CINECRITIKIUM

 

 

 Fiche  2499 

 

 

n°2499
 
" Love Streams "

( Torrents d'amour )

 

(1984)-(Am)-(2h20)  -      Drame   

 

Réal. :     John  Cassavetes   

 

 

Acteurs:  G.Rowlands, J.Cassavetes, D.Abbott ...

 

Synopsis

 

 

En amour, Sarah est passionnée, jalouse et possessive. Se sentant trahie par son mari et sa fille, elle débarque chez Robert, riche écrivain accro à la débauche, alors que le fils de ce dernier vient de lui être confié. Dès qu’il la reconnaît, il se jette dans ses bras. Leur amour mutuel réussira-t-il à les apaiser ?

 

 
  Critiques Presse 

  bonnes            moyennes           mauvaises      critiques  nd    

 

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Critiques Spectateurs

  bonnes            moyennes           mauvaises 

 

 

Je re-découvre avec Love Streams les vertus du cinéma de John Cassavetes, une oeuvre d'une extrême complexité psychologique peuplée de personnages romanesques et proprement admirables, même dans leur médiocrité ou leur inconséquence morale. Un cinéma définitivement aimable, d'une élégance qui puise sa robe et son âge dans son indépendance, son terroir. Cassavetes accouche les âmes et les émotions sans jamais trancher de quelque manière que ce soit : nullement juge ni même réellement moraliste c'est surtout un libre-penseur respectant et comprenant le spectacle intime de l'Homme, le sublimant jusqu'à l'élégie. Fragile, pathétique, un brin cynique et pourtant si beau ou même a contrario idéaliste, fantasque, coulant et torturé l'Homme chez Cassavetes est sous influence, comme un enfant capricieux, égoïste cherchant l'attraction, l'admiration ou la reconnaissance : un esclave libre, en un sens. Essentiellement construit autour de deux personnages a priori radicalement différents ( un écrivain taciturne épiant les noctambules pour en tirer un roman et soeur instable et passionnée, ronde et ouverte ) Love Streams déroule ses innombrables nuances au gré d'une mise en scène unique, incroyablement dense et même souvent inattendue dans sa composition. Entre vérisme, excentricité et virtuosité la direction d'acteurs atteint là un niveau de maîtrise et de profondeur rarement égalé jusqu'alors. Gena Rowlands est évidemment géniale en femme rayonnante mais un brin éthérée, comme l'est John Cassavetes dans la peau de ce frère moralement immature et très attachant. Oeuvre vitale, vivante et vivifiante Love Streams est résolument un paradigme de modernité : un film bouleversant.

La rencontre de deux personnes paumées qui essaient de s'entraider tout en essayant de se sauver elles-mêmes. Il y a une liberté de ton et une sorte d'improvisation dans les dialogues et il en ressort une vérité dans les sentiments. Vraiment de belles scènes touchantes parfois. Le torrent d'amour c'est ce qu'elle veut offrir à son frère. Elle essaye les animaux mais ça ne marche pas davantage qu'avec son propre fils. Le courant n'est pas en continu chez lui. Il est parfois interrompu et cette scène assez pathétique des animaux est à comparer avec la très belle scène élégiaque du rêve où le trop plein d'amour de cette femme se déverse dans tout son être et ses actions. Très beau.

Lors d'une scène rêvée à la fin de "Love Streams", Sarah tente de faire rire son mari et sa fille. Alors qu'il parie un dollar sur son échec, elle joue la "mise ultime" : l'amour. C'est ce qui reste quand on a presque tout perdu, quand on est au bord du gouffre mais que l'on tient debout in extremis, l'amour à donner à ceux que l'on est en train de perdre. Vertigineux, l'avant-dernier film de John Cassavetes l'est donc dans sa façon d'épouser la trajectoire de ses personnages mais aussi dans sa structure puisque tout ce qui relève d'une forme de contrôle, à savoir l'emploi du montage parallèle qui présente les situations de Sarah et de Robert, est explosé au fur et à mesure que le film avance. Gagné par un rythme de plus en plus chaotique et par une abstraction qui fait alterner scènes réelles délirantes et d'autres totalement oniriques, le film est constamment imprévisible et combat son désespoir par un humour inattendu. Ainsi, "Love Streams" insuffle un vent de liberté bouleversant et réunit pour la dernière fois à l'écran le couple Cassavetes-Rowlands, emporté avec fureur dans cette oeuvre torrentielle.

