) - (c.800 av)

 

n°20
 

          Conservez les solutions dans des récipients distincts. Au moment de l'emploi, composez votre solution de travail en mélangeant des quantités égales de la solution A et de la solution B. Ne préparez que la quantité nécessaire car la solution de travail ne reste active que pendant dix minutes environ.

           Pour affaiblir des zones déterminées, diluez la solution de travail dans quatre fois son volume d'eau.

 

Créativité en laboratoire - Editions Kodak-Pathé (1975)

 

n°19
 

           Lorsqu'un sol est très caractérisé, il est parfois extrêmement difficile de la changer, car il faudrait, pour être tout à fait tranquille, retirer la terre sur une épaisseur de près d'un mètre et la renouveler entièrement.

 

Encyclopédie des jardins et maisons de campagne - Marabout (1967)

 

n°18
 

        Pendant qu'on procédait à sa toilette, l'homme portait simplement sa petite tenue du matin, tête nue, pieds nus, pagne court, peu ou pas de bijoux. Quand sa toilette sera achevée il pourra, même s'il doit sortir, garder son pagne du matin. Il mettra à ses poignets une ou plusieurs paires de bracelets, un anneau à son doigt et attachera sur sa nuque un gorgerin à cinq ou six rangs de perles tendues entre deux fermoirs imitant une tête de faucon. S'il y ajoute un pendentif de jade  ou de cornaline suspendu à un long cordon, notre homme est parfaitement présentable pour visiter ses domaines, recevoir des gens d'affaire, se rendre à quelque bureau.

 

Pierre Montet - La vie quotidienne en Egypte sous les Ramsès - (1946)

 

n°17
 

        Les lampes et les tapis de la veillée font le bruit des vagues, la nuit, le long de la coque et autour du steerage.

        La plaque du foyer noir, de réels soleils des grèves : ah! puits des magies; seule vue d'aurore, cette fois.

 

Arthur Rimbaud  - Veillées - (1873) - (poèmes en prose)  

 

n°16
 

      On entend par valeur sociale de l'argent (à côté de la valeur purement commerciale) la somme de monnaie qu'il est de nécessité ou tout au moins d'usage et de convenance de dépenser pour tenir son rang dans l'échelle sociale, à quelque degré de cette échelle qu'on se trouve placé. C'est cette valeur qui fait dire que la vie est plus chère dans la grande ville qu'au village et que la vie renchérit sans cesse.

 

E.Levasseur  - Le coût de la vie - Revue Economique Internationale-(1910)  

 

n°15
 

        En 1958 fut mis au point le magnétomètre à protons qui est basé sur le magnétisme rémanent. Les objets en terre cuite et certains objets métalliques conservent un magnétisme auquel est sensible le magnétomètre récemment perfectionné à l'aide de rubidium et de césium. Cette méthode a été utilisée surtout en Italie où par ce moyen une mission italo-américaine a effectué le relevé du site de la Sybaris grecque.

 

Guy Rachet  - Histoire de l'archéologie - (1970)  

 

n°14
 

        Il ne faut pas perdre de vue que la hausse des prix frappe avant tout la grande masse car, dans le budget d'un homme de condition modeste, le prix des pommes de terre joue un tout autre rôle que dans le budget des gens de milieux aisés. C'est pourquoi je préconise une politique de primes qui doit être financée par l'Etat.

 

Le Journal du Dr Goebbels (samedi 24 janvier 1942)

 

n°13
 

        Il était arrivé à ce moment de la vie, variable pour tout homme, où l'être humain s'abandonne à son démon ou à son génie, suit une loi mystérieuse qui lui ordonne de se détruire ou de se dépasser.

 

Marguerite Yourcenar - Mémoires d'Hadrien - (1951)   (fiction historique et philosophique)

 

n°12
 

      Du point où nous étions, nous ne pouvions voir que le précipice lui-même et un pu de rochers sur la gauche. Nous avions remarqué l'impossibilité de gravir cette muraille et l'aspect extrêmement rébarbatif des rochers à gauche nous avait frappés à cause de leur apparence polie et rapide. Nous étions arrivés à la conclusion que le mieux serait probablement de contourner ces rochers mais nous étions incapables de voir le chemin.

 

Charles Gos - Le Cervin - (1948)   (récit d'alpinisme)

 

n°11
 

       Vivre avec les autres est, pour moi, une torture. Et tous les autres sont en moi. Même loin d'eux je suis contraint de vivre avec eux. Seul, des foules me cernent. Je ne sais pas où fuir, à moins de me fuir moi-même.

 

Fernando Pessoa ( 1888-1935 )  - Fragments d'un voyage immobile (recueil de pensées)

 

n°10
 

      Dans la rythmopée rigoureusement syllabique, qui se superposait à la versification grecque primitive, le principe de périodicité était fourni par la quantité, régulièrement alternante, des syllabes groupées dans le pied : celui-ci avait une figure rythmique spécifique et invariable. Un dactyle, par exemple, n'était pas simplement une mesure de quatre croches : dans sa réalisation sensible, il présentait toujours la succession d'une longue et de deux brèves.

