CINECRITIKIUM

 

 

 Fiche  2590 

 

 

n°2590
 
" Detour "

 

 

(1945)-(Am)-(1h09)  -      Policier, Drame   

 

Réal. :     Edgar G. Ulmer    

 

 

Acteurs:  T.Neal, A.Savage, C.Drake ...

 

Synopsis

 

 

Un pianiste de bar va, malgré lui, prendre l'identité d'un automobiliste qui l'a pris en stop mais qui est mort subitement. L'automobiliste en question est l'héritier d'un millionnaire mourant et que sa famille n'a pas revu depuis des années...

 

 
  Critiques Presse 

  bonnes            moyennes           mauvaises      critiques  nd    

 

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Critiques Spectateurs

  bonnes            moyennes           mauvaises 

 

 

A l'instar de Mulholland Drive ou de Kiss me deadly, Detour est un film culte avant toute chose pour son atmosphère cauchemardesque. Il est difficile après l'avoir vu de ne pas penser qu'il fut une influence majeure de Lost Highway (David Lynch, 1997). Il y a déjà ce générique de début tellement semblable. Mais ce n'est pas tout. Al Roberts, le personnage principal, traverse les Etats-Unis pour rejoindre sa pette amie partie faire fortune à Hollywood. Lorsqu'il débarque à LA, la seule caractérisation qui nous en est donnée est un simple garage, tout comme dans Lost Highway lorsque le héros transfiguré apparaît pour la première fois, sous sa deuxième identité, dans LA. Il est alors garagiste. Mais il y a bien plus. Quand Dick Laurent (Bill Pullman) est saxophoniste, Al Roberts (Tom Neal) est pianiste. Lorsque Dick Laurent ou Diane Selwyn dans Mulholland Drive paraissent atteints d'une même schizophrénie, c'est déjà en filigrane le thème central de Detour qui déroule une histoire subjective à travers les yeux et le témoignage affecté d'un personnage qui se noie littéralement dans les replis de mensonges plus gros les uns que les autres, cherchant en permanence à se trouver des excuses, à s'inventer des scénarii voués à le déculpabiliser de 2 homicides... Toutes les thématiques du film noir sont ainsi réunies : le héros poisseux, des meurtres, la femme aux 2 visages (la blonde lumineuse et la brune fatale), l'identité flottante, la route perdue, un garage, un hôtel, un bar, un héritage... et un final magistral dans lequel un téléphone provoquera littéralement la mort de Vera l’autostoppeuse. Quant à Tom Neal, son interprète principal, il va dans la vraie vie épouser le destin de son personnage et sera quelques années plus tard accusé du meurtre de sa deuxième femme. Incarcéré, il purgera sa peine, ne cessera de clamer son innocence et décèdera peu de temps après sa remise en liberté. Etranges destins d'acteurs marqués au fer rouge par des rôles dans des films indélébiles.

Un film fauché (ça se voit) et réalisé à la Corman (trois semaines ?) Et pourtant le résultat est bluffant. Nous avons là un portrait de femme fatale version teigne assez rarement vu au cinéma et remarquablement interprété par la troublante Ann Savage. L'histoire est simple mais fonctionne parfaitement, la photographie est très correcte et même très belle par instants. Si le film n'avait pas été brimé par son faible budget et par quelques débilités imposées par la censure on aurait tenu là un chef d'œuvre. On en est là néanmoins tout près.

