Fiche 2870
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Confusion chez Confucius "
(1994)-(Taïw)-(2h05) - Comédie dramatique
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Synopsis
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Dans le Taipei des années 1990, les tribulations d’une bande de jeunes adultes autour de Molly, fille de bonne famille et directrice d’une agence de publicité en difficulté financière. On y croise entre autres Akeem, son riche fiancé totalement immature ; sa sœur présentatrice de télévision en plein divorce avec un célèbre écrivain en proie à une crise existentielle ; et Qiqi, son assistante personnelle dont la perfection affichée cache de nombreuses failles. Quelques jours vont suffire à remettre en question les aspirations, désirs et croyances de cette galerie de personnages...
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Si « Mahjong » est plus drôle, mais aussi plus tragique, « Confusion
chez Confucius » est plus constant et plus grave, même si l’humour y
fait régulièrement irruption. Il y a notamment ce jeu formel très
littéraire où des cartons sont affichés fréquemment, avec des
aphorismes (issus de Confucius ?), qui annoncent parfois ce qui va
suivre, et qui diffusent souvent une certaine ironie et un décalage,
typiques du style d’Edward Yang.Le long métrage commence par une
citation de Confucius, qui énonce que la paix sociale réside dans la
richesse. Mais que se passe-t-il une fois ce niveau de richesse
atteint ? C’est là tout le problème et le propos du film : dans une
société taïwanaise qui s’enrichit à vitesse fulgurante, l’argent
semble tout corrompre, que ce soit dans la société, à titre
politique, économique et public, ou dans les relations entre les
gens, à titre privé. Les promesses de bonheur dues à l’argent
semblent s’éloigner… Il semble que la vie soit plus complexe que
cela.La complexité est un terme qui caractérise bien le cinéma
d’Edward Yang. Il nous plonge souvent dans ses films in medias res.
Il nous met face à un certain nombre de personnages, dans leur
quotidien, sans que l’on sache qui ils sont. Ce n’est que peu à peu,
à mesure que le film avance, que nous discernons des personnalités,
qui est qui, qui est lié à qui et de quelle façon, et quels sont les
enjeux du long métrage. Le cinéaste et auteur n’hésite pas à tisser
une trame narrative et fictionnelle dense : aux spectateurs de s’y
frayer un chemin.dward Yang montre aussi la complexité de la société
taïwanaise d’alors : dans les grandes entreprises, les relations
entre les employés sont faites de subtils rapports de domination, où
les sentiments sont utilisés au profit de l’argent et du pouvoir.
Cela dit, dans l’administration publique ce n’est guère mieux, entre
les jalousies et la corruption quasi omniprésente…« Confusion chez
Confucius » est également très intéressant car Edward Yang y parle
beaucoup d’art, notamment à travers des écrivains et des hommes et
femmes de théâtre. L’artiste y est parfois vu comme une personne
hors du monde, qui atteint une sagesse peu commune et qui permet
d’éclairer la conscience des êtres humains, dans un rôle social,
presque politique. Mais l’artiste est décrit aussi, avec beaucoup
d’humour, parfois comme un arnaqueur, quelqu’un qui sait manipuler
les sentiments pour arriver à ses fins, en gagnant facilement de
l’argent grâce à la crédulité des gens. Yang montre souvent
l’endroit et l’envers d’une même chose, il n’est pas du genre à
suivre aveuglément des chimères. Même si bien sûr, étant lui-même un
artiste, il sait pertinemment combien l’art est important et même
central pour nos sociétés humaines. La société taïwanaise étant
perdue entre traditions et modernité, entre Orient et Occident…Avec
« Confusion chez Confucius », comme avec « Mahjong », Edward Yang
dépeint un pays qui se réveille avec la gueule de bois. Et pour le
cinéaste taïwanais, c’est aussi l’affaire de toutes et tous. Il y a
comme une exigence morale chez Yang. Bien sûr, dans ses films il y a
