Fiche 2668
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" Avant le
déluge "
(1954)-(Fr,It)-(2h18) - Policier, Drame
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Synopsis
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Dans les années 1950, en France. Cinq jeunes amis sont pris de panique face au risque de guerre nucléaire avec la Corée. Leur décision est prise : ils vont aller s'installer sur une île perdue, pensant y être à l'abri. Mais pour financer ce périple, il faut de l'argent. Daniel, Philippe, Jean, Richard et Liliane se lancent alors dans un cambriolage qui tourne au bain de sang...
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Décidemment André Cayatte est un réalisateur sous-estimé. Résolument engagé, l'ancien avocat s'est souvent vu reproché le traitement sans guère de nuances des sujets qu'il abordait. Ici, il démontre tout le contraire à partir d'un scénario écrit en collaboration avec Charles Spaak. Alors que la France est impliquée dans la guerre de Corée, la crainte d'une guerre nucléaire envahit l'opinion publique. C'est dans ce contexte où les blessures d'après guerre sont encore mal refermées que quatre jeunes gens rêvant d'aller vivre une vie meilleure dans une île de Polynésie comparaissent pour le meurtre d'un gardien de nuit. Leurs parents leur font face dans la salle d'audience et la caméra de Cayatte les découvrent un à un en travelling avant de s'arrêter sur chacun pour aller tenter de comprendre dans l'éducation des accusés ce qui a pu générer une telle violence. Bernard Blier encore une fois stupéfiant de vérité, Paul Frankeur, Jacques Castelot, Isa Miranda, Line Noro et Antoine Balpêtré vont épauler brillamment le réalisateur pour cette introspection qui balaie de nombreuses problématiques comme l'antisémitisme, l'excès d'amour maternel, la difficulté du veuvage ou encore la démission parentale. Progressivement le drame se construit par addition des angoisses et des manques de chacun des jeunes gens pour aboutir à une conclusion tout aussi subversive que celle de "L'appât" de Bertrand Tavernier sorti 40 ans plus tard et qui tout comme le film de Cayatte souleva quelques polémiques induites par la déliquescence de l'éducation qu'il présentait. Sujet éternellement d'actualité déjà traité avec force et acuité par André Cayatte en 1954. Avant le déluge fait sans nul doute partie des films les plus importants et intéressants parmi ceux réalisés par André Cayatte. Dans la tétralogie sur la justice que le cinéaste a réalisée, ce film intervient après Justice est faite (1950) et Nous sommes tous des assassins (1952) et sera suivi par Le dossier noir (1955). Au-delà de l’appareil judiciaire, Cayatte interroge l’incompréhension entre parents et enfants, les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale encore présents dans l’esprit de la population dont l’antisémitisme mais aussi la crainte d’un troisième conflit généralisé en regard des évènements en Corée. André Cayatte réalise « Avant le Déluge » en 1953, juste après « Nous sommes tous des assassins ». Mis à part la présence de Marina Vlady et de Bernard Blier au générique, tous deux excellents, on ne pensait pas grand chose de ce film avant de le visionner. Et pourtant, c�est une claque, tant dans son récit que dans sa mise en scène, tous deux amples et ambitieux, riches et complexes. Le film s�ouvre sur une scène de procès : quatre adolescents sont entendus par la Justice pour avoir commis un meurtre, ils attendent, terrifiés, leur condamnation. Les parents sont dans la salle. Par le biais d�astucieux flashes-back continus et d�habiles récits croisés entre les quatre familles, Cayatte nous raconte alors ce qui a pu mener ces quatre enfants de bonne famille, étudiants brillants, à ce terrible drame. Juste après la fin de la seconde guerre mondiale, la population redoute l�éclatement d�un nouveau conflit en Corée. La bande de jeunes amis projette alors, pour fuir ce danger, de s�enfuir sur une île du Pacifique. Mais pour réaliser ce doux rêve d�adolescent, il faut de l�argent? et ceux-ci n�ont pas de meilleure idée que d�organiser un cambriolage? qui bien entendu tournera vite au drame. Au delà du récit déjà fort prenant, Cayatte livre un constat lucide et désabusé sur la jeunesse française d�après-guerre, sur la perte de l�innocence et des illusions. Plus encore, Cayatte ose des choses véritablement incroyables pour l�époque, comme montrer des seins nus de manière ostentatoire, ou encore inscrire dans son récit de manière affichée et volontaire, un couple d�homosexuels parmi les rôles principaux, qui ne sont ni condamnés ni montrés du doigt à cause de leur préférence sexuelle. En plus d�être un film dense et prenant, « Avant le Déluge » est aussi un film engagé et courageux.
Un peu trop d'éléments et à vouloir tous les joindre Cayatte ajoute de la lourdeur et perd son efficacité habituelle. En compensation cela donne de la richesse au film donc l'ensemble s'équilibre. Même chose pour les acteurs il y a du très bon et du moins bon, et si je n'ai pas rêvé, Cayatte passe à coté de Gérard Blain qui n'a qu'une petite réplique. Tableau du désarroi de certains milieux d'une époque à jamais révolue avec ces quatre ados qui se voient passer en cours d'assise pour avoir été mêles à un crime! Jacques Castelot ne tarit pas les mots : « Tuer un veilleur de nuit, c'est presque un policier » . Voici donc une étude psychologique très approfondie, mise en chantier à partir d'un script savamment construit de Charles Spaak! Une fois encore, André Cayatte se hisse contre les tares de la justice! Les seconds rôles sont excellents (Antoine Balpêtrè, Bernard Blier...) et l'une des robes (tout en journal) que porte la jeune Marina Vlady (seize ans seulement) dans sa première partie est d'une affolante originalité! Même si "Avant nous le déluge" paraît daté (la société a bien changé depuis), cette oeuvre d'inspiration, plus ou moins dramatique / policière dans laquelle les parents et le fonctionnement de la justice sont mis en cause, captive autant qu'elle déconcerte! Le déluge est peut-être pour demain messieurs-dames ?
Sur la forme, la faiblesse du film tient beaucoup à l'interprétation de jeunes acteurs à qui on demande jouer comme des grands, avec l'esprit des grands. Le dénouement, théâtral, souligne plus encore cette maladresse (et j'admets ne pas supporter Marina Vlady à cette époque, avec ses minauderies d'adolescente et sa voix aigüe). Et puis, en mettant la fin au début pour favoriser son postulat, au détriment du suspense, le réalisateur diminue l'intérêt de l'intrigue, laquelle devient trop lisible dans un film trop long. Il faut reconnaitre à Cayatte et à Charles Spaak, son co-scénariste et dialoguiste, de composer des portraits variés (d'adultes) assez fins pour éviter la caricature. Mais, décidément, ces parents fustigés méritent-ils qu'on leur mette tout sur le dos?
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