Un film court que tout apprenti réalisateur doit connaitre tant il est le modèle parfait de ce qui peut être conçu au cinéma en moins de une semaine, et avec un budget minuscule. Évidemment, les deux acteurs principaux et la forme du récit à la première personne y sont pour beaucoup, les flashbacks servant grandement l’ambiance et l’économie de moyens. Cela dit, la création du climat ‘’noir’’ est uniquement du au talent de Ulmer et à sa recherche constante d’angles expressifs qui surgissent dans une lumière tamisée. Il a eut aussi la bonne idée de trouver une vraie femme fatale (Vera) qui ne cache pas son jeu, échoue pourtant dans ses tentatives de séduction mais utilise parfaitement son intelligence pour parvenir à ses fins. Roberts est lui aussi bien campé car il n’a rien d’une victime consentante et il ne finira par plier que sous les coups du destin…Trop c’est trop, surtout quand on n’y peut rien. Le scénario marie les situations absurdes à la perfection et on ne saura jamais exactement de quoi est mort Haskell  et pourquoi Vera s’est elle servi du téléphone de cette manière. Peu importe, c’est intellectuellement lumineux et passionnant, c’est ce qui compte. La base de l’histoire décrite dans ‘’Detour’’ est en fait bien banale car les hommes qui se désespèrent quand ils sont seuls et auxquels il n’arrive que des conflits lorsqu’ils sont entourés est une histoire du quotidien…Ici, deux mauvaises rencontres ont suffi et un cinéaste extrêmement doué en a fait pour trois francs six sous un superbe cauchemar.

La série B réserve souvent de très bonnes surprises, et "Detour" en est probablement un de ses meilleurs exemples. A peine plus d'une heure, tourné rapidement, pour pas grand chose et avec des acteurs inconnus, une technique largement perfectible : a priori, rien de bien extraordinaire. Et pourtant, le film fascine. Le scénario est même absolument irréprochable, implacable, tragique et logique. Le destin de son personnage principal place "Detour" dans le case du film noir, dont il respecte tous les codes, malgré le manque de moyens. Ce qui est ici encore plus fascinant, c'est la dimension de road-movie du film, avec tout ce que la route comporte de dangerosité pour le rêve américain (le personnage part à Hollywood et il est souvent question de l'Ouest) : même si l'histoire est totalement différent, rappelons nous qu'on est ici plus de 20 ans avant "Easy Rider". "Detour", ou quand une série B égale la série A.

 

En 1945 Edgar G. Ulmer tente de sortir de l’ombre en filmant celles d’un film noir qui ne dit pas encore son nom, mais en possède déjà des codes dont on pourra s’inspirer par la suite. Le réalisateur n’a pas le sou et tourne en quelques jours ( deux semaines ? ) une histoire parfaitement adaptée du livre de Martin Goldsmith, à la seule différence notoire pour son violoniste qui devient pianiste de bar. Le reste est conforme à l’histoire du gars qui se trouve à la mauvaise place au mauvais moment. Un enchaînement de circonstances le conduit à toucher le fond, et même pire quand une femme qu’il pensait aider, appuie là où ça fait encore plus mal. Ca dure une petite heure, c’est plaisant, avec deux acteurs qui s’en tirent plutôt pas mal.

Initialement prévu pour être une série B à petit budget, ce film noir a été reconnu comme l'un des meilleurs de son époque. Effectivement, le film est l'un des plus courts du cinéma (67 mn). Maintenant, de là à l'encenser comme un petit chef-d'œuvre, il existe des limites que je ne franchirai pas. J'ai accroché à l'intrigue par le ton narratif du début et l'image sombre, presque lugubre durant l'intégralité de l'histoire et j'ai été séduit par le jeu de l'acteur principal Tom Neal. En dehors de cela, le scénario est minimaliste et il manque l'étincelle qui aurait pour faire briller de mille feux ce road-movie pour qu'il atteigne le rang de merveille. Le manque de moyen est évident et Edgar G. Ulmer a dû faire au plus court pour boucler son film en six jours. Néanmoins, il est intéressant à suivre et l'on a envie de connaître l'issue. Claudia Drake et Ann Savage sont des actrices inconnues à mon répertoire mais la seconde mérite une mention particulière pour son interprétation de petite peste insupportable dans la peau de Vera, bien que son rôle soit à la frontière de l'acceptable. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui accepteraient de se laisser mener en bateau par une donzelle indomptable aux allures de chat écorché vif. Une rareté à découvrir.

 

Un classique du film noir tourné en quelques jours avec un scénario plutôt bien écrit mais qui manque d'audace. La mise en scène est très réussie et Tom Neal campe un pauvre type malchanceux avec brio face à une insupportable Ann Savage qui est parfaite dans la peau de son personnage. Mais l'ensemble manque de charme, la durée du film ne permettant pas de bien rentrer dans l'univers.

 

 

 

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