beaucoup de personnages pleins de défauts, dont un certain nombre
sont carrément dysfonctionnels. Mais il place aussi dans ses longs
métrages des personnages droits, honnêtes, qui illuminent la vie de
celles et ceux qui les côtoient. Comme pour indiquer à ses
contemporains la direction à suivre : celle de l’éthique
personnelle, qui permettra de bâtir un pays vertueuxJe pense
notamment ici au personnage de Qiqi, une jeune femme rayonnante et
solaire, aussi bien pour sa patronne et amie Molly, riche héritière
et codirectrice d’une grande agence de publicité, que pour son
amoureux Ming. Mais même Qiqi se met à douter : elle a beau se plier
en quatre pour ses proches, peu à peu elle perd pied et comprend
qu’à trop s’effacer face aux autres, elle se ment à elle-même et
risque de perdre ainsi leur amitié.Or même dans la difficulté, c’est
un personnage qui reste debout, fidèle à ses idéaux, sans jamais
trahir personne. C’est bien la seule d’ailleurs. A ce propos, il y a
un passage dans le film où elle indique que même si les gens sont
jaloux d’elle, elle continuera à être bienveillante. C’est un des
personnages centraux du film, elle est profondément intègre, au même
titre que Marthe et Luen-Luen dans « Mahjong », ou que N. J. et sa
fille Ting-Ting dans « Yi Yi ». Edward Yang a beau être pessimiste,
il y a toujours une lueur d’espoir dans ses films, et une certaine
foi dans l’humanité. Ce qui les rend d’autant plus bouleversants…
Edward Yang propose ici une sorte de « comédie humaine » à la manière de Balzac, multipliant les portraits – la femme moderne, le businessman opportuniste, l’artiste égocentrique – pour livrer une satire caustique de la jeunesse taïwanaise des années 1990. La dissociation entre les paroles et les actes des personnages renforce cette critique, révélant l’aliénation, l’hypocrisie et la vacuité morale d’une société néolibérale dominée par l’apparence et l’argent, où les enseignements de Confucius semblent vidés de leur substance. Toutefois, si l’ambition du propos est indéniable, les dialogues, parfois trop sophistiqués ou affectés, peuvent nuire à la fluidité du récit et entraver la lisibilité du film pour le spectateur.
Film très surprenant venant d'Edward Yang, volontiers plus
mélancolique dans sa "veine Hou Hsiao-Hsien" et même dans son très
urbain "Taipei Story". Ici on se croirait presque dans un Woody
Allen made in Taiwan, mais finalement très politique car le ton
léger cache un regard désenchanté posé sur cette jeunesse obsédée
par le statut social, la réussite, et forcément l'argent qui va
avec. Si Confucius s’est bien établi à Taïpei, sa ville séculaire ne cesse de piétiner l’enseignement de sa philosophie (la foi en l’homme) comme peut le rappeler ce film dont l’écho évoque « Taipei story » du même réalisateur. Aux yeux d’Edward Yang, le miracle économique taïwanais, n’est qu’un leurre alimenté par quelques artistes, industriels, et intellectuels, yuppies d’un idéal complètement idéalisé. Le rappel en préambule des préceptes de vie selon Confucius nous renvoie à la richesse matérielle que cette société entend acquérir par tous les moyens. Et je te licencie, et je te retire mon aide, et je ne t’édite plus … On ne comprend pas forcément toujours cette alchimie économique, brouillonne et confuse, mais aux yeux du réalisateur, elle mènera à la victoire dont il a décliné tout au long de son récit, les avatars. Thèse, antithèse, synthèse : depuis cette fin de siècle où Edward Yang tirait le bilan rien n’a donc vraiment changé.
Film qui démarre très rapidement, de multiples personnages, des dialogues qui partent dans tous les sens, des micros scènes qui s'enchaînent. Si certains plans sont splendides ( couleurs, éclairages, décors ) et très pertinents, ce marivaudage frénétique - sans doute en rapport avec le dynamisme économique de l'île dans les années 80 - devient parfois verbeux et s'essouffle facilement.
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