Le dernier Cassavetes et l'un des plus beaux et des plus forts. Pour une fois, le titre français "Torrents d'amour" n'est pas idiot car c'est bien de cela et uniquement de cela qu'il s'agit dans ce film. L'amour que l'on donne, l'amour qu'on reçoit, l'amour que l'on perd. Une nouvelle fois, Cassavetes filme sa compagne Gena Rowlands avec beaucoup d'amour, justement. A la fois fragile et déterminée, elle excelle à nouveau dans ce rôle borderline. Cassavetes, devant et derrière la caméra se démène et se surpasse, sachant que ce film, du fait de sa maladie, sera le dernier. C'est fort, c'est émouvant, c'est incroyablement gonflé dans la façon de casser le rythme et de passer d'un style à un autre. Une vraie claque, comme le fut "Une femme sous influence" ou "Opening night".

John Cassavetes joue très bien le rôle d’un romancier. On ne le voit jamais écrire, mais faire la fête, courir les femmes, papillonner. Il ne parle d’ailleurs jamais de son travail. Le personnage de Gena Rowlands est un peu barge, démesuré, grandiloquent. Elle vient de perdre la garde de sa fille et tombe dans les bras de l’écrivain. Et c’est au détour d’une conversation téléphonique que l’on apprend ce qu’ils représentent l’un pour l’autre, bien après mille péripéties sentimentales et matérielles. Un tourbillon comme le cinéma nous en procure parfois entre drame et drôlerie. John Cassavetes est incroyable, Gena Rowlands éblouissante, et tout autour des acteurs et actrices tout aussi rayonnants, et formidables : Diahnne Abbott, Seymour Cassel, Eddy Dono…On les avait peut-être oubliés. Mais le cinéma a de ses vertus !

 

Avant-dernier film de John Cassavetes, "Love Streams" peut être considéré comme le film testament de son auteur tant son dernier film "Big Trouble" n'avait rien de personnel. Ici, le cinéaste acteur y va à fond dans le côté intime : le film est tourné dans sa maison avec sa femme Gena Rowlands qui joue ici sa sœur. C'est presque un home movie que ce drame humain sur deux personnages qui se voient confrontés à la solitude tandis que leurs défauts les ont isolé du reste du monde. Lui paye des femmes pour lui tenir compagnie la nuit, fume cigarettes sur cigarettes et quand on lui confie son fils qu'il n'a quasiment jamais vu, il le laisse seul dans une chambre d'hôtel pour faire la fête. Elle est une femme récemment divorcée qui ne veut pas laisser partir son mari, trop jalouse et trop passionnée pour s'imaginer reconstruire sa vie. Dans "Love Streams", ces deux êtres en perdition vont finir par trouver du réconfort ensemble en dépit de leurs différences. Si le film ne manque pas de belles trouvailles et n'a de cesse de prouver (comme si on ne le savait pas) que Cassavetes et Rowlands sont des monstres de talent, on a tout de même du mal à bien suivre l'ensemble, souvent elliptique, parfois fourre-tout et quelquefois difficilement compréhensible. Dans le genre "Une femme sous influence" ou "Opening Night" sont bien plus forts, ce "Love Streams" semblant finalement trop éparpillé pour être complètement efficace, se perdant dans de tortueuses longueurs. Reste bien évidemment le savoir-faire du réalisateur qui n'a pas son pareil pour filmer les êtres abîmés par la vie avec sa sensibilité unique. Rien que pour ça, ces torrents d'amour valent le détour.

Oeuvre testamentaire du grand John Cassavettes,chantre et précurseur du cinéma d'auteur américain,"Love Streams" est d'un accès difficile et psychanalytique,mais apprivoiser son contenu et ses personnages décadents revient à une meilleure compréhension de l'Homme,et de ses rapports avec autrui.Cassavettes parle d'amour au sens large.Un frère et une soeur,l'un nihiliste,l'autre dépressive cohabitent logiquement,se rendent compte qu'ils sont tout l'un pour l'autre,mais ne parviennent pas à enrayer leur chute,entre regrets éternels et quotidien maussade.Mais là où l'écrivain joué par Cassavettes(proche de l'implosion)s'est asséché,n'ayant aucun amour à offrir,hormis celui de passades de peu de temps;la femme incarnée par Gena Rowlands(extraordinaire,encore,toujours)à tant d'amour à offrir à son mari lâche et à sa fille qu'elle en devient étouffante,et se met ses proches à dos.Ces 2 personnages sont dans l'excès,comme si l'on ne pouvait aimer que raisonnablement.Malgré de très grosses longueurs et une narration destructurée,Cassavettes parvient à capter des instants d'une vérité troublante,avec un style totalement spontané,où la caméra s'efface pour laisser la vie,même imparfaite,s'exprimer.Ours d'or à Berlin en 1984.

 

 

 

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