 

Théodore Reinach  - La musique grecque - ( 1926 ) - (essai)

 

n°9
 

     - Commet, s'écria-t-il, as-tu pu faire cela ? Tu as porté le pire tort à ton affaire qui était justement en bon chemin. Tu vas te cacher avec une petite saleté, qui est visiblement pour comble, la maîtresse de l'avocat, et tu passes des heures sans revenir, tu ne cherches même pas un prétexte, tu ne caches rien, tu agis au grand jour, tu voles la rejoindre et tu restes près d'elle ! Et tu nous plantes là tous trois : l'oncle qui s'éreinte pour toi, l'avocat qu'il te faut gagner, et le chef de bureau surtout, ce personnage si puissant qui peut tout dans ton affaire à la phase où elle en est !

 

 Franz Kafka  - Le Procès - ( 1925 ) - (roman)

 

n°8
 

       César n'avait auprès de lui que trois cents cavaliers et cinq mille fantassins, ayant laissé le reste de son armée au-delà des Alpes... La nuit venue il se lève, fait bon visage à ses convives et les prie d'attendre, qu'il va revenir. Il monte alors sur un chariot de louage, passe d'abord par un autre chemin que celui qu'il voulait tenir puis tourne sur Ariminum.

        Arrivé sur le bord du fleuve, appelé Rubicon, qui sépare la Gaule Cisalpine du reste de l'Italie, tout troublé de la grandeur et de l'audace de son entreprise, suspend sa course, s'arrête, et dans un profond silence passe en revue les voies diverses qui s'offrent à lui, changeant plusieurs fois d'avis. A la fin, entraîné par la passion, il s'exclame : "Le dé soit jeté !", s'élance dans la rivière et fait si vite le reste de la route qu'il arrive avant le jour à Ariminum, dont il s'empare...

 

 Plutarque  - Vies des hommes illustres - (115 ap.J.C. ) - (histoire)

 

n°7
 

       - Alors ?  Pourquoi  tu veux l'être, institutrice ?

       - Pour faire chier les mômes, répondit-elle. Ceux qu'auront mon âge dans dix ans, dans cinquante ans, dans cent ans, dans mille ans, toujours les gosses à emmerder. Je serai vache comme tout avec elles. Je leur ferai lécher le parquet. Je leur ferai manger l'éponge du tableau noir. Je leur enfoncerai des compas dans le derrière. Je leur botterai les fesses parce que je porterai des bottes. En hiver, hautes comme ça, avec de grands éperons pour leur larder la chair du derche. 

 

Raymond Queneau  - Zazie dans le métro-(1959) - (roman)

 

n°6
 

     Rares sont ceux qui remarquent la multiplicité des formes que peut revêtir un arc-en-ciel. La largeur en est variable, et cette largeur, avec la modification des couleurs, peut être un indice sur la dimension des gouttes. Il y a aussi les féériques arcs de brouillard, et, avec un peu de chance, on peut même surprendre un arc-en-ciel lunaire, d'une luminosité si faible qu'il est difficile d'y discerner la succession des teintes.

 

Théo Löbsack - Cet air qui nous entoure, l'atmosphère - (1957) - (sciences)

 

n°5
 

       F. 3  :  Mais qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce que j'ai dit ? Mais contents de quoi ?

       H. 1 , glacial  : Rien. Vous n'avez rien dit. Je n'ai rien dit. Allez-y maintenant. Faites ce que vous voulez. Vautrez-vous. Criez. De toute façon, il est trop tard. Le mal est fait.

 

Nathalie Sarraute - Le silence-(1967) - (théâtre)

 

n°4
 

     L'esprit qui plonge dans le surréalisme revit avec exaltation la meilleure part de son enfance...L'enfance où tout concourait à la possession efficace de soi-même. On revit, dans l'ombre, une terreur précieuse. C'est la plus belle des nuits, la nuit des éclairs : le jour auprès d'elle est la nuit.

 

André Breton - Manifeste du surréalisme -(1924)

 

n°3
 

      Elle me lâcha les mains, s'assit, considéra un moment son image dans une glace, puis resta là, pensive, ses doigts jouant sur la table avec un petit coffret en émail de Battersea, dont elle ouvrait et refermait le couvercle. Son attitude, très étudiée, ne manquait pas de grâce.

 

Agatha Christie - La maison biscornue (1951) - (roman policier)

 

n°2
 

      Et avec nos sens, quels délicats instruments d'observation nous possédons ! Ce nez, par exemple, dont aucun philosophe n'a encore parlé avec respect et gratitude, est même, pour l'instant, l'instrument le plus fin dont nous disposions : il est capable de discerner des différences minimales du mouvement que le spectroscope ne constate pas.

 

Friedrich Nietzsche - Crépuscule des idoles (1889) - (philosophie)

 

n°1
 

       Je vous raconterai une autre aventure plus étonnante...Sueur. Fuchs. Moi derrière lui, les chaussettes, les talons, le sable, nous marchons, nous marchons lourdement, terre, ornières, sale chemin, reflets de cailloux brillants, lumière éclatante, bourdonnements, tremblements d'air chaud, le tout noir de soleil, et des maisonnettes, des clôtures, des champs, des bois, cette route, cette marche, pourquoi et comment, ce serait long à dire, à la vérité j'en avais assez de mes père et mère, et de toute la famille d'ailleurs, je voulais réussir au moins un examen, et goûter du changement, m'évader, vivre quelque part au loin.

Witold Gombrowicz - Cosmos (1965) - (roman)

 

 

 

Pages    1    2   

 

Sommaire  MAGALMA